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04/10/2015

Ha ! La mort des intellectuels...

sartre1.jpgLongtemps je me suis levé de bonne heure. De tous temps, même, en fait. Ca permet d'écouter la radio au calme. Ca permet aussi de subir Brice Couturier... Lequel, dans une déplorable chronique, nous explique somme toute que la France ne compte plus d'intellectuels digne de ce nom. Il égrène une liste de noms en déplorant qu'ils n'aient pas d'héritiers. BHL ne serait pas un nouveau Malraux. A l'évidence, et après ? Raymon Aron n'aurait pas d'héritier ? Encore heureux que personne n'ait cru bon de déverser un tel flux d'eau tiède sociologique... Emmanuel Todd ou Eric Fassin, en revanche, sont de sociologues de bien meilleure facture. Plus loin, fier de ses petits symboles, Couturier nous explique que Bourdieu n'est pas Sartre. Et là, je rigole...

Je rigole parce que j'adore Sartre le romancier, mais si sa philosophie a inspiré nombre de disciples et de groupies : combien d'intellectuels se revendiquent aujourd'hui de lui ? Quel livre d'idées a marqué des générations ? Peu.  Il fut l'intellectuel systémique, écrivant, parlant, manifestant, pétitionnant et soutenant... Incontournable pour agiter la vie intellectuelle, pour l'animer mais pas forcément pour la produire lui même. Un homme de réseaux, auteurs de beaux livres, de belles pièces, mais son existentialisme, aujourd'hui, qui le porte en étendard ? Bourdieu, en revanche, avec son oeuvre touffue, mafflue, a des disciples en pagaille, en France et partout dans le monde. Cinquante ans après leur parution, Les Héritiers fascinent toujours. Trente ans après, La distinction reste une référence indépassable pour nombre d'intellectuels. Et bien d'autres livres encore. Ne pas reconnaître cela nécessiterait une mauvaise foi intellectuelle à toute épreuve. 

On pourrait prendre le même comparatif pour tous les intellectuels, mais nous sommes dimanche et je préfère m'épargner cette fastidieuse activité, m'enfin j'espère que vous serez d'accord que s'il y a parfois des époques plus flamboyantes que d'autres, plus riches et plus prolixes que d'autres, mais ce postulat qu'il n'y a plus d'intellectuel "à la hauteur" est navrante et rappelle surtout que nous nous entêtons sottement à mettre le passé sur un piédestal. Dans la 7ème fonction du langage, le romancier Laurent Binet tue - littéralement et symboliquement - les derniers "grands maîtres" mort dans les années 80, juste avant la chute du Mur de sorte qu'ils n'eurent pas à constater de leur vivant la mort des idéologies. Ce coup de pied de l'âne fut plus que salutaire, mais nombre de critiques médiocres préfèrent y voir une impuissance du jeune auteur à égaler ses glorieux aînés... Quelle connerie... L'admiration n'implique pas la déférence, pour le dire d'une formule. On peut aduler l'intellectuel Bourdieu et ne pas abonder à tout ce qu'il fait pour composer un personnage de grand intellectuel de gauche critique hermétique aux médias dominants.

Sincèrement, qui peut croire qu'il n'y a plus d'intellectuels flamboyants en 2015 ? Lordon, Piketty, Esther Duflo, Françoise Héritier, Norbert Alter, Alain Erhenberg, Réjane Sénac, Alain Supiot, Yann Algan et maints maints autres. Au fond, ce débat qui revient très -trop- souvent est à peu près aussi navrant que le manque de respect des jeunes pour l'autorité et le travail. On peut juste déplorer que France Culture y ait consacré une matinée... 

Commentaires

Sartre, c'était madame Bovary.

Écrit par : Lapinos | 04/10/2015

Pitié pour Sartre !

Il est un peu facile de l'accabler ...

Il s'est , certes , dispersé , a trop écrit et parlé ; s'est souvent trompé ; n'était pas particulièrement sympathique , n'a pas toujours bien traité ses femmes , pas même Simone ...


Je ne manque pas de le lui dire ( sans agressivité ) quand , en voisin , je lui rends visite au cimetière Montparnasse .

Plutôt que de lister ses défauts et bourdes , il faut voir en lui une sorte de monument incontournable ; son époque ne serait pas ce qu'elle a été s'il n'avait pas existé

Ne peut-on en dire autant de Victor Hugo , de Voltaire ( celui-ci , certes moins couvert de femmes et les traitait moins mal ) ?

