02/04/2013
Et si le vrai luxe, c'était l'unplugged ?
La première chose qui vous frappe en rentrant de 3 jours de week-end démolition, c'est le dos. Le cou aussi. Quand on n'a pas l'habitude, 3 jours à mettre des coups de masse dans les murs, à gratter, casser, déblayer et évacuer des monceaux de gravats, ça ravage. Mais c'est pourtant une douleur délicieuse, légère et dont on sait pertinemment qu'elle s'évacuera en deux jours, laps de temps pendant lequel on garde le souvenir charnel de moments rares : ceux où l'on a déconnecté.
C'était un week-end dans cette France sans transports en commun (la gare la plus proche est à 30 bornes), un bourg de 2500 âmes qui compte 8 coiffeurs et un PMU, mais aucune boulangerie ouverte le dimanche, ce qui nous obligea à nous rabattre sur du pain de mie (bio, c'est déjà ça). Le fou romantique qui a racheté une bâtisse du XVème siècle pour en faire sa demeure en même temps qu'une résidence artistique n'avait eu qu'un mot à dire : rappliquez. Et nous rappliquâmes. Il y avait ses amis de plus de 20 ans, avec qui ils se comprennent par clignement d'yeux (deux coups pour rhabille le verre de rouge, un coup pour le blanc). Ils ne se demandent pas de nouvelles du boulot (savent-ils bien ce qu'ils font les uns les autres ? Pas sûr) ou du petit dernier, mais s'amusent de tout plus que de rien et pour notre plus grande curiosité satisfaite, nous ont narré des cuites cosmiques prises à l'heure où les supermarchés de France se vidaient par peur de la 3ème quand l'Irak envahissait le Koweït. Il y avait les artistes perchés qui descendirent de leur univers onirique pour donner du burin. Et puis nous autres, les parisiens au quotidien faits de livres et de mots. De livres et de mots, non stop.
S'il serait malvenu de dire que nous travaillons trop, ou encore parler de notre pénibilité au travail quand on songe au quotidien des ouvriers du bâtiment qui éprouvent dans leur chair toute l'année ce que nous avons senti quelques 3 jours, nous souffrons malgré tout d'un mal insidieux : la surstimulation. Tous les jours à toute heure, nous recevons des messages, des injonctions à faire, lire, réfléchir et répondre. Un système pervers que nous entretenons, voir stimulons. Le temps de cerveau disponible, cher au regretté Patrick le Lay se réduit comme peau de chagrin. Difficile de dégager des idées autres, de se désintoxiquer du flux. Même lorsque l'on part courir, les idées s'entrechoquent et vous rattrapent jusqu'à la tombée de la nuit, moment idéal pour songer à tout ce qu'il y a à faire au réveil. Là, miracle, rien. Dormi du sommeil du juste comme en montagne. Lever sans rien d'autre qu'en tête qu'une envie d'un roboratif petit-déjeuner. Merveille des travaux, lorsqu'on les effectue, le cerveau déconnecte enfin complètement. On ne songe qu'au geste effectué et à celui qui suit. Pour autant, ce n'est pas une régression à un état primaire, au contraire : l'altruisme est de mise puisque l'on guette toujours le placement des autres pour éviter les éboulis intempestifs. Et puis, luxe de gourmet, notre hôte nous avait laissé quelques murs à casser. Le premier, solide, je l'ai abattu de vigoureux coups de masse. Alors, il a laissé place à un mur de briques esseulé, plus fragile. Si je ne pensais pouvoir en venir à bout en soufflant comme le loup des Petits Cochons, je voyais bien que les outils seraient peut être superfétatoires. Avec mon comparse Bertrand, nous testâmes la solidité du bout du pied et convaincus que cela pourrait suffire à faire tomber le mur, nous nous sommes mis à le zlataner. Lorsqu'au quatrième coup de tatane, le mur s'effondrait entièrement, le bruit des briques fracassées fut rapidement surpassé par celui de nos rires enfantins surmultipliés par des cordes vocales adultes. Pour un instant, pour un instant seulement, c'était beau et con à la fois. Et nous y reviendrons pour cela. Merci camarade Erwan, tu appelles quand tu veux.
08:29 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Certes certes... Mais sans le haut débit, comment Jo et moi aurions nous pu consommer une saison d'House of Cards (notre dernier choix série). Alors la saine fatigue du maçon provincial, oui, mais de là à renoncer au village global...
Écrit par : Pierre | 02/04/2013
Oui oui, mais un renoncement temporaire de quelques temps !
Écrit par : Castor | 02/04/2013
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