Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/06/2022

Prendre le RN au sérieux

Si l'on regarde en arrière, l'exploit du RN est sans conteste le plus grand de ces législatives. À l'automne dernier, ils ont subi une OPA par Zemmour qui avait l'avantage sur eux en termes financiers, en termes de soutien médiatique avec un empire Bolloré qui cognait comme un sourd la mollesse Le Pen et des chiens de garde comme Sonia Mabrouk qui tançait les ministres en désaccord avec Zemmour de "ne pas reconnaître la réalité en face". Cette double supériorité accoucha d'une troisième : les cadres opportunistes du RN rallièrent Zemmour en masse, de Bay à Ravier, de la Pen nièce à Collard. Sans argent, sans groupe de presse complice et sans cadres à part Bardella et Alliot, Le Pen a inversé les courbes, humilié Zemmour à la présidentielle et est parti aux législatives sans son appui. Bilan : 89 à 0.

Il y a sans doute des tas de raisons dans ce retournement, mais je crois que plus que les programmes, c'est la posture qui a favorisé Le Pen contre Zemmour. Le rejet de Macron est avant tout un rejet de l'arrogance, de la richesse, d'un étalage de supériorité intellectuelle malvenue. Zemmour est millionnaire, suffisant, parle comme Macron des classes populaires (il les a qualifié "d'analphabètes" cette semaine) s'expose avec une femme de 40 ans de moins que lui. Du Trump, quoi. A contrario, Le Pen réussit à se montrer désargentée quand elle est héritière et chatelaine, célibataire, et quand Zemmour cite (à tort...) Balzac elle chante Dalida. Ce côté girl next door cartonne, personne ne la prend au sérieux et un régime fasciste où le karaoké est une priorité effraye peu, quand bien même le seul répertoire autorisé serait la variété française. 

Et maintenant ? Alors même qu'elle a accédé au second tour de la présidentielle, qu'elle a 89 députés avec elle, elle ne fait pas peur à la droite. Seule la NUPES les combat, sur le fond. Ils rappellent le caractère profondément antisocial de ce parti qui ne lutte pas contre la fraude fiscale, accroit la possibilité de donner à ses enfants en donnant le primat à l'héritage sur le mérite et n'augmente pas les salaires.

Ce qui va se passer de vraiment dégueulasse, dans les semaines à venir, c'est le social washing. Car il est encore trop de commentateurs pour parler du "pôle social" du RN parce qu'ils parlent pouvoir d'achat. Macron et LR vont pouvoir dire avec des trémolos qu'ils sont allés chercher les voix du RN pour "l'intérêt général et qu'ils ont fait des concessions sociales". Et pourquoi pas ? Dans "national socialiste" il y a bien socialiste... Et la macronie et LR feront ça pour corneriser la NUPES, pour montrer que cette dernière n'a pas le monopole du social. Ils jouent les apprentis sorciers car ils ne prennent pas le RN au sérieux. Exactement comme Trump, comme Bolsonaro, tout aussi pitres et imprécis que Le Pen, tout aussi incultes et répugnants en campagne. Nous voilà prévenus, car leurs mandats montrent qu'une fois au pouvoir il n'y a vraiment plus de quoi rire. 

22/06/2022

Y a t'il un macroniste pour sauver la démocratie ?

"La démocratie, c'est la République quand on a éteint les Lumières" s'amusait Régis Debray. Il sous-entendait que la démocratie ne suffit pas, même ces gogos de yankees l'ont, alors que la République, ça c'est l'acmé du politique. Depuis 2002 et l'accession de Jean-Marie le Pen au second tour, l'urgence n'est plus de sauver la démocratie, mais bien la République. Ha... Vingt ans après, force est de constater qu'on sait ce qui menace la République : burkinis en piscine, voile à l'école, nourriture halal. C'est fragile, quand même, une République. La démocratie, elle, semble inoxydable puisque personne ne la brandit alors que 89 députés RN sont entrés à l'Assemblée. Au contraire, leur élection serait un signe de la vitalité démocratique. Un grand parti qui a plein d'élus, c'est normal.

Depuis les résultats du premier tour, la Macronie s'affaire pour parler de ce qui menace la République et il semblerait que ça soit la NUPES. Après ceux du second tour, en revanche, il semblerait qu'il faille parler et convaincre les députés RN pour trouver des majorités et des convergences. Pour la présidence de la commission des finances, on peut parler avec le RN qui ne veut pas faire de contrôle fiscal, plutôt que la NUPES qui veut contrôler les fraudeurs, pratique anti républicaine s'il en est. 

