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24/04/2018

Pour une jurisprudence Spiderman renforcée

Comme j'aimerais qu'enfin, la phrase de l'oncle de Peter Parker soit entendue : "with great power comes great responsibility". Et qu'enfin, dans un monde d'hyperpuissance, on puisse l'étendre à son volet judiciaire : avec de grosses culpabilités doivent venir de grosses sanctions.  

Interrogée sur l'obsolescence programmée, ce crime contre la planète, le coeur de son portefeuille ministériel, la secrétaire d'Etat Brune Poisron botte en touche. à ce sujet Plutôt que de sanctionner ceux qui se comportent mal, il faut encourager et féliciter ceux qui se comportent bien.... Surtout, ne pas infliger de peine à ceux qui mentent, bidouillent leurs rapports annuels et RSE, maquillent leurs pratiques pour continuer à polluer et détruire la planète comme si de rien n'était... 

Combien de Dieselgate, de Lactalisgate, de Rana Plaza faudra-t-il pour qu'enfin les responsables de ces organisations aillent en prison et envoient un message aux actionnaires desdites compagnies ??? A quand des vraies sanctions, pas des remontrances ? On a beaucoup glosé sur la transpiration et la voix chevrotante d'un Mark Zuckerberg malmené par des membres du Congrès. D'accord, d'accord, il a été interrogé très librement et très directement par des parlementaires américains, soit. Mais derrière ? Est-ce que Facebook payera une amende record ? Vont-ils, ne serait-ce que stopper leur politique d'optimisation fiscale ? Plus directement par rapport à ce qui leur est reproché : Facebook va t'il renforcer la transparence sur les données qu'ils collectent, sur la manière qu'ils ont de les collecter ? Réfléchissez bien avant de répondre, prenez votre temps, mais la réponse tient en 3 lettres et commence et finit par un "n"... 

Là où tout le discours dominant s'effondre d'un coup, c'est justement au nom du fait que la rémunération des dirigeants a explosé, littéralement explosé depuis les années 80 au titre de la "responsabilité". Ils disent vouloir "assumer". Mais ils n'assument rien du tout. Fidèles en cela à la jurisprudence Georgina Dufoix qui a réussi à merveille à scinder en deux responsabilité d'un côté, culpabilité de l'autre...  Et on ne sortira pas de la crise de responsabilité sans sanction fortes. A des actes criminelles, on impose des sanctions fortes pour pousser à un changement de pratiques. Ce qui vaut pour les assassins vaut pour ceux qui assassinent la planète.

On connaît l'adage "un patron qui parle économie c'est de la pédagogie. Un syndicaliste qui parle économie, c'est de la démagogie". On voudrait prolonger en disant "demander à ce qu'un petit délinquant aille en prison, c'est de la pédagogie. Exiger d'un grand patron délinquant qu'il aille en prison, c'est de la démagogie". Tous les responsables politiques du cercle de la raison, dans leur écrasante majorité, sont sur cette ligne. Ils trouvent toujours des circonlocutions, des périphrases, des contournements, pour expliquer, en somme "que c'est plus compliqué". Scooter volé = simple = prison. Morts = compliqué = pas sanction du tout...

Là où tout le discours dominant s'effondre d'un coup, c'est justement au nom du fait que la rémunération des dirigeants a explosé, littéralement explosé depuis les années 80 au titre de la "responsabilité". Ils disent vouloir "assumer". Mais ils n'assument rien du tout. Fidèles en cela à la jurisprudence Georgina Dufoix qui a réussi à merveille à scinder en deux responsabilité d'un côté, culpabilité de l'autre...

Pour faire passer la pilule, Dufoix s'est assis sur ce qu'explique Thomas Frank dans "pourquoi les riches votent à gauche" : les démocrates progressistes américains, de Clinton à Obama ont trahi la gauche en prétendant que la complexité leur imposait leurs décisions antisociales : fin du Glass Steagall Act mettant fin à la séparation banques de dépôts / banques spéculatives chez Clinton au nom de "la complexité". Loi Dodd Frank peu contraignante pour les banques après la crise de 2008 chez Obama au motif qu'on ne pouvait pas faire mieux à cause de "la complexité". La complexité, est une périphrase pour masquer l'absence de volonté d'enquiquinner ces petits amis : il suffit de regarder les émoluments et les postes occupés par les ex de l'administration Clinton et Obama pour comprendre. Apointés des millions de $ pour vendre leurs services à Goldman Sachs, Citigroup, Uber, Amazon et Google... Toutes entreprises dont les crimes restent toujours impunis. Heureusement pour eux qu'ils n'ont pas volé un scooter. Ça ça serait grave... Spiderman, reviens, ils sont tous devenus fous ! 

