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21/09/2017

Beaucoup de pavés, peu de bouchers

Il y a quelques jours, le Monde consacrait un grand papier à la tendance de cette rentrée littéraire : une augmentation colossale de très gros livres. Et le quotidien du soir d'interroger un certain nombre d'acteurs du livre sans jamais questionner la qualité de ces mastodontes de papier. On parle des souffrances lombaires des libraires, de la place prise sur les étalages ; du goût des lecteurs, à la rigueur d'un rapport nombre de pages / nombre d'euros. Rien, pas un mot sur la qualité des textes. Or, celle ci-laisse souvent à désirer car on nous assène des pavés plein de gras, où une immense partie est à jeter et où, du coup, le rapport financier est très défavorable...

La question n'est pas esthétique, mais relève plutôt d'un dysfonctionnement de la profession où on décompte bien trop peu d'éditeurs pour recouper, retailler, sculpter tous ces livres. Je ne parle pas des pavés industriels, ceux qui sont vendus tels quel, avec public à l'avenant. Les Ken Follet et autres qui déversent des sommes de plus de 1 000 pages depuis des années avec un public peu regardant, qui avalent cela ou du Joel Dicker comme d'autres vont au Mc Do. Non, le problème tient plutôt à ce que nombre d'auteurs se réclamant d'une forme de gastronomie littéraire nous vendent du prêt à mâcher informe. Dans "l'édition sans éditeurs", le fondateur de la Pléiade André Schiffrin déplorait le manque de personnel dédié à ce travail fin sur les textes, le manque de temps accordé aux ourlets et finitions sur manuscrits. Bien sûr, nombre de bons éditeurs travaillent toujours sérieusement aujourd'hui, mais la courbe d'embauches n'a absolument pas suivi la vertigineuse hausse du nombre de textes publiés. Fatalement, à un moment donné, ils ne peuvent plus suivre et envoi à l'imprimerie des textes insuffisamment fignolés.

Résultat, ces dernières années, on constate une inflation de livres de 800, 900 pages qui traduisent surtout que les auteurs qui vendent ne prennent plus le temps de retravailler leurs textes. Ainsi de sommes pondues par Aurélien Bellanger, Vincent Delecroix ou Philippe Jaennada pour ne citer qu'eux (mais je pourrais en trouver nombre d'autres) qui ont toutes plusieurs centaines de pages superfétatoires. Ces auteurs ont en commun de vendre suffisamment pour inverser le traditionnel rapport de forces entre auteur et éditeur. Toutes les correspondances d'auteurs et d'éditeurs montrent comment les premiers romans sont souvent amputés sans que les auteurs y trouvent à redire, attendus qu'ils rêvent uniquement de mettre leur nom sur une couverture. Si le succès est au rendez-vous, les choses se compliquent pour l'éditeur. La marge de manoeuvre se réduit. Elle n'est pas anéantie, quand Bellanger envoie 1 500 pages à Gallimard pleines de copier coller de Wikipédia, son éditeur peut encore lui demander d'avoir la décence de se relire un minimum. Mais le brouet qui sera finalement publié prouve bien que l'éditeur a baissé les bras de façon beaucoup trop précoce. 

Je ne veux pas déplorer bêtement le fait que nous ayons moins de José Corti ou de Jérôme Lindon car ça serait faux : il suffit de lire les dithyrambes aux éditeurs dans les remerciements de certains auteurs pour bien voir que les artisans du mots sont toujours là. Mais comme pour la grande distribution, on trouve trop de patrons d'abattoirs et pas assez de bouchers... 

16/09/2017

L'assourdissant silence autour des soutiens FN aux ordonnances travail

Est-ce par méconnaissance, par oubli, par relativisme, par cynisme ou par pur calcul ? Toujours est-il que l'on parle fort peu des soutiens sans réserve d'élus FN de premier plan comme Robert Ménard ou Louis Aliot, aux ordonnances sur la la loi travail. Invité chez l'ineffable Bourdin, Robert Ménard expliquait que les ordonnances "vont dans le bon sens car elles permettent aux petits patrons une tranquillité d'esprit pour licencier". Ces soutiens sont légions, Gilbert Collard rejoindra les rangs, Marion Maréchal le Pen fait fuiter qu'elle aussi pense du bien de ce texte...

Ca n'est tout bonnement pas conforme avec le grand récit des commentateurs progressistes qui aiment à renvoyer dos à dos "les extrêmes". Ha ! Les vilains canards "extrêmes". Les fous, les cataclysmiques, ceux qui ne veulent pas gouverner, ne veulent pas accepter la modernité économique... A force de le répéter en boucle, nombre d'électeurs ont fini par le croire et accepter benoîtement ce signe "=" entre le Front National et la France Insoumise. 