Je ne l'avais pas vu venir si rapidement, mais nous sommes en plein dans "l'ordre du jour" récit par Éric Vuillard du ralliement historique de tous les grands capitalistes allemands aux nazis nouvellement élus pour repousser les communistes. La Macronie est en train de nous rejouer le film en draguant lourdement le RN pour éviter la NUPES en prétextant ainsi sauver la République. Mais à quoi sert une République sans démocratie ? Sans pluralisme ? Sans liberté d'expression ? Que devient la République quand sa démocratie a fondu ? De la boue brune... 

 

 

 

 

 

20/06/2022

Regarder en arrière pour mieux repartir de l'avant

Bien sûr, c'est moins que prévu. L'élan s'est stoppé, il n'y a pas 200 député.es de la NUPES et surtout, il y en a 90 du RN. On ne doit pas, on ne peut pas se réjouir alors que le plus grand contingent de fachos arrivent à l'Assemblée, sans magouille, sans même la proportionnelle, mais en remportant 50% de leurs duels, preuve irréfragable que le barrage républicain a vécu et que son fossoyeur s'appelle Emmanuel Macron. 

Évidemment qu'hier ça n'est pas une victoire, mais ça n'est pas une défaite. Il n'y a qu'un camp perdant, hier, c'est la Macronie qui ajoute à la défaite de ses caciques, de ses ministres, le déshonneur de faire rentrer le RN en grand en ayant refusé de les distinguer de la NUPES. On eut aimé que ça fut plus rude, que des crapules comme Stanislas Guérini ou Gilles le Gendre perdent également, mais bon, il y a moult scalps et 1 ou 2 de plus n'auraient pas changé la donne. 

Mais au 20 juin 2022, nous n'avons pas le droit d'être tristes pour la gauche et pour sourire, il suffit de se retourner, non pas cinq ans mais seulement six mois en arrière. À Noël dernier, nombre d'électeur.ices de gauche baissaient la tête, pensaient s'abstenir, pas une figure n'émargeait à 10% et il semblait inévitable qu'à l'Assemblée Nationale, il y aurait un nombre de député.es à deux chiffres. Nous étions laminés, enfoncés, donnés cliniquement morts. Il y a six mois seulement chaque parti s'enfonçait dans les eaux glacées des défaites électorales, allait vers la banqueroute militante et financière sans dévier de cap. Nous allions vers un cataclysme à l'italienne où il n'y a plus guère que Nanni Moretti pour croire à une résurgence de la gauche. Et le cataclysme a été évité. Quoi qu'on pense du personnage dont on met trop en avant le côté repoussoir, Mélenchon fut le catalyseur, le capitaine du paquebot qui évita le nauffrage. Il a réussi une campagne présidentielle emballante et un formidable coup tactique en vue des législatives qui a le mérite de n'humilier personne, à gauche. Les écolos, les socialistes, les communistes ont des députés. Beaucoup moins que les Insoumis.es, mais par rapport à 2017, qui irait se plaindre ? Les écolos en avait zéro, et ils font rentrer leurs troupes, les socialistes sauvent leur boutique aussi, tout va bien, pas le moment de se plaindre.

Merci pour tout, Jean-Luc. J'espère juste que quand tu disais hier que tu "changeais de poste de combat" ça n'est pas pour devenir Général qui envoie les caporaux à la boucherie parlementaire, mais bien pour cesser d'être Luke Skywalker et accepter l'âge de tes artères en devenant maître Yoda qui forme la relève. Quand on regarde en arrière, on ne peut que saluer ta maestria, quand on regarde devant, on voit bien que ça ne peut pas être toi qui ouvre la route.

Cette Assemblée élue est, littéralement, intenable. Sur tous les textes, la Macronie va sentir le vent du boulet. En prenant toutes les forces d'Ensemble, il leur manque près de 50 député.es pour avoir la majorité sur un texte et il est peu probable qu'ils en trouvent autant chez LR. En 2027, Macron ne pourra pas se représenter et là-bas, des Wauquiez, voire des Ciotti croient en leurs étoiles qui leur impose d'être des opposants bêtes et méchants dès aujourd'hui. Donc ça ne tiendra pas. Pas cinq ans, pas avec des 49-3 limités à un par an. Il y aura un nouveau Badaboum. Et si jamais Macron est contraint à la dissolution, alors il faudra être prêt. Car cette fois là, il n'y aura pas 54% d'abstention. Et les électeur.ices jugeront sur pièce du travail et des propositions parlementaires faites entre temps. Et à ce jeu là, là NUPES n'est pas la plus mal placée, loin s'en faut.