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13/01/2015

Une absence kippaspa

salon-2012-carre-noir-img.jpgHier, quatre heures de cours d'analyse de l'actualité. Deux fois deux heures, deux fois vingt cinq jeunes. Contrairement à de nombreux enseignants de lycées en proie à des difficultés, je sais que je serais épargné par les commentaires sur l'insolence coupable des dessinateurs de Charlie. Licence 3, dans un établissement supérieur privé, on joue sur du velours. Parce que les faits sont trop graves, parce que je veux leur faire dire des choses, parce que je veux que tout le monde s'exprime, je demande à chacun de me résumer les événements des jours derniers en une phrase, un élément qui l'a marqué. Nous prenons le temps. Les deux fois, les jeunes font preuve de bon sens et font ressortir des tas d'éléments : "folie de l'information en direct", "chefs d'Etats inappropriés", "union nationale", "stigmatisation, amalgame", "représailles, islamophobie"... Et ainsi de suite, le tableau se noircit vitesse grand V. Ils ont tout. Sauf un mot. Les deux fois. Une absence qui m'interpelle. Je leur signale et par deux fois, ils sont interpellés et vaguement en désaccord. Pourquoi donc leur parle-je d'antisémitisme ? 

Alors, refaire de la pédagogie par la base. Les flics ont été tué parce que flics, parce que l'Etat. Les dessinateurs pour leurs caricatures. Les otages d'Hypercasher parce que juifs. Pas autre chose. On me relance, ne vais-je pas stigmatiser ? On parle de Charlie, de l'unité, donc pourquoi parler de la religion des morts ? Ils sont morts, paix à leur mémoire. Aucune agressivité mais un refus poli de parler de cette douleur. Pire, la crainte que raviver cette singularité serait la vraie menace à l'unité nationale, Dieudonné que personne n'avait sonné, reviens dans la discussion : lui, il prend cher quand il dit des conneries alors que Charlie font ce qu'ils veulent. Ca prouve vraiment qu'il y a des gens à propos de qui on ne peut pas plaisanter. Frisson glaçé le long de mon dos.

Je me retrouve renvoyé à des paradoxes personnels. J'ai toujours pensé que le fait de s'appeler Jacob était moins entravant pour trouver un logement ou un boulot que s'appeler Mohamed. Litote. Ceci plus le fait que les discours de nos ministres de l'intérieur n'ont jamais soupçonné les arrières salles des falafels d'abriter des complots, font que j'ai du mal à parler d'antisémitisme d'Etat. Ce sentiment reflue même en partie. En revanche, depuis quelques années, d'Ilan Halimi à Merah, de Créteil à vendredi dernier, les seules personnes à mourir en raison de leur religion, sont juives. Et je m'étonne, suis même éberlué, qu'on ne puisse pas s'accorder là-dessus. Bien sûr Hollande s'est rendu à la grande synagogue dimanche soir. Mais les adresses et repentir ont été très localisés, les tribunes les plus alarmées sont le fait de juifs comme Lanzman dans le Monde, hier. Mais le soulèvement des goyim, pas pour cette fois. Impensable d'imaginer Charlie avec une kippa. Décidément, le communautarisme est une belle saloperie retorse...