16/05/2012
Peoplitique, à qui la faute ?
C'est un des avatars modernes de la poule et de l'oeuf. La vie politique française se peoplise nous dit-on. Soit. Les commentateurs font comme si c'était un phénomène aussi naturel que la mousson. Le doute m'habite. Mais, la question qui m'anime est de voir si face à cette irrépressible montée, les politiques ne sont-ils pas de plus en plus responsables et bêtement (car inutilement), encore. Ils aiment à se présenter en victime expiatoire de cette peoplisation forcée, comme d'autres sportifs sont dopés à l'insu de leur plein gré. Guère plausible.
Une "Une" de plus, de ce déplorable hebdomadaire, autoproclamé agitateur culturel, me faisait tiquer. Celle des Inrocks, donc, où l'on a mis un carré de reines avec ce titre "Girl Power". Elles sont femmes, socialistes, jeunes, deux blanches, une beurette, une asiat. Une vraie photo United Colors of Benetton. Et là, la question qui me taraude peu est : est-ce bien raisonnable ? La réponse est non. La seconde question est : les médias sont-ils seuls responsables ? La réponse est aussi non. Elles devaient bien se rendre compte du ridicule qu'il y avait à s'afficher ainsi comme une barquette de gariguette en promotion. Mais chacune à dû se dire que si elle partait, les autres seraient seules sur les photos. A quoi tient le respect de l'intérêt général... Au final, le journal s'en tire moins mal que les filles : le titre, navrant, ne peut pas décevoir plus qu'il ne fait d'habitude. Les 4 jeunes, elles, ont manqué une occasion de se cacher. Elles le regretteront.
Tout n'est pas, loin s'en faut, la seule faute des fauves du pouvoir. Si les bêtes politiques tombent dans ce piège de la peoplisation, c'est bien qu'on le leur a tendu. Or, il est rare d'entendre nos journalistes s'excuser, ou ne serait-ce qu'évoquer la très large dette qu'ils auraient à honorer. Ardoise massive, car ils se cantonnent à raconter des histoires débiles, regarder par le petit bout de la lorgnette une question politique qui, sans les dépasser, les inquiète. Très dure, très complexe, de plus en plus. Pourrie aussi. Combien de divisions, d'affaires, de coups bas. Tout cela n'est guère vendeur et il est certain que deux minutes à parler de ses enfants vend plus de papier que deux heures à disserter sur les meilleurs moyens de rembourser la dette.
De ce point de vue, l'interview par Jacques Vandroux dans l'entre deux tours de François Hollande puis Nicolas Sarkozy sur le sport est édifiante. Une demie-heure de radio filmée comme c'est aujourd'hui de plus en plus le cas où l'on voit, pour un instant seulement, les candidats se détendre. Exit la Grèce, Obama, le chômage, et la désindustrialisation, welcome Eddy Merckx, Zidane, Platini et Alain Mimoun. On n'est quand même mieux, en ces temps troublés, quand on ne parle plus politique semblent ainsi nous dire les hommes d'Etat. Comprenne qui pourra... On éprouvera le même sentiment en lisant l'interview que Xavier Bertrand avait accordé à Doggy Célébrités (authentique), mais sans doute ce monument du journalisme d'investigation n'a pas eu les retombées attendues.
Par ailleurs, pour revenir à notre photo des Inrocks où celle du dessous, prise pour Match sur le Pont en face de l'Assemblée Nationale et légendée "les guerrières de l'UMP". Est-ce bien raisonnable ? Mais non. Les filles de l'UMP ont embrassé la communication de leur mentor, le retour du boomerang fut violent. Les filles du PS auraient du s'inspirer du leur qui ne tient pas à étaler ses goûts musicaux ou textiles, ni même sa descendance. Là, pour le coup, toute la responsabilité revient au journaliste de France 2 qui a jugé que Thomas Hollande serait le meilleur analyste du résultat de l'élection. Le rejeton n'avait rien demandé de spécial, il a fait la campagne de son père sans qu'on puisse le blâmer.
D'ailleurs, au final, la panade actuelle, le peu de marges de manoeuvre dont les politiques disposent font qu'il vaut mieux ne pas s'exposer de trop... Elio di Rupo l'a compris, lui qui parvient à survire en Belgique, Monti aussi en Italie. Et en France, itou. Hollande a nommé Ayrault, les 2 hommes ne sont pas connus pour leur exhibitionnisme débordant. A ceux qui osent encore instruire cet inepte procès en charisme, on dira que les grandes gueules charismatiques passées, nous auront terriblement donné envie de retenue. Et c'est pas plus mal...
07:18 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Je fais ma revêche: c'est pas les "filles", ce sont des femmes, elles sont toutes du même âge ou plus âgées que toi, la puberté est loin derrière.
Je réagis parce que tu ne mets pas du tout en avant dans ton article que ce genre de com' (les "filles" qui avancent en bande, des claudettes derrière Cloclo aux jupettes derrière Juppé aux "Hollandaises" que les médias se mettent déjà à nous servir... cf tes photos) c'est réservé aux femmes: je n'ai pas le souvenir d'hommes qui feraient la même chose (on parlait peut-être de la génération Mitterrand ou des Sarko boys, je crois, mais on ne les a jamais vus en photo). Les Inrocks veulent une couv' avec ces femmes parce qu'elles sont: jeunes, jolies, diverses, et qu'avec elles la politique c'est beau comme un manga. On dirait un peu Cats Eyes, quoi... Elles, j'imagine qu'elles acceptent, parce que si elles ne font pas ça, tous ces messieurs qui les entourent les verront encore moins. Le problème c'est que c'est évidemment à double tranchant. C'est la place que leur assigne l'espace médiatique et politique, à elles de jongler entre ça et la nécessaire revendication de leurs compétences: bon courage.
Bon je réagis aussi parce que hier j'ai entendu Réjane Sénac en conférence sur la parité, et la façon dont ça a glissé vers une forme de consensus mou extrêmement piège (elle l'explique beaucoup mieux que ça: http://r.senacslawinski.free.fr/ouvrage.html , je t'invite à lire... à moins que ça ne soit déjà fait!)
Écrit par : Josse | 16/05/2012
L'esprit critique est toujours bienvenu sur ce blog ! Je dis "filles" car "girl power" voilà... Ensuite, si si, les mêmes existent de l'autres côtés. Les Mousquetaires de l'UMP et déjà il y a 20 ans Bayrou, Carignon Longuet Douste, "les réformateurs... Là, ces derniers temps on pousse les "filles" (à dessein) d'où ma remarque mais tu n'as pas tort. Quand à Réjane Sénac, je la rencontre la semaine prochaine mais j'ai effectivement entendu beaucoup de bien de ses travaux !
Écrit par : Castor Junior | 16/05/2012
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