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08/02/2016

Le piège protéiforme du professionnalisme politique

500_F_1272335_aXlNPeNHnOmWPQJr5pvAYaKrjzjyio.jpgEn début de semaine dernière, j'ai déjeuné avec un ami, jeune élu d'une campagne assez isolée cumulant un paquet de problèmes : la faucheuse de Sarkozy y a passé ses 3 lames : adieu caserne, tribunal, et pour l'hosto on prépare les chrysanthèmes. Ajoutez à cela un haut débit en panne et quelques menues considérations que je vous passerai, son job de Président de l'intercommunalité n'est pas précisément une sinécure. Nous avons le même âge mais pas vraiment les mêmes loisirs. Il ne pense pas à se plaindre, il aime son boulot, passionnément. Bien sûr, étant un socialiste de gauche, il souffre beaucoup depuis quatre ans (c'est long quand on les passe à avaler des couleuvres) et nourrit une rancoeur indélébile contre la ligne actuelle, mais au-delà de cela alors que je l'interrogeais sur l'avenir, il me dit qu'il a démissionné de son autre poste politique (sur Paris) pour chercher du travail. "Je ne veux pas me retrouver à 45 ans et à être obligé de le faire. Parce qu'alors, je réaliserais que je ne sais rien faire d'autre et je me retrouverai, que je le veuille ou non, obligé d'être un professionnel de la politique". 

Un aveu de lucidité déconcertant. Et pour être honnête un peu excessif dans l'autoflagellation. Issu d'une famille modeste, il avait travaillé avec des responsabilités importantes dans un groupe de l'économie sociale pendant 5 ans. Un bilan qui n'a rien d'anodin. Rien qui puisse le faire rentrer dans ce que l'ex ministre Michèle Delaunay avait appelé "le tunnel". Pour autant, insuffisamment d'expérience pour qu'il se sente capable de bosser hors politique. Etonnant. Il a fait de solides études humanistes, a donc ces 5 années d'expérience et aujourd'hui s'investit dans des dossiers très techniques comme la gestion des déchets, l'implantation de SEM et autres installations du haut débit. Même ses adversaires politiques lui reconnaissent que contrairement à l'immense majorité des élus, il sait lire un bilan et un compte d'exploitation. Il adore ça d'ailleurs.

Je vous entends déjà. Oui, il dit ça mais il est bien allé chercher ses mandats. Bah non. Nombre de jeunes élus le sont des suites d'une campagne volontaire, d'un contexte national porteur et d'une envie de renouvellement, mais sans avoir anticipé une possible élection. Dans le cas de mon ami, c'est clairement le cas, il venait voir comment se passaient les élections sans penser une seconde pouvoir gagner (la gauche ne l'avait pas fait depuis Napoléon...) alors une fois la surprise passée, il fallut bien s'organiser. Et si nous avons beaucoup trop d'élus, nous manquons en revanche de cadres de bons niveaux, raison pour laquelle son job de Président de l'Intercommunalité lui prend beaucoup de temps : impossible de déléguer. Donc on l'encourage à être élu. Et tout s'organise en coquille d'escargot pour se couper des emplois non élus. Après deux mandats, comme mon ami me le redoute, force est de constater que ça devient difficile. Et que nos élus n'ont pas modernisé la vie publique de sorte que les passerelles soient plus simples.

En effet, sur ce sujet aussi, notre incapacité à nous réformer bat des records... Bruno le Maire se félicite d'avoir démissionné de la haute fonction publique, mais premièrement il ne sera pas suivi par tous, deuxièmement, on l'Assemblée Nationale n'est pas composée que de hauts fonctionnaires. Au-delà de ces quelques cas, où est la réforme des institutions promise depuis des décennies qui empêcherait les élus de le rester pendant 40 ans ? Et encore ne sommes nous peut être pas au bout de nos surprises puisque Les Républicains annoncent d'ores et déjà leur volonté de revenir sur le cumul des mandats... Un réflexe de trouille pour s'assurer encore plus d'élus professionnels à vie, cumulant pour arriver à des indemnités à 5 chiffres, voilà une attitude à rebours de ce qu'il faudrait : aider les élus à mettre en avant ce qu'ils savent faire, dans une logique de VAE, pour aller travailler dès qu'ils perdent ou se retirent / public, privé (hors conflits d'intérêts liés à leurs fonctions précédentes évidemment) ou associatif, peu importe. L'important est que dans un marché de l'emploi qui devient de plus en plus liquide, avec des sinusoïdes, on puisse s'engager dans la vie publique avec la certitude de pouvoir en sortir et y revenir plus tard pour apporter autre chose. Et une doléance de plus pour 2017...