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31/03/2017

Et le Front Républicain, bordel ?

blog-front-republicain-contre-fn-echec-2002-chard.jpgLa seule certitude que nous avons pour le 7 mai, c'est que ça n'est pas joué. Il y a 5 ans, à la même époque, Hollande était à peu près assuré d'être président et il y a 10 ans, Sarkozy avait irrémédiablement dépassé Royal. Il faut remonter à 2002 pour ne pas avoir de vainqueur certain. Bien malin qui pouvait dire alors, qui l'emporterait de Chirac ou Jospin. Et vlan, ce fut Le Pen qui coiffa Jospin au premier tour, mais reflua en % avant le second tour grâce à un Front Républicain massif. 82/18. Quand on regarde ces chiffres aujourd'hui, on se pince. Même Poutine n'ose pas un truc aussi gros, il laisse ses opposants à plus de 30%, ça fait plus crédible... Ca tombe bien, ça n'arrivera plus. Pas 80/20, pas 70/30, et sans doute même pas 60/40. Or, une fois que nous sommes en dessous de cette barre, force est de reconnaître qu'on ne peut pas affirmer qui sera le vainqueur avec certitude. Comment avons nous pu dilapider une telle avance en quinze ans ? Comment avons nous pu perdre autant d'électeurs qui ont délaissé ce principe du Front Républicain en si peu de temps ? Voilà les questions que nous devrions nous poser, mais que nous éludons bien vite par crainte que cela ne renforce encore le FN. Nous en sommes venus à douter de la supériorité ontologique de la démocratie

Lundi, un ami politologue voulait me rassurer et tenta de me démontrer, chiffres en main, que la force de ceux qui ne veulent absolument pas du FN était encore supérieure à ceux qui pourraient se laisser tenter par un vote Bleu Marine. Et ce chercheur de s'appuyer sur les régionales 2015, pensant me calmer. Tu parles... Xavier Bertrand n'a battu Le Pen que 54/46 dans le Nord. La présence du FN n'a mobilisé personne au secours de la République attaquée : 38% d'abstention au second tour. Le double de 2002 où la présence de Jean-Marie le Pen avait mobilisé massivement. Ca non plus, ça n'arrivera pas en mai. Le FN n'est juste plus un repoussoir absolu pour nombre de nos compatriotes et 2017 s'annonce bien plus comme 2015 que 2002. Un électeur sur trois restera chez soi et refusera de choisir entre une fasciste et un démocrate. Une abstention militante, pour beaucoup, une abstention motivée, réfléchie. Une abstention semblable à ce que définit Antoine Peillon dans son livre, un ras le bol démocratique, une exigence de salubrité publique qui ne se retrouve dans aucun des bulletins de vote. Cette abstention résulte de 30 ans de politiques trop semblables, depuis que la gauche de 81 a renoncé à faire du 81, d'ailleurs, depuis la chute du mur, en tout cas. Je ne reviens pas sur leurs motivations, je peux les entendre et me hâterai bien de les juger. 

En revanche, il y a une frange grandissante d'électeurs pour qui le barrage n'est plus évident du tout. Pour qui la ligne de démarcation entre la démocratie et l'autoritarisme pour être poli ou le fascisme pour être plus clair, n'a plus de sens. J'en ai entendu de toutes parts. Toutes les franges de l'électorat. Même si ça me coûte de le dire, une petite partie des électeurs de Mélenchon au premier tour veulent avant tout renverser la table et en cas de second tour sans lui, voteraient le Pen pour avoir vraiment "autre chose". Minoritaires, bien sûr, mais ils existent, j'en ai rencontré. Ainsi, un jeune électeur insoumis, un peu en échec scolaire et finançant ses sorties avec un job ultra précaire (livreur pour je ne sais plus quel start up) me disait son ras le bol en ces termes : "Macron/Le Pen, je vote contre l'uberisation de l'économie, je vote Le Pen". Alors bon, on peut discuter, lui montrer qu'il se trompe. Mais dans un premier temps, il faut entendre son écoeurement. La France a un problème de formation plus que de chômage des jeunes. Les biens formés, bien orientés, trouvent rapidement. En revanche, nous laissons 1/4 de nos jeunes sans solutions et ils sont de plus en plus nombreux à partir chaque année tenter leur chance à l'étranger. Voilà le genre de signes qui devraient nous alerter. A côté d'expatriations exotiques ou voulues, un nombre croissant d'expatriations contraintes, voire écoeurées par un marché du travail fermé, vicié, quand ça n'est pas discriminant....

A côté, j'ai entendu plusieurs macronistes me dire qu'en cas de second tour fictif Mélenchon / Le Pen, ils n'iraient pas. La peste brune n'est pas acceptable certes, mais ils ont peur des drapeaux rouges. Leur gourou peste contre "la gauche de 81", c'est dire s'ils sont cohérents... Eux qui nous donnent des leçons de réalisme et de pragmatisme républicain ne seraient plus capables de choisir ? Bah bravo... Que feront-ils si jamais, ce qui n'est pas si improbable, le second tour oppose Fillon à le Pen. Le programme économique de Fillon est si proche du leur qu'ils devraient logiquement le rallier, mais le résultat des projections sondagières montre que cela n'est pas si sûr. Et pour cause, les faits reprochés à Fillon sont si édifiants, le fait qu'il soit toujours candidat tellement improbable et nous rapprochant tellement d'une république bananière, qu'il est difficile de faire de Fillon le sauveur et le garant de la démocratie. Faire de Fillon un parangon de République c'est impensable, c'est le nom de son parti, mais c'est bien la seule chose qui le rapproche de ça... 

Et puis il y a l'hypothèse pour l'heure majoritaire d'un second tour Macron/Le Pen, où l'on voit que le jeune maverick n'a pas encore partie gagnée, lui non plus. Sur le papier, un mec issu de la gauche avec un programme économique de droite devrait rassembler très large. Et beh non. Plus large que d'autres, certes, mais pas un ras de marée non plus. La moitié des électeurs de Fillon iront voter pour Marine le Pen pour faire une union des droites et un nombre très grand d'abstentionnistes du premier tour ne verront pas de raison de se déplacer. Un grand nombre d'électeurs de gauche du premier tour restera chez eux répondant à l'appel de Ruffin "plus jamais le PS" en oubliant que Macron, techniquement, n'est pas socialiste. Macron, pas plus que les autres, ne peut empêcher ce doublement de l'abstention qui nous pend au nez. Si jamais nous réchappons à une présidente FN, un Grenelle de la démocratie s'imposera. Je doute qu'il ait lieu au sens institutionnel, mais un Grenelle dans la rue, dans les amphis, dans les champs, pourquoi pas. Pas de raison qu'on invoque la modernisation partout et que l'on conserve des institutions archaïques.