Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/01/2010

La société de la culpabilité (part I)

Au fond, c'est triste, le petit père Combes n'a pas gagné: nous voilà plus cathos que jamais. Pas d'extérieur, ça se verrait, mais au fond nous sommes mus plus encore par cette bonne vieille culpabilité avec laquelle on nous manipule depuis plus de deux mille ans.

Aujourd'hui, part one, donc, la nouvelle religion écologiste. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit: l'écologie est un sujet sérieux. Trop sans doute pour qu'on le laisse à Nicolas Hulot et Jean-Louis Boorlo. Mais, au fond, ces sympathiques petits hommes verts qui s'agitent frénétiquement depuis quelques années avec un catastrophisme même pas éclairé (contrairement à l'immense Jean-Pierre Dupuy): que font-ils d'autre que nous sermonner ?

Deuxième warning, quand je dis "écologiste", je parle d'un discours, d'une posture, pas d'un parti. Je fais la différence entre Cécile Dufflot et Yannick Jadot versus Chantal Jouanno. Mais je fonde surtout ces écarts sur leurs conceptions du travail, des droits des salariés, des syndicalistes, du logement... Pour ce qui est de l'écologie, c'est kiff kiff...

Commençons par quelque chose qu'une grande partie de l'humanité peut comprendre. Les prêtres ont une haine commune: la masturbation (exception, voir chapitre II, les scouts...) un pêché qui nuit à la procréation tout ça, et nous expédie en enfer. En réalité, ce loisir récréatif apaise les moeurs et donc limite les guerres (vous avez vu la tête des fanatiques de toute part ? S'ils se tiraient sur la nouille, ils seraient moins haineux. Idem pour les donzelles d'ailleurs, elles sont justes moins nombreuses. Comme fanatiques, je veux dire) sans pour autant limiter les naissances: on est trop sur cette planète ! On fait jouer la culpabilité versus la liberté pour t'enfermer dans un carcan. Bon, avec la religion catholique, ce serait tellement simple de continuer sur des centaines d'exemples que c'est superflu... L'idée est toujours la même rachète ton âme et modifie ta vie pour que ça cadre avec le bouquin. Il reste plein de zozos prêt à cela quand tout montre que ça ne sert à rien, mais que voulez-vous, nous ne sommes pas gouvernés que par la peur, on est aussi gouvernés par la mauvaise conscience.

La montée en puissance de la croisade écologiste en est la sinistre illustration: sinistre car on ne nous parle pas d'abondance frugale, avec recentrage sur les luxes essentiels et nouvelles solidarités, des discours du vivre-ensemble. Non, ils commencent par nous dire: vous êtes le mal. Cherchez pas à comprendre, vous faites mal, faites autrement et surtout, faites nous confiance. Voyons cela.

Les pets de vache. Vous connaissez tous le truc. Les pets de vache produisent une fois et demi plus de CO2 que l'ensemble des transports mondiaux. Les kangourous, eux, ont des pets sans CO2 (la vie n'est pas juste), demande t'on pour autant aux éleveurs de Wallabies de devenir d'utilité publique et tout le monde ne mange que du kangourou ? Non, bien sûr... Les vaches sont là depuis longtemps et leur maquignons ont l'oreille de Matignon (désolé, facile...) et ça ne risque donc pas de changer.

Alors, puisque je ne peux pas manger de kangourou et que la vache est mauvaise, je mange 5 fruits et légumes par jour. De toute façon, l'INPES me le recommande (ainsi que de limiter l'abus d'alcool et de marcher une demie-heure par jour, sans fumer, ni crier: INPES; in Amish we trust....). J'arrive au supermarché et j'ai le choix: de la salade, des tomates, mais il faut quelque chose de consistant et des protéines; je prends un avocat et deux bananes.

"Calice enfer et damnation", s'époumone la militante bigote écologiste à côté de moi... Mon avocat comme 1/3 de ceux qu'on produit dans le monde, vient du Mexique. Il a un bilan carbone épouvantable... Idem pour les bananes, la Guadeloupe... Donc, elle me crie dessus et redouble de haine quand elle voit mon paquet de café, même pas Max Haavelar. Je lui réponds très doctement que je n'ai pas voulu la mondialisation et que si j'arrête d'acheter ces produits, les agriculteurs meurent de faim ou font pousser de la coca ou du hasch... Elle s'en retourne vers le rayon soja, me laissant seul avec mes fruits...