21/04/2018

Les individus n'existent pas

Qui oserait proférer une chose pareille, aujourd'hui ? Pas grand monde. Pourtant, il y a urgence à prendre le contre pied culturel de Margaret Thatcher, laquelle avait déclaré en 1987 (alors qu'elle était encore premier ministre):"Nous sommes arrivés à une époque où trop d'enfants et de gens (...) rejettent leurs problèmes sur la société. Et qui est la société? Cela n'existe pas! Il n'y a que des individus, hommes et femmes, et des familles".  

Nous sommes alors à la fin de la guerre froide et la peur du rouge, qui devrait être réservée aux bêtes à cornes comme disait Victor Hugo, faisait dire n'importe quoi aux libéraux. Trente ans après, cette phrase est le mantra non seulement de canards conservateurs, Le Figaro expliquant les inégalités scolaires par un manque de volonté d'intégration des enfants d'immigrés, mais aussi des canards supposés être plus ouverts. Quand ils traitent de sujets plus marqués à gauche comme l'ESS, l'économie sociale, ils mettent en avant des entrepreneurs et exhortent d'avantages d'individus animés par une fibre sociale... La prévention en santé reposerait sur le bon vouloir des individus. Pensez à manger vos cinq fruits et légumes, à pratiquer une activité sportive régulière, à ne pas manger trop gras, salé, sucré...Ad lib. Peu importe que les inégalités sociales face à l'obésité et autres explosent, le problème c'est l'individu, mais il faut l'enrober. On n'écrit pas encore "les pauvres se complaisent dans la graisse", mais on le pense un peu, hein. C'est de leur faute, ils préfèrent Burger King au quinoa...

Idem pour l'écologie, où l'on exhorte les individus à couper l'eau pendant leur brossage de dents, faire pipi sous la douche et trier ses déchets. Les quartiers chics ont des poubelles jaunes qui débordent sans penser qu'un bon déchet est un déchet qui n'existe pas... Sans penser que 90% des émissions de CO2 sont dus aux 10% les plus riches qui voyagent sans cesse, consomment des équipements informatiques énergivores... Le bilan carbone des zadistes est autrement plus modestes... Plutôt que de regarder, collectivement, pourquoi notre mode de production est suicidaire, on préfère conscientiser les individus sur leur petite tâche personnelle... Misère. 

Je me souviens d'un échange avec le fondateur du magazine Socialter qui me disait avoir beaucoup réfléchi à la manière d'illustrer ses couvertures : des idées ou des visages ? Il penchait pour le premier, il a choisi, par confort et par facilité, la seconde... Voilà bien la défaite absolue : opposer aux libéraux, des armes de libéraux. A Bill Gates, on voudrait opposer Yunus. Hérésie... Yunus, ou Ostrom, Esther Duflo, travaillent sur les causes sociales, collectives, des problèmes sociaux et les façons collective de les résoudre. Puisse-t-on les lire plus. 

De toutes les batailles culturelles perdues par la gauche, celle de l'individualisation est sans conteste la défaite la plus cinglante. Régis Debray nous dirait en bon médiologue que l'évolution des techniques de communication a parachevé cette noyade : chacun devenant son propre média par Instagram, Twitter et Facebook interposés, les égos individuels rayonnent comme jamais auparavant. Les anonymes et collectifs existent toujours bien sûr, mais ils relèvent plus de la marge que de la norme...

Les institutions politiques ne nous aident guère, non plus. Avec notre hystérisation politique autour de la présidentielle aggrave notre cas. Or la figure du messie est toujours moisie. De Jésus à Staline, il n'y a pas de sauveur suprême. Lors de la campagne 2017, nombre d'amis voulaient me rassurer sur En Marche en me citant quelques individualités "de gauche" ou hyper sociales rejoignant le camp. Et alors ? L'Abbé Pierre pourrait être en marche, le projet (prononcez proooojeeeeet) resterait libéral, facteur d'explosion d'inégalités et tutti quanti. Il faut être naïf, crétin ou un peu les deux pour ne pas le voir.

