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16/11/2017

Des porcs sans tête de l'emploi

"Ho oui, mais quand même Hervé le Bras n'a pas une tête de harceleur". Ainsi me répondait brillamment un distingué philosophe alors que nous échangions sur le harcèlement sexuel, pratique selon lui "réservée à certains milieux" et peu présente dans les milieux universitaires où "les gens sont cultivés". Je tombais de ma chaise et lui citais le cas du démographe Hervé le Bras, qui fut poursuivi par d'anciennes étudiantes en thèse qui, dans des termes très crus avaient expliqué qu'elles avaient été incité à pratiquer la promotion canapé. Mon interlocuteur se bloqua dans le déni au motif spécieux que le Bras n'avait pas la tête de l'emploi pour un harceleur...

Dans ces cas là, la phrase d'Einstein "il est plus facile de briser un atome qu'un stéréotype" prend un relief particulier. Les stéréotypes facilitent la vie de ceux qui aiment à ranger leurs représentations ; des pulls qui grattent pour les profs, des punks à chiens pour les intermittents, et donc sans doute des têtes de porcs pour les harceleurs sexuels... 

Harvey Weinstein, DSK, Tariq Ramadan, maintenant, tous ont "la tête de l'emploi". C'est sûr qu'à y regarder de plus près, ils ont quelque chose dans le sourcil, dans la lippe bavante, oui, retrospectivement, c'est sûr, ils ont des têtes de pervers. La vindicte populaire aimerait ainsi se débarrasser de types qui porteraient les stigmates. Ca n'est évidemment pas si simple. Et surtout l'ampleur de la libération de la parole des femmes avec les #Metoo font ressortir une telle masse d'hommes harceleurs que les rues devraient être littéralement invivables, défigurées par tous ces pervers dégoulinants. Il va donc falloir chercher ailleurs et dépasser nos croyances dans une tête de coupable pour prêter plus attentions aux mots, gestes et autres attitudes qui pourraient trahir un agresseur en puissance. Prenons Denis Beaupin, pour finir, il a posé avec du rouge à lèvres pour dénoncer les violences faites aux femmes. Il a posé avec son petit vélo en citoyen responsable, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession, on ne l'aurait jamais soupçonné. L'histoire a montré, prouvé, re re reprouvé qu'on aurait eu tort. Les agresseurs sexuels ont souvent la responsabilité en étendard, la mise parfaite et le sourire en coin. Mais ils laissent partout des traces de mots, de gestes et d'attitudes visibles de beaucoup. C'est cela qu'il faut dénoncer dès le début car ce qui frappe dans toutes les histoires de harcèlement et d'agressions, c'est la durée sur laquelle elles s'étalent. Hier encore, Thierry Marchal-Beck, encore un bon petit à tête de chef scout qui n'était que patron du MJS se serait livré à des agressions sexuelles entre 2010 et 2014. Quatre années pendant lesquelles il a abusé de nombreuses jeunes femmes. La possibilité que personne n'ait rien vu, entendu, remarqué, est proche de zéro. Quatre années pendant lesquelles personne n'a voulu dénoncer un type qui n'avait pas la tête de l'emploi, du présumé coupable...