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15/12/2014

Impasse d'un monde ancien

2014-12-14 12.47.39.jpgAprès une très grosse période de turbin, où j'avais notamment délaissé honteusement ce blog, j'ai eu la chance de m'offrir une escapade en Toscane. Pour y rejoindre des amis cherchant un lieu hors des écrans radars. Nous voilà donc à une heure de Florence, dans un village aux deux restaurants, Radiconoli. Et encore, notre maison est à l'écart, vraiment perdue. Hier matin, nous empruntons un chemin à peine dégagé qui part de chez nous, direction l'autre village voisin, Belforte. Wikipedia nous apprend qu'il s'agit d'un fief médiéval, érigé au XIIIème siècle et connu pour la beauté de ses rues.

Effectivement, c'est beau. Beau comme un village encaissé, avec une multiplicité de belvédères. Beau aussi, comme des rues fièrement pavées et tout cet alignement de maisons anciennes en briques rouges, aux fenêtres et toits homogènes, à peine entachées par la modernité d'un emblème postal ou d'un sigle de tabac. Au sommet du village, un café restaurant du temps perdu au néon crépitant. On s'approche, deux septua ou octogénaires tiennent le comptoir de guerre lasse. On imagine que les enfants n'ont pas voulu reprendre l'affaire. La faim est un peu présente mais l'immense réfectoire complètement vide incite à prendre un café. Un mot laissé sur la porte indique que le café n'ouvre ses portes que le samedi et le dimanche pour les six mois d'hiver. L'été, les touristes viennent gonfler la voilure comme par enchantement. Dix fois plus d'habitants. Mais nous sommes l'hiver et le restaurant sonne creux.

Nous nous engouffrons dans l'artère principale, déserte. Même l'église est fermée, un dimanche matin. On se croirait dans Daisy Town, à peine croise-t-on deux enfants qui sortent, sans doute attirés par le bruit des pas. En levant la tête, on aperçoit un panneau "vendesi", de la photo ci-dessus. Puis deux, trois, et une infinité d'annonces similaires transformant la rue en une impossible braderie. Au bout de l'allée, de belles berlines sont garées devant de luxueuses maisons. Ceux-là ne partiront pas. Pour les autres, c'est l'exode qu'ils désirent. Triste chronique d'une ruralité trop enclavée pour un monde ultra urbain et désertification ordinaire. Sans doute cette fois-là cela m'a t'il plus serré le coeur que d'habitude. Non que je manque de chauvinisme, mais je ne trouvais pas de charme particulier à ces bourgades françaises à l'abandon. Là, nous parlons bien de bicoques érigées et préservées alors que Dante écrivait sa Divine Comédie. Le village se vide, personne ne se presse pour le remplir (renseignements pris, les maisons sont à vendre une bouchée de pain). J'ai aperçu quelques bambins, leurs vélos et la motocross d'un ado et je me suis demandé ce que c'était de grandir dans un lieu à la disparition annoncée. Sans doute tous ont ils l'envie de tourner le dos à ce trou perdu, comme les enfants des patrons du café restaurant qui n'ont pas repris l'affaire. Des saisonniers s'organiseront peut être pour faire tourner le village l'été. Avec une ou deux bonnes applications internet, on doit pouvoir surveiller tout cela l'hiver, toiletter l'ensemble du village en une semaine à l'orée de l'été, aérer les maisons, faire les poussières, changer les draps et relancer la cuisine. Ainsi pourra-t-on donner tout de même vie à ce village musée qui dominait le monde il y a sept cent ans.