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13/08/2014

Le temps, vrai marqueur de dérégulation

Horloge_Saint-Nicolas.jpgLe travail moderne repousse sans cesse les frontières entre vie privée et vie professionnelle. Les digues érigées à la hâte pour lutter contre l'invasion des nouvelles technologies tombent les unes après les autres. Et pour cause : nous les faisons tomber. Car la dérégulation du travail par le numérique n'a pas que des effets néfastes avec call le week-end ou recherches nocturnes sur Internet. Les mêmes outils qui peuvent esclavagiser les travailleurs peuvent nous libérer nos journées. Quand on travaille bien et vite au petit matin, on peut prendre du temps pour soi en journée. J'en ai beaucoup fait l'expérience cette année. Pour lire et aller au ciné, mais surtout pour aider et accompagner des proches qui ont besoin de temps pendant les heures de bureau.

Il est notoire qu'une conception du temps de travail plus souple sera nécessaire dans le futur : l'allongement de l'espérance de vie de tous et notamment des personnes handicapées accroit considérablement le nombre d'aidants familiaux. Ceci pourrait concerner jusqu'à 9 millions de Français qui, à des degrés divers, doivent ou veulent pallier ce qui ne peut être pris en place par des structures ou des services de soins. Dans ce cadre là, la dérégulation fait du bien. On peut l'étendre à l'éducation de nos enfants. En réussissant à comprimer nos activités professionnelles, en rusant avec le sommeil, on peut faire le choix de sacrifier des soirées au boulot pour avoir plus de temps à passer avec ses enfants les mercredis ou après l'école.

Enfin, il est évident qu'à côté des travailleurs de bureaux, nous avons de plus en plus besoin de travail 24/24, 7 jours sur 7. Pas de consommation et autres galeries ouvertes le dimanche pour satisfaire le Moloch de la consommation. Non, juste de plus en plus de soins et de services, de SAV et autres auxquelles nos vies éclatées sont accrocs. Comme le démontrait fort justement Camille Peugny "plutôt que de moquer le Care, les gros revenus devraient se dire qu'il faut des baby sitters pour garder leurs enfants, des assistantes pour leurs parents, qu'ils sont contents de trouver des transports (collectifs ou privés) travaillant tard le soir et des restos ouvert à pas d'heure". En clair, pour qu'une société soit bienveillante pour tous, il faut qu'un certain nombre oeuvrent en décalé. Reste à voir s'ils le font par choix ou par contrainte, auquel cas il faut que cette peine soit rémunérée à sa juste valeur. C'est un autre débat...

Pour ceux qui ne sont pas en décalé, mais qui sentent l'invasion horaire venir, on pourrait trouver une formule comme "le décalage contraint". Vous ne travaillez pas le week-end en principe, mais survient un mail vendredi vous demandant une réponse pour lundi. Ou des questions le week end, sans urgence, mais auxquelles il faudrait donner une réponse avant lundi....

Souvent ça n'est rien. Mais il faut quand même y répondre. Je suis frappé par la dilution de l'esprit de responsabilité qui pousse un grand nombre de personnes à écrire des mails en mettant beaucoup de monde en copie, comme témoin et lancer une question anodine mais exigeant une réponse. Ainsi, ils croient montrer leur capacité de travail. En réalité, ils font chier tout le monde et montrent leur incapacité à décider et trancher comme ils devraient le faire. Cette année, j'ai souvent voulu couper avec des week-ends prolongés. Or, le soir du troisième jour du séjour, donc le seul vrai jour chipé au travail, je voyais une pile, non seulement de mails, mais aussi d'injonctions à répondre. Entre dix et vingt par jour. Regardés froidement, un ou deux d'entre eux seulement appelaient vraiment une réponse de MA part. Les autres voulaient des précisions, des confirmations... Cette augmentation folle vous pourrit la vie. Or, là, depuis 15 jours, la France entière a déconnecté. Quand je rentre de ma journée de vacances et me connecte, j'ouvre ma boîte sans crainte. Je sais qu'elle sera vide ou avec un mail traitable en dix secondes. Et cette quiétude là vous apaise mille fois plus que tout le reste.

Avant de partir en vacances, j'ai vu beaucoup de monde pour le boulot ; tous, dans la dernière ligne droite avant leurs vacances, m'ont confié leur "besoin" de couper. Alors que nous n'allons pas à la mine ou n'avons pas des horaires de fous. Juste, nous sommes en état de sollicitation permanente qui nous use. Depuis 15 jours tout le monde a levé le pied et tout le monde va mieux. Cela ne mériterait-il pas une plus large réflexion sur les moyens à mettre en place, formation, discussion, management, pour faire baisser l'état d'urgence permanente qui nous pourrit le reste de l'année ?