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13/12/2017

Mal aimé, isolé, extrémiste, Wauquiez ? You cannot be serious

La synthèse des titres de presse sur l'élection du Président LR donnerait quelque chose comme "le plus dur commence pour le mal aimé de la droite qui va voir sa famille se décomposer". Hier, la Une des éditions matinales était ainsi consacrée au départ de Xavier Bertrand comme un nouveau signe de l'Armageddon qui pointerait à droite. Après la défection de Christophe Béchu et le refus d'accord de Jean-Christophe Lagarde, on ne présente plus Wauquiez que comme un avion sans ailes, un type à la tête d'un tas de ruines, un sectaire qui fonce vers la défaite en klaxonnant. Je suis peu susceptible de fascination ou d'admiration pour Wauquiez, mais ne pas voir que ce monsieur sait parfaitement ce qu'il fait est un peu navrant...

Wauquiez a deux modèles, Sarkozy et Trump, et la synthèse des deux pourrait l'emmener très loin. Grâce au premier, la désaffection de son camp, il s'en cogne royalement. Résumer Sarko au chef sans contestation de son parti que les médias encensaient est un non sens historique, une méconnaissance crasse, une amnésie douteuse. Avant de laisser l'usure du pouvoir présidentiel éroder sa popularité, Sarko, a connu les affres de la figure du traître avec une puissance incomparable à ce qui touche aujourd'hui Wauquiez. Il faut lire les mémoires de politiques lorsque Jacques Chirac l'emporte en 1995. Le rassemblement du RPR triomphant pour fêter son président, les acclamations bruyantes pour tous les membres de la famille le soir de la victoire. Tous ? Non, l'un a avancé sous les lazzis, les huées et même les crachats alors qu'il se frayait un chemin vers l'estrade des officiels. Mâchoire serrée, ne lâchant pas la main de Cécilia, le Sarkozy de 1995 a subi un walk of shame plus violent que celui de Cersei Lannister. C'est même dans la détestation de son camp qu'il a trouvé le carburant de la reconquista de la droite. Un quarteron de fidèles (Guéant, Hortefeux), quelques jeunes (Solly, Martinon) et une tête pensante dans la dernière ligne droite (Emmanuelle Mignon) il n'en a pas fallu plus à Sarkozy pour s'imposer à toute la droite où il était unanimement détesté. Haï. Et isolé. A côté, Wauquiez est un angelot à la tête d'une armée.

De Trump, Wauquiez a retenu que dans une période de passions chaudes, les faits et la rigueur n'étaient pas nécessaires pour emporter une élection. 78% des propos prononcés par Trump lors de la campagne 2016 étaient des mensonges. Pas des opinions, des points de vues forcés, des jugements à l'emporte pièce ou des exagérations. Non, des purs mensonges, des faits erronés... 78%. Y a de la marge. Alors, certes, nous ne sommes pas les US, mais le complexe de supériorité qui nous anime par rapport aux Etats-Unis n'a pas lieu d'être. Ici aussi, on peut désorienter (pour éviter le trop connoté "manipuler") les foules avec des pelletés de bobards et Wauquiez l'a bien compris. Il a parfaitement appris à désapprendre, depuis des années. Le normalien agrégé a appris patiemment à disloquer sa syntaxe, sa grammaire, son vocabulaire pour "faire peuple". De ses cheveux gris à sa parka rouge, de sa grosse montre à ses fautes d'accord, tout est fake chez Wauquiez. Ca n'est plus une fake news, mais un fake candidat. Dans une époque où la vérité est malmenée, pas sûr que ça soit un handicap...  

Or, toutes les analyses ce matin convergent pour dire l'erreur stratégique de la droitisation de Wauquiez. Ce matin, Thomas Legrand nous explique en somme qu'il y a deux droites en France, une modérée et une réactionnaire. La modérée finirait par aimer le mariage pour tous, l'écologie et les immigrés, la réactionnaire serait bonne aux orties... Les 2 millions de personnes descendues pour manifester contre le mariage pour tous ? Gommées. La même erreur n'a pas voulu voir le triomphe de Fillon, l'an passé. Et sans Pénélope, il était évidemment élu, attention à ne pas refaire l'histoire... Ce sont les mêmes analyses qui n'ont pas vu la montée des populistes en Pologne, en Hongrie et évidemment, de Trump. Car Obama puis Hillary Clinton ont fait des propositions tout à fait semblable à ce que fait Macron aujourd'hui. Résumer la victoire de Trump au surmoi raciste et misogyne des Etats-Unis est une bourde lourde. Partout dans le monde, le progressisme engrange des adversaires farouches. Wauquiez l'a bien compris. On peut (c'est mon cas) mépriser, détester, déplorer Wauquiez, c'est sans doute une marque de salubrité intellectuelle. Mais le sous-estimer, en revanche, l'histoire nous apprend qu'il ne faut pas.