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26/08/2020

Faiblesse du nuancier de l'angoisse

Nous ne sommes pas sortis de l'impasse de la peur dans laquelle nous a mené Roger Gicquel, en 1976. Et contrairement au gris et ses célèbres 50 nuances, la peur est monolithe, surplombante, assommante et totalisante. 

Ce qui me subjugue dans le commentaire actuel de l'épidémie, c'est son immense proximité sémantique avec les termes employés en mars/avril.... Alors, le sentiment d'Armagedon emportait tout et si on osait relativiser le fait que la Covid n'était qu'une épidémie de plus, pas la plus grosse au monde et que, peut-être, on sur réagissait, on était cloué au pilori. Les images des soignant.es débordé.es, les salles de réanimations saturées, les chambres mortuaires qui enflaient et les témoignages de rescapé.es perclu.es de séquelles dominaient tout. Soit. Il fallait laisser passer la vague et accepter que nous vivions un sale épisode sanitaire. Bon. 

On commence tout de même à avoir un peu de recul et voir que nous n'avons quasi rien dit sur des sujets qui mériteraient pourtant des angoisses largement aussi fortes : absences de prévention de cancers, de soins dentaires, de soins psys, toutes ces pathologies (liste très très longue) explosent et vont causer des morts en pagaille, non comptabilisés. La catastrophe économique va entraîner des fermetures d'entreprises, des expulsions locatives, des sinistres qui déboucheront sur d'autres morts. De ça aussi, peu de mots. La catastrophe actuelle du pays, c'est celle là. On devrait consacrer 95% du temps d'antenne à parler de comment vivre au mieux, plutôt que de pinailler sur des dérogations de ports de masques ou d'heures d'ouvertures de bistrots.

Par ailleurs, pardon d'oser émettre ce constat, mais 11 mai 2020, au moment du déconfinement, la France déplorait 30 000 morts du Covid. 26 août 2020, 100 jours après, la France déplore 30 000 morts.... On parle dans les mêmes termes, avec les mêmes élans dramatiques d'une maladie qui, peu ou prou, ne tue personne actuellement. Je ne dis pas qu'elle ne fera pas de nouveau des dizaines de milliers de morts à l'hiver (comme nombre d'épidémies saisonnières qui nous déciment plus fortement quand nos organismes sont plus faibles....), mais actuellement, elle ne tue personne. Chaque jour, entre 3 000 et 4 000 cas, pour 10 morts au plus. 0,3% de létalité. En Suisse, Le Temps, peu réputé pour sa légéreté scientifique publiait hier des données montrant qu'au premier semestre, Genève et le Tessin ont connu une légère surmortalité, mais que globalement, le pays a enregistré moins de décès malgré le virus....Moins. De. Décès. 

Évidemment que Bolsonaro et Trump en moquant le port du masque, en encourageant les rassemblements etc... ont une responsabilité lourde, mais en Europe, globalement, nous gérons. Avec un peu de civisme, tout est contenu. Personne ne peut tenir pendant deux ans, trois ans (le temps que le virus disparaisse ou que nous trouvions un vaccin plus fiable que celui de Poutine....) avec la pression maximale qu'on nous colle actuellement. Pour la lever un peu et recouvrer un commentaire qui relate la réalité sanitaire du pays, il va falloir d'urgence un élargissement sémantique du commentaire : vite, vite, des dictionnaires des synonymes et des périphrases pour les éditorialistes et les responsables politiques qui commentent l'épidémie ! 50 nuances d'angoisses, s'il vous plaît, qu'on se détende un peu pour rentrer tranquillement. Merci.