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22/07/2014

L'homme sans argent, pas sans qualités

imgres.jpgJe sais qu'il est de bon ton de dire que le Front National apporte de mauvaises réponses à de bonnes questions. La comparaison s'arrêterait là, mais c'est le résumé que je pourrais faire du livre de Mark Boyle. A l'issue du récit, je frissonne à l'idée qu'on nous impose un jour un mode de vie pareil (lui l'a choisi et s'en réjouit très bien pour lui) mais force est de reconnaître que son histoire pousse à réfléchir sur notre mode de vie.

Le jeune homme (il ne précise pas, mais d'après les photos qu'on trouve de lui, je dirai petite trentaine), irlandais très sportif et qui a rencontré la nature comme d'autres tombent en extase dans la religion, s'interrogeait sur la façon de vivre pleinement en accord avec ses idéaux. Vraiment à fond. C'est à dire vivre sans dépenser une pièce. On peut ouvrir là le débat sur le fait qu'il va utiliser des objets qui coûtent déjà de l'argent, qu'il a un capital de départ ou autres... Très bien, mais vue la frugalité du bonhomme, ce genre d'arguments tombent vite. 

Donc, après s'être bien préparé, avoir envisager le nécessaire à conserver, il s'est lancé pour une expérience d'un an, commençant en novembre (autant commencer complexe, quand la nuit tombe à 16h...). Une roulotte pour toit, un vélo pour moyen de locomotion, des équipements solaires et éoliens pour produire son énergie (douche solaire dont l'eau atteint moins de 20° l'été...) quelques vêtements et équipements de cuisine. Plus un téléphone et un ordinateur pour être relié à sa communauté. Deux instruments électriques qu'il recharge lui même dans de rocambolesques épisodes... Bref, il ne triche pas. 

Que peut-on retenir de son expérience ? D'abord que vivre sans argent et tous les bienfaits du progrès c'est plus survivre que vivre. La part de ses loisirs a chu considérablement. Il passe le plus clair de son temps (ce qui le ravit) à travailler la terre, à préparer à manger et à produire de l'énergie. Il fait la vaisselle, se lave, rédige le récit de sa vie et lit 3 pages avant de se coucher... Il a perdu sa nana qui vit à Londres et lui à 30 bornes en vélo ce qui complique la donne. Les 8 mois suivants la rupture, il ne rencontre personne et ne peut de toutes façons l'emmener au pub boire une bière qu'il ne pourrait payer... Il est libre Mark, mais il est un peu seul...

D'un point de vue universaliste le problème est là : le mec est si radical qu'il ne peut que passer pour un huluberlu. Si extrémiste qu'il ne peut entraîner aucune adhésion à son mouvement autre qu'un peu de sympathie de loin, mais personne ne peut sérieusement renoncer de son plein gré à autant de confort pour atteindre un idéal. Une communauté le suite, mais on sent une empathie forte plus qu'une capacité à le suivre dans un renoncement au progrès de façon volontaire. Néanmoins, tout est dans le "de son plein gré". Boyle considère que notre modèle de croissance nous mène dans le mur. Il a raison. Il pense que cela va détruire la nature. Il a encore raison. Alors il dit "revenons aux Amish". Il a tort. 

Le passage consacré aux couches ou aux tampons hygiéniques te font relativiser l'universalisme du message: "les questions de santé féminines ne sont pas ma spécialité !" confesse-t-il. Bah voilà. De ce point de départ, on peut extrapoler : Boyle n'a pas conscience que le progrès aide à compenser pour rendre la vie plus douce à tous. Les couches ne sont pas nécessaires (il parle de l'éducation au pot dès 3 mois...) mais facilitent considérablement la vie, idem pour les tampons... Mais si on va plus loin, l'homme est en pleine forme mais dans un monde vieillissant nous n'aurons jamais assez de jeunes vigoureux pour compenser le manque de productivité agraire des anciens. Et les personnes qui naissent handicapés demain à qui on ne pourra trouver de fauteuil ? Les sourds à qui on ne pourra fournir de prothèses etc etc etc etc... Il croit plus dans la nature (éternelle) que dans la capacité de l'homme à se raisonner. Dommage. 

Bref, s'il n'apporte aucune réponse séduisante, merci à Mark de poser de bonnes questions et de nous aider à nous les poser à notre tour : à voir sa vie, on comprend que dans la folie de notre système de production actuelle il va falloir hiérarchiser et là, le sens de la décision collective intervient. Nous devons collectivement et par des outils programmatiques et incitatifs (dans un cas, ou dissuasifs dans l'autre) nous demandons ce que nous pouvons maintenir et ce que nous devrons diminuer. Ainsi, une chute de la production de vêtement paraît hautement nécessaire. Nous en avons 1000 fois trop et 1/4 des pesticides mondiaux viennent de ce que l'on déverse sur le coton. Nous devons diminuer les déplacements (sans attendre que les méthodes de dissuasion des séparatistes russes nous y invite) et favoriser les déplacements collectifs. Surtout, nous devons faire de la sobriété énergétique une priorité car c'est vraiment cet aspect qui ressort du livre : sans elle, on est mal mal mal. On le sait depuis Prométhée, mais la piqûre de rappel fait du bien.

Merci Mark et bon vent ! Tu nous aiguilles sans le savoir.