Fustiger les comportements individuels au lieu de vouloir changer le système: voilà bien une idée catholique. Pense à donner l'aumône à ce pauvre, mais ne te demande surtout pas s'il faudrait changer le système de répartition des latifundi... Or, le catholicisme a prouvé ses limites: non seulement il fait chier tout le monde, mais il ne change rien à la donne. Les patrons cathos s'émeuvent des dérives de la crise, mais sont les premiers à ne poser aucune limite (n'est-ce pas, Charles Beigbeder), sauf celle de l'affichage: ils iront au ciel la conscience tranquille. L'écologisme (encore une fois, trans partis politiques) fonctionne sur les mêmes ressorts: faire chier tout le monde (ça va ça va, je recycle mes déchets et j'ai des sacs réutilisables et même pas mon permis, j'ai ma communion verte) sans vouloir changer le monde. Mais de s'être époumonés pendant tant d'années pour sauver l'ours blanc et le thon rouge, ils auront assuré le salut de leur âme.

L'écologisme comme le catholicisme jadis, fonctionnent sur un business de mauvaise conscience proprement scandaleux : c'est moralement inattaquable. Or, les citadelles moralement au dessus de tout, je dis que c'est pas casher... Et on ne fait pas de bonne politique ni par la peur, ni par la mauvaise conscience, mais bien par le volontarisme.

Demain, nous réfléchirons à une seconde partie: la mauvaise conscience comme nouvelle boussole des managers.

28/01/2010

Ma candidature au Jury du Livre Inter...

Vous me prendriez, vous ?

LIVRE INTER

France Inter

75220 PARIS CEDEX 16

Madame, Monsieur,

Je vous fais une lettre que vous lirez sûrement, puisque vous prenez le temps. Le vrai luxe, aujourd'hui, c'est cela, prendre le temps. Lire, c'est une insulte à l'utilitarisme de l'époque, au désir d'actualité, d'instantanéité.... et pourtant je ne peux m'en passer.

Je ne lis pas pour la grandiloquence type "c'est comme l'air que je respire" pas plus que pour m'affirmer dans un champ bourdieusien de grande famille de dominants en me rassurant d'être nul en maths. Au fond, je crois que je lis parce que cela rend la vie plus belle et plus riche.

Voyageur impénitent, j'ai pu constater que la lecture me rapprochait toujours des habitants que je rencontre. A St Pétersbourg, Dostoïevski me valait quelques accolades, Sciascia en Sicile ou Proust à Berlin. Certes, Marcel n'avait pas la double nationalité mais il fallait bien que je me présente, moi, et en tant que français, après la Tour Eiffel et Mireille Matthieu, parfois on me parle de Proust (Jean-Philippe Toussaint aussi, mais moi, ça me parle moins). Enfin, m'apprêtant à partir pour Rio découvrir le carnaval, j'ai lu Georges Amado qui décrit le même événement, mais il y a un siècle; et ça donne envie !

L'inverse vaut aussi, on lit pour voyager sans pour autant dépasser le périphérique (ce qui trahit au passage, ma condition de parisien). Voyager comme dans "à marche forcée" ce récit hallucinée de la marche interminable de prisonniers des goulags qui ont rejoint l'Inde en passant par l'Himalaya... Mais aussi de façon moins exotique, dans la tournée quotidienne d'un facteur vu par Martin du Gard et sa Vieille France.

Il paraît que les jeunes lisent moins, c'est possible je ne travaille pas à l'INSEE. Les filles, non, elles continuent. Au moins, le temps qu'elles passent à lire, elles ne le perdent pas à jouer en bourse. Je n'aime pas ce fatalisme qui voudrait opposer les générations. Au contraire, dans la lecture, je peux m'accorder avec des octogénaires sur le fait que Lucien Leuwen est probablement le meilleur roman de Stendhal. Mais je peux aussi dire à ce même octogénaire vénérable qu'il devrait lire les insomniqaues de Camille de Villeneuve ou la meilleure part des hommes de Tristan Garcia, jeunes pousses comme on dit, et "on" a tort, car comme rappelait Bernard Frank dans son incipit de la panoplie littéraire, "on ne progresse pas en littérature".

