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25/04/2022

Deux adversaires à devancer au prochain premier tour

Les réactions de nombre d'électeurs de gauche hier soir m'ont anéanti. Quand le sage montre l'affolant score des fascistes qui, à 42%, n'ont jamais été aussi proches du pouvoir, l'imbécile regarde le sourire plein de contentement de Macron, les déhanchements de Barbara Pompili et le zèle de Manuel Valls... " Ha ! Vous avez tremblé, bourgeois, vous êtes tombés dans le piège et vous avez réélu le banquier", disent en substance les abstentionnistes du second tour, intentant un procès en couardise inepte.

Camarades, c'est le 10 avril que nous avons perdu, que nous avons échoué. Pas hier soir. La haine, légitime, que suscite Macron nous fait trop souvent oublier les fascistes qui, eux, ne nous oublient pas. Zemmour a commencé son discours hier en disant que le pays comptait trois blocs "le bloc national, le bloc Macron, qui est mondialiste, et le bloc islamo gauchiste de Mélenchon". Tout en nuances... Le Pen ne fut pas plus subtil, elle qui fit siffler Mélenchon en meeting hier soir.

Les fascistes font 42% avec une candidate déplorable, pas de parti, pas de lieutenants et pas non plus de programme. L'entre deux tours lors duquel elle fut -enfin- questionnée sur son programme a rappelé la nullité crasse du camp nationaliste. Trump était tout aussi nul (mais plein d'argent, ce qui aide) et le camp du Brexit idem (avec tout autant de moyens). Eux seuls peuvent se permettre le luxe d'être nuls. C'est ainsi partout dans le monde, la colère qui déborde pousse d'abord les désespérés à voter pour la solution simpliste qui promet de mettre les étrangers dehors comme panacée. Le score d'hier est une victoire pour eux. Après tout, ils ont fait la moitié du chemin vers l'Élysée et ça va les galvaniser pour les législatives. Zemmour n'insultait pas l'avenir, hier, en évoquant clairement l'union des droites pour juin. On ne peut pas banaliser un adversaire pareil.

Les 58% de Macron hier ne lui donnent pas l'élan à même de gagner les législatives. La caravane de tocards plein de casseroles (30 mises en examen pendant le quinquennat) qui le félicitait hier sur le plateau montre bien que le vampire n'a plus de sang frais. Il a fait 28% au premier tour, c'est ça qui compte. Il faut devancer ces 28% là et les 30% du bloc d'extrême droite, ce qui signifie rassembler toute la gauche pour virer en tête. Il y aura foule de triangulaires, de combats serrés et la division sera mortelle à chaque fois. Il reste une chance de porter une augmentation générale des bas salaires, à commencer par le SMIC, une retraite juste, de stopper la course à l'héritocratie pour remettre de la justice, pour arrêter la casse des services publics et l'inaction climatique. Ça n'est plus le moment de moquer les castors du second tour, car sans eux il n'y avait pas de législatives sincères. Quand deux adversaires cumulent près de 60% des voix, on avance avec humilité et on évite la dispersion... 

24/04/2022

Pas mal du tout

Pour ne plus y penser, pour ne pas attendre lâchement des estimations et de savoir si les autres y sont allés, j'ai voté dès potron-minet. J'ai croisé ma voisine qui, connaissant mes opinions m'a demandé "ça t'as pas fait trop mal ?". Et étonnamment, non. Mais alors pas du tout. Voter Chirac en 2002, m'avait fait mal. Au premier tour j'avais voté Besancenot pour dire à Jospin qu'un type reconnaissant lui même que son programme n'était pas socialiste ne méritait pas de soutien. Alors "le bruit et l'odeur", les affaires, les HLM, merci... En 2017, ça m'a fait chier, mais déjà moins mal, je votais de façon principielle. Et ce matin, rien. Je dois cet apaisement à un ami très très très à gauche qui m'a dit deux jours avant le premier tour "j'y crois vraiment pour Méluche, mais si ça n'est pas le cas, je voterai sans état d'âme. Le vote est un acte politique faible".

