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11/10/2015

Glorifions l'égoïsme altruiste

20130227-235411.jpgLa meilleure définition de l'égoïsme est donné par un des enfants de L'argent de poche, le film de Truffaut : "un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi". Je dis que c'est la meilleure dans la mesure où je m'identifie pleinement à cette maxime et malheureusement, je connais tellement d'égoïstes... 

Plus sérieusement, je note une tendance à l'excès d'altruisme dans les milieux professionnels que je fréquente : des assocs, ONG, entrepreneurs sociaux et autres intrapreneurs du changement ; des salariés d'entreprises privées, grandes ou non, engagés de l'intérieur. Ce dont je veux parler ici n'est pas de leur altruisme financier, mais temporel, calendaire. Votre chèque vous prend une parti de votre budget, peut limiter vos loisirs, mais signez le chèque ou le faire en ligne ne prend que quelques minutes et surtout, vous savez quelles sont les bornes de l'engagement au moment ou vous signez. A l'inverse, c'est chronophage d'être généreux et ça déborde vite. Quand une ONG a besoin de vous, vous travailleur à temps plein, forcément, elle vous sollicite sur les marges : tôt le matin, tard le soir, quand ça n'est pas le week-end. Des réunions, des conférences, mais aussi des "gens à voir", des rendez vous par procuration où vous vous rendez parce que votre présence pourrait changer (positivement) l'issue du rendez vous au profit de la cause. Bon. 

Depuis quelques années, les besoins sociaux explosent et les demandes d'engagement se démultiplient. Et les réseaux de professionnels désireux de mettre leurs compétences à dispositions croissent moins vite que la demande. Aussi, les cumulards se multiplient. Lorsqu'on est dans ces cénacles, on croise beaucoup les mêmes visages. Et je les trouve un peu plus fatigués chaque fois. Pas forcément d'avoir fait la chouille. Pas nécessairement de ne pas savoir s'organiser, juste parce qu'ils ne savent pas dire non. Et comment dire non à des projets beaux, des projets nobles, des projets beaux ? On ne peut pas, on serait une enflure et c'est justement pour éviter cette opprobre sociale qu'on s'est lancés dans la Cause... 

Les choses se compliquent encore quand les agendas professionnels des cumulards de l'engagement ne cessent de croître. Pas possible de se la couler douce dans sa boîte pour aller sauver le monde. Pour ceux dont l'emploi est associatif, le climat économique n'incite pas aux embauches pour vous permettre de déléguer, d'où la surcharge. Et le refus d'aider des associations soeurs serait vu encore plus comme un camouflet. Double injonction à ne pas dire non... Un article fameux () intitulé "stop the glorification of busy" avait souligné ce mal contemporain : nombre de yuppies, jeunes où non, n'arrivent plus à voir leur famille, leurs enfants et leurs amis car ils sont "débordés". Et socialement cette valeur est survendue. Si on peut entendre cet embastillement volontaire dans le travail pour ceux qui ont décidé d'être gouverné par l'argent, l'auto asservissement pour des causes est triplement contre productive. D'abord, parce qu'on aide mal lorsqu'on est sur les rotules : on pense de guinguois, on ressasse les mêmes fadaises et on apporte plus ce pour quoi on est venu vous chercher. Ensuite, on met en péril son engagement au long terme qui est pourtant ce dont on a besoin. A tirer sur la corde, le risque est prégnant d'une rupture pure et nette et vous passez d'un surinvestissement à zéro ce qui est un mauvais calcul, celui là même que l'on reproche au capitalisme financier court termiste...  Troisièmement, le plus important, du coup : si l'on veut promouvoir un autre modèle reposant sur davantage de partage, non seulement des richesses, mais aussi du temps, alors il faut commencer à s'appliquer ces préceptes à soi même. En glorifiant l'égoïsme altruiste. Ne plus éprouver une honte absolue de sécher une réunion militante pour dîner avec des amis, prendre un bouquin ou le temps de flâner ; toutes activités qui, plus tard, serviront mieux les causes. Je ne sais si cela sera socialement bien accepté, mais je me l'applique en tout cas. Que les responsables des assos comptant sur moi et tombant sur cette note me le pardonne et qu'ils/qu'elles sachent que pour les moments vraiment importants, mon portable n'a pas changé depuis 17 ans...