Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/02/2017

Hamon/Macron, les candidats faux-semblants

Poesie-Faux-Semblants.jpgLe cardinal de Retz n'a pas pris une ride, "on ne sort de l'ambiguité qu'à ses dépens". Cette maxime, souvent employée par Mitterrand rappelle que les français se plaignent souvent de la mollesse des propositions politiques qui leur sont offertes, mais au fond, ne votent pas pour autant pour une révolution.

D'où l'importance pour les impétrants à l'Elysée de ne pas trop déconner et de surtout, rester sibyllins. Une "qualité" qui manque cruellement à Jean-Luc Mélenchon, transparent en diable, d'où sa capacité étonnante à se faire crucifier par tous les opposants. Ses soutiens, ses amis, ses amours, ses emmerdes, tout est connu et mis sur la place, ce qui nourrit le feu de ses adversaires. Quid de ses deux concurrents, dans le camp de ceux qui ne se revendiquent pas de droite ? 

Pour Hamon, les semaines à venir vont le pousser à clarifier beaucoup de choses. Il a fait une très belle campagne dans la primaire, mais il a profité de la détestation gouvernementale profonde pour s'adresser à ceux qui voulaient plus de gauche. Pour autant alors même qu'il a la main sur la commission d'investiture, il n'a pas enlevé leurs investitures aux législatives à Myriam el Khomri, auteure de la loi éponyme, à Manuel Valls, 1er ministre jusqu'il y a un mois et coupable du Pacte de Responsabilité et autres horreurs et Bruno le Roux, actuel ministre de l'intérieur mais surtout cerbère des députés PS pendant 4 ans et Javert des députés frondeurs à l'encontre desquels il a employé des méthodes que n'aurait pas réprouvé Beria. L'attente de ceux qui ont pour Hamon est de changer de système, changer de logiciel, changer de ligne que sais-je, mais changer. Comment peut-on prétendre incarner autre chose avec les mêmes têtes ? Les mêmes responsables à qui l'on donne à nouveau des circonscriptions imperdables donc des mandats élus pour cinq ans supplémentaires. Franchement, tous élus depuis dix à vingt cinq ans (pour le Roux et Valls) ils ont largement fait preuve de leurs limites et leur mise en retrait de la vie politique n'avait rien de choquant, rien de méchant. C'était le minimum pour montrer des velléités de changement. Réponse de Hamon "je ne suis pas la pour couper des têtes". Ho le sophisme ! Ho la bassesse. Personne ne parle d'une révolution, juste de clarté. Idem pour le CETA, traité de libre échange, Hamon se déclare contre, Cazeneuve pour et désormais silence gêné du candidat. Logique, Hamon a trente ans de PS, de MJS et de magouilles de congrès dans les pattes, pas demain la veille qu'il va changer ça. Je comprends qu'un militant PS, lors de son congrès, veuille tenter une dernière fois de mettre un coup de barre à gauche. Mais ça n'ira pas plus loin que ça et le bateau PS n'est guère fringuant, refuser de voir ça c'est avoir l'optimisme du capitaine du Titanic devant l'iceberg. Camarade Hamon, chez Mélenchon comme chez toi ils savent compter : pour aller au second tour, il faut alliance. Mais pour l'alliance, les mots ne suffisent pas il faut des preuves d'amour et tu ne les donnent pas alors que tu as les cartes en main. Dommage. 

Et puis donc il y a Macron. Son programe évoque une phrase d'Einstein "on ne résout pas les problèmes avec les modes pensée qui les ont engendrés". Rappelons-nous de l'opposition farouche de Montebourg à la reprise de SFR par le patron d'Altice, Patrick Drahi. Inflexible, le ministre du redressement productif avançait des arguments de bon sens sur la casse sociale promise si le dépeceur en chef mettait la main sur l'opérateur. Soutien des syndicats, des connaisseurs du dossier, personne ne voulait d'un plan social d'une violence inouïe et préférait les autres options mises sur la table. Exit Montebourg, remplacé par Macron dont une des premières décisions est de donner son feu vert à cet infâme rachat. Depuis, Drahi est un soutien de Macron et un soutien actif puisque son hebdo l'Express a consacré des unes à la limite de la pornographie pour soutenir le fondateur d'En Marche. Idem pour les autres médias du groupe (BFM, RMC, même Libé n'est pas vent debout contre le banquier, comme il devrait l'être...). Ca n'est pas excessif de demander à Macron de clarifier la question de ses soutiens. Surtout quand, en octobre dernier, le banquier en chef de Drahi, ancien de Morgan Stanley et spécialiste des fusions acquisitions dégueulasses, Bernard Mourad, démissionne pour rejoindre En Marche, on est quand même en droit de poser des questions sur cet engagement...

On le laisse répondre benoîtement, ridiculement, qu'il n'est pas responsable des personnes qui soutiennent sa démarche. Mais tout de même, ce brave garçon qui n'a pas de parti et donc pas de financement classique aime à raconter qu'il vit "avec ses droits d'auteurs et la retraite de sa femme". Ce côté Mimi Pinson, cette narration type "voisin de palier je suis comme vous" est exaspérante. Macron touche jusque fin mars son indemnité d'ancien ministre (pendant six mois, comme tout ministre, et c'est bien normal) et pour les droits d'auteurs, on repassera, son éditeur ne cache pas lui avoir avancé 200 000 euros. De quoi se permettre un dessert ou un deuxième café, pécaïre ! Donc, le fait d'avoir des soutiens financiers pourris jusqu'à la moelle de conflits d'intérêts, c'est gênant. Non, recevoir le soutien de Pierre Bergé, de Xavier Niel, d'Alain Minc, ça n'est pas neutre. Laurent Mauduit retrace dans "main basse sur l'information" comment Emmanuel Macron a servi de petite main, de saute ruisseau de luxe, d'informateur pour Alain Minc lors du rachat du monde. Comment ce type, l'incarnation la plus absolu d'un rond de serviette aux dîners du Siècle, lui qui, à moins de 40 ans tutoie l'ensemble des patrons du CAC 40 et de des grands médias ose des énormités comme "il y en a marre d'avoir toujours les mêmes têtes à la télé". Dans ce cas-là, rompt avec Attali, Minc, Bergé, Niel, Cohn-Bendit, cow-boy ! L'indépendance, ça se prouve et là, c'est raté.

Plus les jours passent, plus je vois cette enflure ultra libérale arriver à l'Elysée. Il va juste décupler les horreurs des dernières décennies puisqu'un seul mantra économique trouve grâce à ses yeux : la dérégulation. En tant que travailleur indépendant gagnant bien ma vie, je suis le coeur des cibles des propositions de Macron. Il va me soulager du RSI, m'octroyer de confortables baisses d'impôts et me permettre d'avoir droit à un chômage que je n'ai jamais demandé le jour où je voudrais baisser le pied. Voilà ce que c'est le programme de Macron, encore plus pour les quelques % de gagnants de la mondialisation heureuse. Pour le lumpen et sauver la planète, il faudra repasser. C'est écrit noir sur blanc dans son programme et quand je vois qu'on ne l'interroge pas là-dessus, les mots me manquent. Bourdieu nous dirait de regarder du côté des champs sociaux, de voir que Léa Salamé, David Pujadas, Christophe Barbier ou Jean-Jacques Bourdin, ceux qui interrogent au quotidien Macron ne sont pas, à proprement parler, des perdants de la mondialisation et qu'à ce titre, ils parlent de ce qu'ils voient. Le monde depuis leur fenêtre qui est sans doute une baie vitrée sans vis-à-vis. Et on s'étonne que la réalité soit floue...