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12/10/2015

Renouveau démocratique : le boulet démographique

comment-votre-carte-de-fidélité-est-un-boulet-pour-vos-clients.jpgLe chiffre, d'apparence absurde, mérite attention : si l'on avait retiré le droit de vote aux plus de 67 ans, Ségolène Royal serait devenue présidente. D'un point de vue civique, c'est révoltant, d'un point de vue citoyen ça appelle au cogito. Les... J'allais dire les vieux, mais le but de cette note n'est certainement de tomber dans une dérive âgiste, plutôt de souligner que l'ampleur des fractures électorales risquent d'être trop élevées pour permettre au nécessaire renouveau démocratique d'advenir rapidement. 

A y repenser, 67 ans c'est dingue. Parce qu'au final, il y a plus de 2,2 millions de voix d'écart entre les deux candidats, donc le poids des plus de 67 ans est considérable. Les personnes de plus de 60 représentent 24% des français et cette proportion va aller croissant. Or, ce sont les plus fervents de nos votants, avec des taux de participations pouvant dépasser allègrement les 70 ou 75%. A contrario, même avec une démographie vigoureuse, la part des moins de 35 ans en France ne cesse de décliner. 24% de moins de 20 ans, pas de quoi pavoiser... Et pour boucler la boucle du problème auquel nous faisons face : cette population vit une telle défiance vis à vis du politique, que moins de 50% d'entre eux votent... Ils n'ont donc pas pu sauver Ségolène Royal.... (D'ailleurs, les jeunes, après l'abstention, choisissent Marine le Pen). 

D'où cette impression de démocratie bloquée : l'impression que les crises et enjeux urgents que traversent nos démocraties ne pourront être relevées par des politiques qui sont restés sur des logiques de XXème siècle, en dépit d'une érosion de plus en plus forte du nombre de votants. De merveilleuses initiatives existent pour relancer la démocratie. Hier, Parlement & Citoyens, aujourd'hui, Voxe et #MaVoix, des citoyens (citoyennes, puisqu'en l'occurence les deux initiatives sont lancées par des femmes. Le début d'un renouveau) se bougent pour faire de la politique autrement. Une politique plus démocratique, ouverte, lisible, autant d'impératifs drastiques pour réenchanter la politique.

Personnellement, je regarde, scrute, soutiens, m'emballe pour ces nouvelles formes d'actions. Mais ce qui me fait douter de la possibilité que la révolte douce advienne est que la pyramide des âges joue en notre défaveur. Car le personnel politique actuel connaît ces chiffres, les équilibres démographiques et le discours à appliquer en fonction de cela pour être réélu. On peut bien sûr arguer que les septuagénaires et leurs aînés ont des petits enfants et qu'ils auront conscience des enjeux écologiques et éducatifs. Certes. Edgar Morin, naguère le regretté Stéphane Hessel et tant d'autres grandes consciences sont détenteurs de carte vermeille depuis des plombes. Bien sûr, mais n'en tirons pas de conclusions hâtives sur la conscience politique des aînés de nos aînés. La réalité de l'histoire a prouvé que marteler de la fermeté sécuritaire, rassurer sur l'immigration, câliner sur l'avenir des retraites et enfumer sur la santé étaient des investissement politiquement payants. Notre personnel politique continue de scander "la jeunesse est notre avenir, notre priorité" et autres lieux communs, mais les décisions prises dans la foulée vont modérément (je reste poli) dans ce sens. On balance entre cynisme et résignation lente pour qualifier ladite attitude. Il y a quelques années, excédé par ce déni démocratique Martin Hirsch avait proposé une réforme aussi révoltante éthiquement qu'infaisable concrètement, une vraie merveille d'invention technocrate : donner le droit de vote en fonction de l'âge. Plus il vous reste de temps à vivre (en fonction de l'espérance moyenne 82 pour les français, 86 pour les françaises) plus votre compte. D'abord, un octogénaire peut encore vivre 30 ans quand un jeune de 18 ans peut être fauché par une voiture le lendemain. Ensuite, le principe d'un être humain égal une voix est tout de même ce qu'on a trouvé de mieux pour être égaux et répondre à une crise de la jeunesse par une jeunocratie est relativement con... Sachant qu'Hirsch ne l'est pas, je vois plus dans son geste une incapacité à changer avec la rapidité nécessaire.

Les équivalents des projets civiques et numériques cités se développent bien plus vite dans les pays jeunes. Nombre de commentateurs ont insisté sur le rôle des réseaux sociaux dans le Printemps Arabe où en Iran où le soulèvement démocratique adviendra bien un jour tant la part de la jeunesse diplômé est importante dans le pays. Au Brésil, #MeuRio, une plate forme de mobilisation civique qui arrive concrètement à changer 15% des politiques publiques a pu connaître un succès rapide grâce à la pyramide des âges du pays et s'est d'ailleurs depuis développé dans d'autres mégapoles brésiliennes. En France, l'initiative louable d'Anne Hidalgo sur une part de budget participatif (n'ergotons pas sur la modestie des tickets en jeu) se fracasse lamentablement sur le nombre de personnes qui votent. Ca doit nous faire réfléchir : soit on euthanasie massivement, soit on agit pour rendre accessibles les outils du renouveau aux aînés. Proposé comme ça, j'espère que l'on verra qu'il n'y a guère le choix.