Pourtant, ce soutien d'une grande partie du FN à la régression sociale n'a rien de surprenant. Jean Marie le Pen était plus que proche de Poujade, il fut son fils en politique et a embrassé tous ses combats : la défense des petits patrons, le refus de la fiscalité, le suspicion généralisée sur les feignants, le fait qu'on nous foute la paix avec les normes pour laisser vivre les bouilleurs de cru. Que fait Macron depuis qu'il est arrivé à l'Elysée ? Il prend la défense des patrons pour licencier, explique que la fiscalité est toujours un fardeau, critique les feignants et, lors de la présentation de son plan d'envergure pour le logement, a expliqué doctement qu'il fallait "baisser les normes sociales et environnementales qui pèsent sur le bâtiment, notamment les normes concernant les personnes en situation de handicap". Au fond, Macron c'est le Poujade des élites, la culture de la finance en plus et le racisme primaire en moins (eu égard à sa politique d'accueil des migrants, gardons nous de faire de Macron l'humaniste qu'il prétend être). 

Dire cela, même documenté, même preuves à l'appui, c'est s'exposer à une inquisition sans nom. "Comment osez vous ? Ca n'a rien à voir !". Evitons les points Godwin, mais l'histoire sombre regorge de cas où le patronat et le bloc bourgeois ont, sans sourciller, accueilli les fascistes à bras ouverts pour éviter les communistes. 

Philippot, c'était l'idiot utile des progressistes. Son discours de défense des services publics servait les éditorialistes qui aimaient à montrer les ressemblances programmatiques avec la France Insoumise. Quiquonque est déjà allé à un meeting FN sait que les références aux services publics font bailler les spectateurs qui n'attendent qu'une harangue anti immigrés, anti banquiers, anti normes, anti média, anti tout. Maintenant que sa ligne s'éclipse, la recomposition se clarifie et la mauvaise foi ne pourra durer éternellement : non, gauche radicale et extrême droite n'ont rien à voir. Oui, l'extrême droite est parfaitement soluble dans le bloc bourgeois, Laurent Wauquiez s'en frotte les mains par avance. Avis à tous les désespérés sociaux, ceux qui veulent retrouver des Communs et du Partage, si vous continuez à lorgner vers le FN, vous avez autant de chances de trouver ce que vous voulez qu'un gnou d'échapper à un troupeau de hyènes. 

10/09/2017

Monsieur le Président, j'aime les réformes et j'en ai marre des fainéants, cyniques et extrémistes

Monsieur le Président, il est des rapprochements inattendus : figurez vous que je suis d'accord avec vous sur tous les propos qu'on vous reproche. En revanche, sur la lecture à en faire, nos vues divergent. Sur les réformes :  vous vous trompez. Comme la majorité des Français, je les adore. Une réforme, c'est un changement de modèle, une transformation d'ampleur, quelque chose que l'on sent dans sa vie au quotidien. Lorsqu'on entre dans l'ère des congés payés, regardez les clichés des ouvriers découvrant le droit à être payé alors qu'on est en vacances. Merveille ! Et la Sécu ! Vive la sociale, monsieur le président, quelle réforme incroyable. Idem pour les retraites par répartition. La réforme des intermittents qui permet à la France de connaître une vigueur culturelle à nulle autre pareille. Ca, ce sont des réformes. Ce à quoi vous pensez, cela s'appelle des ajustements, de la dentelle. Qui verra sa vie changer par un point de CSG, un trimestre en plus, une niche fiscale ? Ca sont des lignes comptables, pas des réformes, monsieur le Président. 

En bon libéral comptable classique sans vision aucune, vous me direz que les réformes que je cite appartiennent à un monde passé et qu'aujourd'hui, seuls les ajustements demeurent. C'est intellectuellement paresseux et cynique et signe de l'extrême libéralisme qui s'étend de plus en plus fortement depuis une trentaine d'années. N'avez-vous pas honte de nous prendre à ce point pour des billes ? Idéologiquement, ce que vous proposez est à 100% aligné sur ce qui fut fait. 100%. Déréguler, affaiblir les protections sociales, baisser la fiscalité du capital c'est exactement ce que vous proposez. Seuls les degrés divergent. Foncer vers l'abîme à 150km/h au lieu de 130, en somme.

Des réformes, aujourd'hui, il en reste plus que jamais à faire. Pour la planète : instaurer une règle verte énergétique, alimentaire, dans les transports, fiscale. Changer radicalement la façon dont on produit, établir un principe de pollueur payeur absolu, imposer 100% d'agriculture bio et locale dans les cantines scolaires, c'est jouable demain. Demain. Vous avez décidé de diminuer fortement les subventions à l'agriculture bio pour encourager l'agriculture intensive. Déplorable.

Pour les millions de nouveaux travailleurs indépendants précaires, les travailleurs forçats des plateformes numériques, une réforme d'ampleur pour les doter d'une sécurité sociale, d'une retraite, d'une assurance chômage. Une autre sur les logements vides à interdire, sur le droit inaliénable à la mobilité et à la migration, bref il y a tant de réformes souhaitables pour aller vers un monde meilleur, mais pour cela il faudrait des gouvernants non cyniques, non enferrés dans une paresse intellectuelle sans nom, pas des extrêmes libéraux.