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20/05/2016

Mettre en scène la violence pour la faire exister

Violence-dans-lhistoire-7.jpgJe sais par avance que cette note ne passera pas. Ne peut pas passer. Nous sommes collectivement conditionnés pour être hermétiques à cet argument : la France est moins violente que jamais. Laurent Obertone peut bien publier son inepte la France Orange Mécanique, pour parler de hordes de violeurs et d'assassins en tous genres, les faits sont têtus et le pays s'apaise. Ce qui l'attise, en revanche, c'est la force de l'image et sont incroyable puissance multiplicatrice. Et ils ont plus de poids que tous les ouvrages de sociologues un peu sérieux. Le poids plume des mots, le choc de plomb des photos et vidéos. 

Est-ce que j'encourage le crétin qui enlève son casque à un flic avant de frapper ? Quid de ceux qui font brûler une voiture de flics ? Questions rhétoriques... Evidemment que ces attitudes sont condamnables. Cette vidéo m'a mis mal à l'aise comme beaucoup de gens, mais pas pour les mêmes raisons que la majorité d'entre eux. Cette vidéo fut partagée rapidement par des milliers de personnes, regroupées dans un groupe sobrement intitulée "soutiens aux forces de l'ordre" qui rassemble 89 000 personnes... Et la vidéo de la voiture brûlée a atteint les 5 millions de vues. 

Regarder ce saccage d'une voiture, la partager, s'indigner, c'est accompagner l'idée selon laquelle nous vivons dans un pays violent, où des masses veulent abattre la République. Cette stupidité sans nom a été proféré par notre premier ministre, et joyeusement reprise par des sénateurs et députés zêlés... On parle de 4 casseurs. Tout cela me renvoi à la chemise du DRH d'Air France, nous avions réussi à dépasser le piège émotionnel en nous attardant sur la contre image produite, celle de l'hôtesse de l'air qui déclame sa douleur d'être licenciée devant des cadres supérieurs qui s'en battent la glotte... Il nous faudrait des contre images, sur les arrestations arbitraires, sur les tabassages en règle et autres joyeusetés. Malik Oussekine et Rémi Fraisse sont morts, tués par des flics. Là, beaucoup de mots, des attitudes condamnables et qui seront condamnés par de la prison ferme, mais ne nous égarons pas sur la plus grande forme de violence.... Les crétins d'hier vont faire de la taule ferme, pas d'échappatoire. Les assassins de Rémi Fraisse sont où, déjà ? Ha oui, sur le terrain, ils arrêtent les jeunes dangereux...

Globalement, collectivement, nous nous sommes mithridatisés contre toute forme de violence. Les gifles dans la rue, les fessées aux enfants et maintenant la cause animale, toute forme d'attitude non contemplative est condamnée... Pour autant, il s'agit d'un voeu pieu : la France est de plus en plus violente, socialement. Les gens dorment dans la rue, des millions de personnes ne peuvent plus remplir leur frigo, le chômage ne quitte pas ses sommets les agriculteurs se suicident à la chaîne et on voudrait nous faire croire que la violence est une voiture brûlée ? Ne pas pouvoir exprimer sa colère, sa révolte, en voilà des formes de violences... Opprimer et condamner certaines formes de violences hyper marginales et passer sous silence celles qui sont majoritaires produit des résultats inquiétants. Dans les années 60 et 70, les appels à la violence, au meurtre même, étaient légions, chez Merleau Ponty ou Sartre sans que l'opinion ne s'en émeuve outre mesure. Là, une photo de deux péronnelles avec un écrit sur le meurtre de patrons suscite une indignation nationale... Mais qu'ont-elles fait, au juste ? Elles sont juste un peu connes... Ca ne sont que des mots. Quand on condamne, opprime, réprime toute forme de violence, comme le fait la société américaine, il faut bien que le corps social exulte et quand il défouraille, ça n'est guère beau à voir. There will be blood, dit le film. On ne pourra pas dire que nous n'étions pas prévenus...