Si je parle de ces deux jeunes auteurs, comme de tant d'autres, c'est pour évoquer cet éternel émerveillement face à la découverte littéraire, un bien des plus précieux. Je me souviens d'un ami de vingt ans mon aîné me disant "quel chance, tu n'as jamais lu "au dessous du volcan" devenu depuis un de mes livres cultes. En tout cas un de ceux que j'ai le plus offert avec Eureka Street de Robert Mc Liam Wilson et les livres d'Emmanuel Carrère. Ils n'ont rien de commun, mais la vie n'est pas commune non plus et la lecture, justement, l'enrichit de dimensions insoupçonnées.

Pour toutes ces raisons, je voudrais rejoindre ce jury populaire placé sous la tendre férule de l'exégète en chef du regretté Claude Lévi-Strauss. Il y a cinq ans, j'avais déjà eu l'insigne chance de ce genre d'aventure. C'était le Prix Roman France Télévisions et je garde un souvenir très ému de l'âpre dernier tour de table visant à départager Olivier Adam et Frank Pavloff. Alors, bien sûr, je sais qu'il faut laisser sa place à tout le monde et qu'en vous confessant cela, je perds sans doute un peu de crédit, mais l'honnêteté est si peu partagée de nos jours...

Voilà ma bouteille jetée dans la mer de candidatures que vous devez recevoir, chère Madame, cher Monsieur et j'espère qu'elle aura retenu votre attention au point de vouloir me lancer une bouée pour me voir débarquer le 6 juin parmi vous.

Bien à vous,

27/01/2010

Sunday, pourri sunday...

La nouvelle est passée inaperçue enfin, non, mais la mauvaise foi m'anime sur ces questions...

Trois salariés du groupe Carrefour ont été licencié pour "insubordination aux horaires". En cause ? Non présentation sur le lieu de travail plusieurs dimanche de suite. Renseignement pris, les trois fautifs ont des enfants éloignés de leurs domicile et ne peuvent les voir que le week-end. Toute l'affaire est résumée là:

http://eco.rue89.com/2010/01/25/ils-ont-ete-vires-pour-avoir-refuse-de-travailler-le-dimanche-legal-135435

Promesse de campagne: "travailler plus pour gagner plus" sous-titre "libérer les énergies du monde du travail" en réalité; précariser le marché du travail sans chercher à donner du boulot, mais en pressurisant plus encore les employés. Légitimer l'idée auprès du grand public que tout chômeur est avant tout quelqu'un qui ne veut pas travailler. Une fois cette lobotomie mentale effectuée, trouver un certain nombre de technocrates pour faire valoir que le chômage structurel en France se trouve à 7 ou 8% pour pouvoir se vanter... En réalité, le taux de personnes ne travaillant pas est largement au-delà, il faut y ajouter les seniors "dispensés" (oh l'hypocrisie) et le 1 million qui arrive en fin de droits... 5 millions d'actifs sont privés de boulot en France, alors vous comprenez ceux qui ne veulent pas bosser le dimanche....

Le pire (je me comprends) c'est que la France n'est pas et ne sera jamais, un pays libéral. La protection sociale pèse beaucoup trop sur le coût du travail pour pouvoir faire cela, même en détricotant et en donnant des coups de canifs dans le programme du CNR, Sarko ne parviendra pas à transformer la France... En revanche, il nous éloigne plus que jamais d'un modèle social-démocrate façon scandinave...

A l'arrivée, tout le monde est baisé : les salariés qui l'ont dans l'os, bossent pour des prunes quand ils bossent et les entrepreneurs qui n'emploient personne. Pas grave, la France reste une des terres d'asile favorite des actionnaires, pour la douceur de notre système de santé et notre cuisine... Après Ali Baba et les 40 voleurs, Sarko et les 40 du CAC, les seuls pour qui il gouverne franchement.

Il peut bien faire toutes les émissions en décor Emmaüs qu'il veut, avoir "l'obsession de la justice" (petit obsédé, tout de même) réussir à se foutre syndicats et dirigeants à dos pour ne plaire qu'aux actionnaires et grands patrons fallait le faire. D'où l'interrogation: a t'il fait voter une loi sur le travail du dimanche uniquement pour empêcher ses contradicteurs de voter contre lui en 2012?

Demain, nous reviendrons vers l'optimisme (j'ai vu une recette d'aiguillettes de canard avec des frites de polenta/olive, je vous raconterai...)