Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/07/2021

Sale pute

Hier matin, je regardais l'excellent doc d'Arte #SalePute sur la haine en ligne, avec nombre de témoignages édifiants de femmes journalistes insultées, menacées de viol et de mort en ligne. Harcelées jusqu'à des silenciations réussies, des comptes fermés. D'ailleurs elles sont nombreuses à dire que les flics qui enregistraient leurs plaintes leur recommandaient de couper internet pour avoir la paix... Certaines ont poussé jusqu'au procès et ont gagné, l'une a perdu son émission, la troisième a choisi de se taire et confie "ça m'a rendu plus grave, moins joyeuse. Mes prises de parole légères, je les censure maintenant, car je sais que ça peut les faire réagir". A l'occasion du procès de la jeune Mila et de la condamnation des harceleurs, le juge de rappeler que les réseaux sociaux, c'est la rue. En pire. Car il est rare, heureusement, que 400 hommes se rassemblent autour d'une femme pour lui dire qu'ils vont la violer et l'égorger et, lors de l'arrivée des flics, de dire que c'était une blague ou que leurs enfants ont parlé à leur place...

J'ai passé la journée hanté par ce doc et ces pratiques genrées. En ligne, sur Linkedin, j'énerve régulièrement une petite troupe de fafs et une autre bande de zélotes de la start-up nation qui m'insultent en choeur. Mais ça s'arrête toujours là, ça ne pousse jamais plus loin que "allez vous épanouir en Corée du Nord", donc rien qui ne puisse m'inciter à arrêter de publier. 

Le soir, je suis allé dîner dans un troquet du 18ème gentrifié où la patronne a installé un frigo solidaire. Lors de la soirée, plusieurs habitant.es du quartier et une boulangère sont venus déposer à manger dans le frigo et plusieurs malheureux.ses se sont servis sans avoir à aller mendier. Un couple de jeunes bien propres, bouteilles de Bordeaux et pizzas à la main essayent de taper dedans. La jeune patronne les rabroue en leur rappelant le sens du mot "solidaire". Trois heures plus tard (oui, j'étais toujours là, mais en excellente compagnie et on avait des trucs à se dire), l'un des jeunes repasse. Il me rappelait les bourgeois à dread locks de mon lycée, avec dix ans de plus. La patronne de retourner, à raison, le sermonner en lui intimant de ne pas recommencer, que tout repose sur la confiance et qu'elle ne regarde pas qui se sert, comment, mais que quand même, il est né avant la honte. Alors, il regarde ses chaussures, conscient (pensais-je) qu'il n'y a rien à répliquer. Avançant d'une vingtaine de mètres, quand il est sûr et certain d'être hors de portée, il se retourne et hurle à l'encontre de la patronne "je t'emmerde, sale pute". Éduquer les hommes au respect des femmes me paraît parfois plus insoluble que le dilemme de Sisyphe.