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02/07/2014

Le monde vu par les voleurs de pomme

Ladro-di-bici.jpgCe matin, en lisant les journaux, j'imagine ce qui passe pour le détenu d'une prison à qui l'on a apporté un journal. Du jour ou de la veille, peu importe. Ce détenu n'est ni un violeur, ni un assassin, ces deux figures archétypales de la représentation des détenus, alors qu'elles constituent une infinie minorité des prisonniers. C'est un voleur de pomme, ou un voleur de bicyclette pour reprendre l'imaginaire de Brassens ou du cinéma italien. Dans les faits, ce serait sans doute un voleur de scooter, un type qui a conduit bourré ou qui a flanqué un bourre pif de trop un soir dans un bar où les pandores buvaient un café. Bref, un type qui a déconné, mais sans plus.

Il sait qu'il a fait une connerie et le voilà incarcéré pour quelques semaines. Avec des répercussions pluriannuelles en termes de stigmatisation sociale... La semaine dernière, je discutais avec François Besse, l'ancien comparse de Mesrine. Lui a sans doute fait des vraies conneries, très bien, mais il mène un aujourd'hui un combat remarquable à l'OIP. Quand on lui parle des conditions de détentions et de la stigmatisation sociale qui n'a pas évolué depuis Valjean, il sourit et lâche "si ça a bougé. C'est pire maintenant". Rapport après rapport de Jean-Marie Delarue, on sait effectivement que la prison ne réussit pas son rôle de réinsertion et pire, qu'elle détruit les détenus. Que l'immense majorité des détenus n'ont rien à faire en prison et que l'on ne peut, faute de places, enfermer des potentiels dangers publics. Bref, il faudrait un Grenelle de la justice pour discuter ensemble de qui doit être enfermé, quelles peines alternatives et autres méthodes de rétorsions il faudrait employer. Mais l'on voit à la lumière de la réforme Taubira que les français sont très intolérants avec les voleurs de pomme qu'ils suspectent trop souvent d'être des violeurs récidivistes en puissance et ne veulent surtout pas qu'ils puissent étudier ou faire du sport en prison, car ils y verraient une espèce de prébende... 

Je retourne à mon voleur de pommes. Il lit les titres. La BNP condamné à une grosse amende ? En lisant l'article on voit bien que des dirigeants ont nargué la justice américaine pendant 10 ans, qu'ils se sont donc considérés au dessus des lois. Ils ne seront pas inquiétés. Il se souvient qu'on a discuté pendant des semaines de Bygmalion et demande à ses copains de cellule si Millot ou Copé doivent les rejoindre en centrale. Peu probable. Et là Nicolas Sarkozy mis en examen pour la seconde fois. Il semblerait qu'il ait beaucoup déconné, mais pourtant ses copains montent au créneau pour parler "d'acharnement". Quand il était passé devant le juge, personne n'avait dénoncé l'accablement dont il était victime, lui. Sarkozy serait relaxé aussi. L'histoire montre qu'il en va toujours ainsi à 3 lampistes près. Le détenu regarde alors la télé, elle passe une rediffusion d'LCP. Il reconnaît cet exalté bronzé au brushing qui doit coûter un SMIC en entretien. Mais oui, il était premier ministre ! Dominique de Villepin explique, posément que "la prison n'est sans doute pas une réponse adéquate pour la délinquance en col blanc". Quand on triche avec de l'argent en somme, même beaucoup, même énormément, même très longtemps, ça n'est pas grave... Impensable. C'est une chose que les parents aident à dédramatiser une gaffe enfantine en disant "ça n'est que de l'argent". Ou "le matériel ça se remplace" quand un enfant à explosé une facture de téléphone, joué à des jeux en ligne avec la carte bleue parentale. Mais il y aura sanction. Privé d'argent de poche, obligation de travailler pour rembourser. Des peines peu sévères mais ayant valeur d'exemple. Les adultes n'ont même plus cela, ce qui rend les délinquants en col blanc moins responsables que des mineurs. Comment veut-on que notre voleur de pomme les respecte ?