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04/04/2021

Quel niveau d'abstention des jeunes pour qu'on en parle ?

Hier, une double page du Monde titrait "Marine le Pen premier vote des 18-24 ans. La jeunesse décomplexée". Un papier d'analyse longue cherchait à comprendre les racines de la radicalisation des jeunes, une chercheuse spécialiste du vote des jeunes (Anne Muxel) de compléter les raisons expliquant "une envolée" de l'adhésion des jeunes au discours le Pen. Bon.

Au début du papier, en deux lignes, on balayait un argument comme une paille : alors que 80% des français.es sont certains d'aller voter pour la présidentielle, cette part chez les 18-24 ans est de.... 58%. La présidentielle, la mère des batailles dont on parle tout le temps, la plus simple à intégrer, près d'un sur deux préfère bouder les urnes. Je n'en déduirais vraiment pas qu'ils s'en cognent, loin s'en faut. Mais par là suite, faire tout un papier plein d'aplomb, de certitudes, sur un corps électoral aussi ténu, faible. 42%, putain. Et encore, ça reste pusillanime comparée aux 72% d'abstention lors des municipales l'an passé.

Globalement, l'obésité croissante de l'abstention est un drame, mais elle m'interpelle tout particulièrement chez les jeunes, génération sacrifiée par le Covid, génération qui prend dans la gueule une claque à court, moyen et long terme. L'interdiction de vivre des choses de leurs âges, de fêter, célébrer découvrir comme nous le fîmes à 20 ans. Empêchés de se projeter, de s'imaginer, de s'envisager, avec leurs études empêchées, leurs apprentissages freinées, difficile de croire aux lendemains chantant. Et à long terme, les modèles de providence sociale s'éloignent pour eux. La seule solution pour les récupérer, ces mécanismes solidaires, c'est un très très puissant coup de gouvernail qui réalloue des monceaux d'argent dans de nouvelles protections : une Sécurité Sociale Alimentaire pour qu'on assiste plus à ces défilés devant des banques alimentaires associatives, mais remettre ces prérogatives dans le giron public, donner des droits et des espaces dédiés pour que celles et ceux qui ne peuvent remplir leur frigo puissent le faire dignement, gratuitement, avec des produits sains. Donner des revenus universels pour ne pas subir le n'importe quoi, l'inhumanité des métiers à la tâche comme livreur... La métropole de Lyon l'expérimente d'ailleurs, actuellement, mais sur deux mille jeunes, pas encore de quoi donner des rêves de changement d'échelle.

Dans les marches pour le climat, la moyenne d'âge est basse, comme dans les ZAD, les mouvements zéro waste, les néos ruraux, les aspirants aux tiers lieux. Ne croyant plus à un soulèvement par les urnes, une part de la jeunesse se prend par la main. Mais une grande part ne croit pas à ça et cherche des solutions plus simples : le problème, c'est l'autre. L'étranger, le migrant, le musulman et le haut fonctionnaire européen qui est un allié des premiers, c'est bien connu. Alors que les jeunes générations ont besoin de changements politiques vraiment radicaux, une part croissante dit justement que la marche est trop haute pour être atteinte et fait du refus d'obstacle (ou d'isoloir) et parmi ceux qui restent, une part croissante préfère la marche arrière vers de chimériques hiers plus rutilants. Nous ne méritons pas autre chose que leurs crachats.