05/11/2016
1 seul responsable politique en France ?
La primaire de droite fait ressortir plus que jamais la faiblesse de nos institutions : hier soir encore, un certain nombre de responsables de premier plan nous ont benoîtement expliqué qu'ils n'ont jamais été "les patrons" de rien... Au palmarès des "j'ai rien pu faire" JF Copé arrive sans conteste en tête (de mule). Dès qu'on lui pose une question sur les mesures prises par la droite lorsqu'il était ministre ou porte-parole, sa réponse est immuable : "je n'étais pas aux manettes". Avec variantes "il ne vous aura pas échappé que je n'étais pas le patron, alors".
Avec la parution du livre "un président ne devrait pas dire cela", on a la confirmation crue de ce que l'on savait déjà depuis longtemps : le "domaine réservé" du président de la République est une fable, sachant que ce dernier aime plutôt à se réserver la part du lion et s'attaquer à tout ce qui concerne de près ou de loin ses marottes. Dans le cas de François Hollande, le football est au coeur de ses passions et sans doute le domaine dans lequel il possède le plus d'expertise. On a ainsi pu lire qu'il a pris son téléphone pour sauver Canal +, au mépris le plus élémentaire de la séparation des pouvoirs, de l'impartialité des appels d'offres et aussi, des institutions car si un responsable publique avait du se mêler de ce marché, il s'agissait de notre ministre des sports, Thierry Braillard. Mais qui connaît Thierry Braillard ?
Le péché originel et paradoxal, c'est le quinquennat. Originel parce qu'avec l'accélération de la vie politique qu'il induit et l'alignement des législatives qui évite les montages baroques de cohabitation, le Président est plus au centre du jeu que jamais. Paradoxal dans la mesure où, sans faire de procès sur les personnes, les Présidents de la République actuels ont moins de pouvoir que leurs prédécesseurs. L'accroissement de l'emprise européenne sur les finances françaises et nos textes de lois réduisent considérablement les pouvoirs de l'actuel locataire de l'Elysée. Sans modification de nos rapports avec Bruxelles, les dogmes de 3% et 60% sur nos déficits régentent tout, notre modèle social, salarial, notre politique de santé et culturelle sont regardées à la loupe par la Commission qui s'assurent qu'il ne vous vienne pas l'idée saugrenue de recréer une exception comme les intermittents (que Bruxelles rêve d'exterminer car non conformes aux dogmes libéraux).
Or, aucun des candidats de la primaire de droite, pas plus Juppé que les autres, ne parle des institutions. Heureusement, dans la mesure où dans une famille politique bonapartiste, les reprises en mains institutionnelles se font rarement dans un sens collectif, mais au contraire dans une logique de culte du chef. Les démocraties illibérales pullulent dans le monde, de Poutine à Erdogan, et l'on voit bien la tentation, chez Trump, de s'asseoir sur les contre-pouvoirs et autres intermédiaires. Sarkozy et sa détestation des corps intermédiaires s'inscrit dans la même logique. Nous voilà donc réduits à commenter des démocraties où le pouvoir se concentre davantage dans les mains d'un homme. Le principal contre pouvoir politique étant les médias, lesquels subissent la même vague concentrationnaire, on sent bien dans quel sens tourne la roue. Ce, alors que l'aspiration aux Communs, au "faire ensemble", domine les agendas des conférences et les tables de librairies. Un nouveau grand écart ou grande fracture de plus : tout un pan qui aspire à s'émanciper d'une histoire de domination et de soumission au dogme d'une parole unique, mais collectivement, nous nous résignons comme toujours à suivre la bonne parole d'un bonimenteur unique. Nous sommes vraiment des veaux, comme disait un bonimenteur costumé célèbre...
10:47 | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
"Le principal contre pouvoir politique étant les médias, lesquels subissent la même vague concentrationnaire"
" concentrationnaire" ? terme peu opportun en l'occurrence .
Écrit par : ....Léna ... | 05/11/2016
"La primaire de droite fait ressortir plus que jamais la faiblesse de nos institutions" :
Ces institutions tiennent assez bien le coup depuis près de 60 ans au prix de quelques modifications qui ne touchent pas à l'essentiel .Miittterrand s ' y est très bien adapté , lui qui les avait si sévèrement critiquées ; Hollande lui -même ...
Écrit par : ....Solon ... | 05/11/2016
" au mépris le plus élémentaire de la séparation des pouvoirs, de l'impartialité des appels d'offres et aussi, des institutions "
Lesquelles ne sont donc pas si mauvaises que ça ; un peu de cohérence , svp cher Castor !
Écrit par : ....Saint-Thèse | 05/11/2016
" le "domaine réservé" du président de la République est une fable"
Concept et formule attribués à de Gaulle , sans doute à tort; s'il a pu y faire explicitement référence , ce dont je ne suis pas certain ( à vérifier) , ce ne peut être que dans le contexte très particulier des débuts de la Vème : Algérie, OAS , difficultés avec l'Alliance Atlantique
En fait , de Gaulle intervenait peu au -delà de ce domaine et il n'a jamais rien fait ni dit qui pût nuire à l'autorité des ses premiers ministres
Écrit par : ....J Mentor.. | 05/11/2016
"le Président est plus au centre du jeu que jamais." , trou noir plutôt que " centre" , avec Hollande
Écrit par : ....Ravachol.. | 05/11/2016
" dans une famille politique bonapartiste" : rengaine des commentateurs patentés : un sensibilité " orléaniste" ( si l'on tient à ce vocabulaire réducteur ) est aussi très présente à droite et le " bonapartisme" est , aussi , bien représenté à gauche
Écrit par : ....Zénon | 05/11/2016
"Le péché originel et paradoxal, c'est le quinquennat" :
" péché " qui n'est pas "originel" ; innovation relativement récente , je doute que vous l'ignorez , cher Castor, même si l'histoire ne semble pas être votre tasse de thé ..
Écrit par : ....B Barbara | 05/11/2016
" Dans le cas de François Hollande, le football est au coeur de ses passions et sans doute le domaine dans lequel il possède le plus d'expertise"
" expertise " ? pas évident ; c'est un sujet que je connais un peu
Ce qu'il en dit fait rigoler les connaisseurs ...
Écrit par : ....Pépé Castor ... | 05/11/2016
"si un responsable publique avait du se mêler de ce marché, il s'agissait de notre ministre des sports, Thierry Braillard. Mais qui connaît Thierry Braillard ? "
Ce ministre ne peut s'en "mêler"
qu'en tant que tuteur des fédérations sportives et dans la mesure où le droit ne serait pas respecté .
S'il est peu connu ( ce qui importe peu ) c'est parce qu'il est placé sous l'autorité d'un ministre aux dents longues ( P K ) qui monopolise à son profit les apparitions dans les médias et y intervient à tort et à travers .
A ma connaissance , T Braillard maîtrise bien ses dossiers et est plutôt apprécié dans le milieu sportif comme dans l'administration
Écrit par : ....J Mentor ... | 05/11/2016
"je doute que vous l'ignorez , cher Castor"
( Barbara ) : "ignoriez " conviendrait mieux ; mais peut-être ignore -t-on le subjonctif dans votre fac du bout du monde ...
Écrit par : ...Pépé Castor .... | 06/11/2016
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