Cette phrase trotte en moi, depuis. Et il a raison. Le vote ne dit rien, puisqu'il n'est ni commenté ni motivé. Il y a 1000 nuances pour lesquelles on votera aujourd'hui, moi en l'occurence ça serait quelque chose comme "je le hais, j'ai envie de lui éclater son sourire à coups de talons, je vomis son bilan et pleure du sang face à son programme, mais nous sommes bloqués par nos institutions, alors en attendant, je vote pour ce qui nous empêche le fascisme", mais j'ai juste glissé le bulletin sans rien écrire. Je conseille évidemment aux électeur.ices de Le Pen d'écrire un petit quelque chose sur le leur, un coeur ou leur numéro de portable. Un bulletin, 10 minutes attente comprise et on n'en parle plus. Bon deal pour empêcher le fascisme. C'est peu coûteux comparé à des heures et des heures à manifester, parfois sous la pluie, souvent sous les lacrymos voire pire pour s'opposer à des réformes anti sociales. c'est peu coûteux comparé à des grèves si légitimes tant nombre de services publics se délabrent, tant nombre d'entreprises ne partagent pas justement leurs profits.... Ça, ce sont des actes exigeants, dur, estimable et je comprends celles et ceux qui se résignent à ne plus y aller. Mais à ceux qui prétendent que glisser un bulletin avec ce nom est trop dur, je vous jure que c'est des vacances comparé à la vie sous le fascisme. Pour nous, pour celles et ceux qu'on aime, pour nos enfants, allons y en masse. 

22/04/2022

Vue du barrage, le vertige

En 2002, Jacques Chirac recueillait 25,5 millions de voix, Jean-Marie le Pen 5,5 millions. 9 millions s'abstenaient. En 2017, Macron, 20,7 millions, Marine le Pen 10,6 millions, 15 millions s'abstenaient (le pays avait beaucoup plus d'habitants, en 15 ans). Le barrage était déjà mort des deux côtés : beaucoup moins d'opposition active, beaucoup plus de non opposition. Chirac seul avait presque deux fois plus de voix pour que Le Pen et l'abstention réunies. Macron 2017 n'avait déjà rassemblé "que" 43% des inscrits. Au premier tour, Macron a certes progressé, mais il collecte 9,8 millions de voix quand l'extrême droite dure, Le Pen et Zemmour rassemblent 10,7 millions de voix. 11,5 millions si on ajoute Dupond Aignan. Derrière le caractère euphémisant des %, les scores en millions de voix souligne à quel point l'idée de fascisme n'effraie plus grand monde. 

Entendons nous bien, les premiers responsables sont ceux qui ont exercé les responsabilités grâce audit barrage. Le fossoyeur fut son premier bénéficiaire, Chirac. En nommant Raffarin puis Villepin, en créant le CPE, le CNE, en réprimant violemment les révoltes des banlieues, Chirac oubliait la Concorde promise et pavait la voie à la France de Sarkozy. En trompe l'oeil, la marque Le Pen s'effondre en 2007, car Jean Marie n'est vraiment pas présentable, mais Marine l'a revivifié et cette fois, sans qu'on n'y trouve rien à redire. 

Si je comprends vraiment pourquoi le bilan du barrage acte sa mort clinique, je regrette infiniment qu'il n'existe plus principiellement. 82% c'était sans doute ridicule, sans doute trop, mais ça voulait dire ce que ça voulait dire : aucune chance. Et c'est précisément ce trop haut, cet infranchissable qui décourage tant et tant de gens. Car l'abstention et le vote blanc ont progressé beaucoup plus vite, ces dernières années, que le vote à l'extrême droite. Cette dernière grignote, gagne des voix puisqu'elle a plus au premier tour de 2022 qu'au second en 2017, mais ça se compte en centaines de milliers quand les nouveaux abstentionnistes sont en millions. Et ils le sont en regardant les chiffres : comme elle ne passera pas, je ne me salis pas les mains, je laisse les autres faire le boulot. Nombre de personnes disent que leur vote du deuxième tour sera motivé par les sondages et ne se résoudront à voter Macron que si jamais le risque était réel. Le dernier sondage connu, post débat, 57,5% contre 42,5% éloigne le risque. On est bien au delà de la marge d'erreur ce qui ne devrait pas susciter de ruée aux urnes. Dimanche soir, l'absence de barrage fort aura des conséquences insuffisamment énoncées : ça galvanisera les troupes. Bien sûr, les gazetiers parleront du "plafond de verre", de "l'incapacité de l'extrême droite à rassembler une majorité, comme pour les Régions ou les grandes villes". Les militant.es, les motivé.es par l'irruption du fascisme ne se tromperont pas de lecture : ils progressent vite, se rapprochent vite. Un score à 45%, par exemple, ne peut que leur donner du coeur à l'ouvrage pour les législatives. Soit les français.es sont cohérent.es et on se retrouve avec 200 député.es RN et c'est la bérézina pour les débats à venir. Soit nous sommes dans la tambouille classique et ils n'en n'ont qu'entre 30 et 50 et pourront alimenter leur meilleur carburant : le caractère non démocratique de nos institutions. Camarades, vue du haut du barrage, on a le vertige et espère bien ne pas faire le saut de l'ange un jour...