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10/12/2016

PISA, Dorian Gray du temps politique

dorian-gray-5.jpgJeudi, les conclusions du rapport mondial sur l'éducation, PISA, ont été publiés. Comme chaque année, la France se distingue, hélas, par une aggravation des inégalités nous faisant vraiment basculer dans une société où le destin se joue de plus au berceau, pour reprendre l'expression de Camille Peugny. Gavée aux éléments de langage et habituée à la communication en flux tendus, la cellule riposte de François Fillon n'a pas manqué de descendre en flèche l'action de Najat Vallaud-Belkacem. En omettant, que ce que Pisa a sanctionné jeudi, c'est le bilan éducatif du quinquennat Sarkozy...

Evidemment, les élèves de primaires qui viennent d'être évalués sont nés il y a entre 6 et 10, donc alors que Nicolas Sarkozy était président et avait eu des idées incroyablement brillantes comme mettre un DRH de l'Oréal à la tête du ministère de l'Education Nationale et encourager la réussite éducative en supprimant 80 000 postes de profs au moment où notre démographie voulait que nous ouvrions des classes...

Ce quinquennat aura mis fin à la saignée et même, relancé un certain nombre de recrutements. Pas assez, pas assez dans les ZEP ce qui ne laisse pas augurer d'un rebond spectaculaire sur le terrain des inégalités, mais un certain nombre de recrutements tout de même. Une augmentation du salaire des profs en fin de quinquennat, insuffisante elle aussi mais notable tout de même, est une tentative louable et assurément nécessaire de revaloriser le métier de professeur. A vrai dire, il est tout bonnement inconcevable d'aller à l'encontre de ce mouvement : dans une économie où la connaissance joue un rôle de plus en plus cardinal, ne pas investir dans l'éducation de tous est une forme de suicide collectif. Or, le programme de François Fillon entend à nouveau casser la dynamique à l'oeuvre... Ce qui n'empêche pas que Fillon élu en 2017 d'engranger des résultats internationaux prometteurs : les résultats PISA allant jusqu'à 2022 devraient marquer une inversion de la courbe dépressive et souligner les progrès de la France. Progrès liés au quinquennat Hollande... 

Je suis peu suspect d'emballement hollandais, d'extase socialiste, mais là n'est pas le sujet. Je crois sincèrement qu'on devrait repenser notre rapport au temps politique à l'aune de nos réactions à PISA. Car la dénonciation des équipes fillonistes recèle plusieurs possibilités : soit ils n'ont pas compris le fonctionnement des résultats et l'analyse produite. Tant de stupidité à ce niveau de l'état serait inquiétante. Soit ils ont très bien compris, mais espèrent que les électeurs tomberont dans le panneau et seront d'accord pour accabler le bilan actuel et chanter les louanges éducatives en 2019 d'un gouvernement qui fermera des classes. Tant de cynisme et de mépris électoral serait proprement dégueulasse. Hélas, à moins d'être soi même complètement truffe, il ne fait nul doute que c'est la seconde option.

PISA c'est Dorian Gray, un portait fictif de la vie politique française où certains veulent lire une jeunesse sur un corps en réalité ravagé. Mais PISA souligne surtout et plus globalement notre ambiguïté à l'égard du temps long en politique : il en va de même pour notre rapport à l'emploi (ou au chômage, c'est selon), l'industrie, le changement énergétique et aux autres décisions qui exigent un temps très long. Cyclique, au-delà de la durée d'un mandat. A contrario, les taxes et mesures fiscales sont, elles, instantanées, d'où l'appétit qu'elles suscitent chez les commentateurs. Peut-on mettre fin à cette inconséquence ou cette courte vue ? Assurément pas avec nos institutions. Cette maladie du court termisme est alimentée par la professionnalisation du politique : tant que chacun pèse ou soupèse ses arguments à l'aune de sa réélection, nous sommes perdus. Seule une limitation des mandats dans le temps, seul l'idée de venir servir pour une mission circonscrite à son mandat peut garantir le temps long. François Hollande a fait un premier pas en renonçant à se représenter, pourquoi pas tenter un coup de poker sur le crépuscule du quinquennat en tentant de faire passer une réforme institutionnelle qui servirait les générations suivantes. Sa popularité n'en serait que renforcée et il pourrait partir en retraite avec un sentiment de devoir accompli. Noël approche, cette période est propice aux rêveries folles en enfantines. Ne nous en privons pas.