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06/03/2021

Les chars ont changé de couleur

En 1981, le consortium des médias dominants tâchait de faire croire que les chars rouges attendaient à la frontière que François Mitterrand soit élu pour pénétrer le pays et soumettre les gaulois à la dictature communiste. Aujourd'hui, hélas pour Victor Hugo, la peur du rouge n'est désormais plus réservée qu'aux bêtes à cornes. Passé un léger frisson en 2017 quand Mélenchon dépassait les 20 points dans les sondages, la crainte de la contagion communiste s'éloigne et voilà qu'un variant Vert vient inquiéter l'ordre dominant.

Il y a huit mois à peine les écologistes emportaient nombre de grandes villes et on ne compte plus les polémiques intentées contre les exécutifs locaux pour tenter de les décrédibiliser. Toutes ces polémiques ont en commun une puérilité folle face à de possibles changements de modèle périmés. Quand Pierre Hurmic dit que la tradition du sapin de Noël est écocidaire, un gaspillage inutile, il a raison de façon inattaquable. On peut vouloir continuer à avoir un sapin et se foutre du coût CO2 et des dépenses occasionnées, mais qu'un élu écologiste décide de s'en passer, c'est logique. A Lyon, ce fut le recours à une écriture inclusive qui fut raillée, polémique retombée tant il est vain de s'opposer à une tentative non coercitive, non obligatoire, uniquement une tentative de décloisonner les représentations des lecteur.ices pour les faire évoluer. Il y eut la plus navrante de toutes, sur les repas sans viande à la cantine, adoubée sous Collomb, conspuée sous Doucet, confirmant que c'est bien l'écologie politique qui effraie l'ordre libéral.

Et puis, vint celle de la semaine dernière, à Lyon à nouveau. Nombre de voix s'émurent suite à une campagne reprise par nombre de médias (Radio France, rue89...) avec le même titre putassier : "la mairie coupe 500 000 euros de subvention à l'Opéra". Il n'en fallait pas plus pour enfoncer définitivement les Verts. Non contents de ne pas aimer manger, les voici adversaires de la grande culture ; scandale ! C'est assez fou, le conservatisme. Couper 500 000 euros à la culture, c'est ce que ferait le RN. Ne pas soutenir la culture qui s'écroule, c'est que fait la macronie. Couper 500 000 euros à l'Opéra pour les allouer ailleurs et démocratiser, enfin, la culture, c'est ce que font les écolos. Ils ont raison.

Je n'ai rien contre l'Opéra. Mais qui est déjà à l'Opéra aura forcément constaté que c'est la salle de spectacle la moins diverse du pays. Je ne dis pas que les grandes scènes de théâtre publics sont des modèles de diversité, mais rien à avoir avec ce ghetto du ghotta qu'est l'Opéra, aux places inabordables pour 95% des porte-monnaies. Les mairies sont les premiers financiers de la culture en France, c'est sur elles plus que sur l'État que repose l'accès à toutes et tous de la culture. Avec 500 000 euros, combien d'enfants peut-on mener vers la lecture ? Vers les arts vivants, théâtre ou cirque ou danse ? Beaucoup. Beaucoup. Un ami fondateur de festivals littéraires ambulants pour enfants (le Livrodrome) vous fait un tour de France de son pavillon itinérant à ce prix là, avec des milliers de gosses qui rencontrent conteur.euses, autrices et auteurs. N'est-ce pas là la priorité ?

Un article hier dans le Monde soulignait que le budget mécénat de l'Opéra de Paris a augmenté de 141% depuis 2010, avec des mécènes aussi engagés dans la cité et se saignant pour que la culture vive que Rolex ou Van Cleef et Arpeels. Évidemment que des grandes banques et des grands groupes de luxe peuvent se payer des loges à l'Opéra, des labos pharma à Lyon seront ravis de mettre les 500 000 euros manquants, nouvelle polémique inepte.

Demain, si les écolos gagnent des régions et décident d'allouer la priorité à la rénovation thermique plutôt qu'aux permis de construire et donc de bétonner, de soutenir l'agroécologie plutôt que la FNSEA et de soutenir les filières de transports propres et locaux plutôt que de pressuriser pour un nouveau TGV, on ressortira à nouveau les Amish ennemis du progrès ? Les temps changent, les conservatismes restent.