Le seul reproche que je le lui fais : il a peut-être empêché Simone de Beauvoir de se développer pleinement ; des deux , le "grand homme , c'est sans doute elle , non lui .

Une des raisons pour lesquelles je les critique peu : il n'était pas toujours facile , en leur temps , d'être "bourgeois" en ne l'étant pas trop mal .

Ce n'est plus le cas aujourd'hui : le bourgeois intello vit dans la société , comme un poisson dans l'eau ; il a mille façons de gérer sa mauvaise conscience
( psy , parti extrémiste , jogging , engagement humanitaire, plateaux de télé etc. )


----pour "Lapinos " : plaisanterie sympathique , mais avez vous vraiment lu Emma Bovary ? et Sartre ?

Écrit par : cospérec | 20/10/2015

Je ne peux parler pour Lapinos, mais pour Sartre, c'est juste la référence à Bourdieu qui m'avait exaspéré...

Écrit par : Castor | 20/10/2015

C'est moi qui ai tort de plaider avec autant de véhémence la cause de Sartre , n'ayant pas été de la " famille" ...

Je comprends ton exaspération et la blague de " Lapinos"

Quant à Beauvoir , l'autre " Castor" , je n'ai eu avec elle , naguère et presque jadis , à l'approche de sa fin de vie , qu'une brève conversation de ...bistrot , ; Une pauvre grande dame en détresse qui m'a fait pitié et que je ne savais comment aider sans l'indisposer .

Écrit par : Cospérec | 20/10/2015

CEUX QUI ONT CHANGE LEMONDE

De mon temps , les " intellectuels" étaient d'une autre dimension :

Montesquieu ,Voltaire , Diderot ,Condorcet , et même moi ,JJ, le plus petit de tous , débarquant à Paris avec son baluchon

Et ils étaient polyvalents , tel le couteau suisse : à la fois philosophes , conteurs, romanciers , dramaturges ( le Mahomet de mon vieil ennemi Voltaire ... ) ; on ne s'enfermait pas dans une spécialité

Ils prenaient des risques , ne respectaient aucun tabou ; plusieurs d'entre nous ont fait de la taule ...

Et ils étaient lisibles ! ( même moi ! )

Leurs lecteurs on changé le monde : la grande Révolution !

Vos " intellectuels" et leurs lecteurs n'ont accouché que d'une souris : la comédie de 1968 ...

Prenez de la graine !

Écrit par : Jean-Jacques | 21/10/2015

"La comédie de 1968 " ; c'est vite dit : tout ou presque tout ce qui fait notre présent et préfigure notre avenir en procède .

Propos typiquement réactionnaire , comme le fut au XIX è siècle le procès fait à la grande Révolution .

Écrit par : Johanna | 24/10/2015

"La comédie de 1968 " ; c'est vite dit : tout ou presque tout ce qui fait notre présent et préfigure notre avenir en procède .

J'approuve , sans m'interdire d'exercer un droit d'inventaire ; contrairement au cochon , tout n'y est pas bon .

Écrit par : Bernard Kouchtard | 24/10/2015

" La comédie de 1968 " dites -vous ...

Je n'en étais pas ( ni vous ) , mais tout de même ! tout ou presque tout ce qui fait notre présent et prépare notre avenir en procède .

La mise en cause systématique et sans nuances de cette révolution est un thème typiquement réactionnaire , comme le fut la critique récurrente , tout au long du XIX è siècle , de la grande Révolution : Taine et autres , menant à Maurras et à Zemmour ...

Johanna ( qui ne vous veut aucun mal, soyez-en assuré )

Écrit par : Johanna | 26/10/2015

" La comédie de 1968 " dites -vous ...

Je n'en étais pas ( ni vous ) , mais tout de même ! tout ou presque tout ce qui fait notre présent et prépare notre avenir en procède .

La mise en cause systématique et sans nuances de cette révolution est un thème typiquement réactionnaire , comme le fut la critique récurrente , tout au long du XIX è siècle , de la grande Révolution : Taine et autres , menant à Maurras et à Zemmour ...

Johanna ( qui ne vous veut aucun mal, soyez-en assuré )

Écrit par : Johanna | 26/10/2015

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