Pour les législatives, le collectif #Mavoix avait tenté de faire valoir une alternative non personnalisée, décentralisée et collective. Quantitativement, échec retentissant. Dans les urnes, peu de bulletins. Mais dans les têtes ? Pour avoir assister à nombre de réunions, le phénomène était systématiquement le même pour ceux qui découvraient : étonnement / sidération teintée d'une légère moquerie, puis tentative de comprendre et prise de conscience des failles gigantesques d'un système actuel relevant plus de la monarchie élective que de la démocratie. Nombre de facteurs court termistes, utilitaristes, pragmatiques, expliquent l'échec dans les urnes. Mais dans les têtes, la graine du doute est là...

Je ne crois pas aux individus. Pas isolés. Pas tels qu'on nous les raconte. Les mots de cette note sont les miens, mais ils sont aussi le fruit d'une enfance où les livres envahissaient les murs, où les invités à la table parentale avaient tant de choses à raconter dans de nombreuses langues. Les mots de cette note me viennent plus facilement pas seulement parce que j'aime les manier, mais parce que je fus élevé en ce sens. 

Les dominants refusent avec Thatcher de croire en la société car cela diminue leur "mérite". Michel et Augustin préfèrent dire qu'ils ont commencé dans leur cuisine, c'est plus méritoire. Plutôt que d'avouer que l'un des deux était le petit fils du fondateur de la BNP, ce qui facilite l'obtention d'un premier prêt.... Les dominants n'aiment pas admettre qu'ils avaient la course tellement facilitée à la base. Tout leur discours repose sur des termes sélectifs, se berce d'une chimérique compétition sans voir qu'il est aisé de gagner une course de haies quand vos adversaires font la course en sac... Il n'y a que la vérité qui blesse, dit-on, les blessures narcissiques peuvent se soigner avec une belle introspection. Camarades dominants, commencez donc une analyse en ce sens : les individus n'existent pas, ça n'est pas la fin du monde pour autant, juste le commencement d'un nouveau monde.  

 

15/04/2018

Les riches n'auraient pas besoin d'un président, les cheminots et les zadistes, si ?

Ce soir, Emmanuel Macron aura sans doute droit à des questions plus irrévérencieuses et moins flagorneuses qu'avec JP Pernault, jeudi dernier. Espérons que ces contradicteurs reprendront aussi le Président sur ces assertions pour faire un bilan global de cette première année de quinquennat. Et sans surprise, la vision de société de Macron ressort clairement : volontarisme extrême pour que les plus fragiles rentrent dans le rang, laisser-faire total et dérégulation pour les plus privilégiés. Une hypertrophie du célèbre adage "fort avec les faibles, serviles avec les puissants". La première année de son mandat en est si grotesquement l'illustration que ça en est presque désespérant.

Pour les retraités, qui ne peuvent plus compter sur leur force de travail pour augmenter leur train de vie, on ampute arbitrairement les pensions. Pour les étudiants, on flèche, sélectionne, rétrécit les possibilités d'avenir sans investir un euro supplémentaire à l'université. 

Pour les zadistes, dont l'immense majorité n'emmerdent personne, sont non violents, explorent juste des alternatives à la norme ? Des coups de matraque en prétendant ramener un ordre qui n'a jamais disparu. La violence avec laquelle on a envoyé un contingent énorme de CRS pour déloger ceux qui occupaient des terres dont nul ne voulaient, ou personne n'allaient, devrait nous interroger... Quelques propriétaires du coin voulaient les récupérer pour avoir "du bien" comme on dirait sous Balzac, mais guère plus. Aucune importance stratégique, vital, que du symbole fort : l'Etat a frappé. Bon...

Pour les étudiants de plus en plus inquiet dans une fac ultra paupérisée : sélection renforcée, obligée, horizons d'avenir restreints. Le drame du manque de moyens n'est pas pris en compte par le Président dans la réforme. Du tout. Ca n'est pas son bilan, certes, mais tout de même, il pourrait s'y atteler. Non, il préfère dire aux jeunes : rentrez dans le rang et essayez de me coûter moins cher. Engageante vision de l'avenir...

Pour les chômeurs, première victimes ? Contrôles renforcés. Nonobstant des enquêtes à répétition détruisant tout mythe des chercheurs d'emplois qui ne chercheraient pas et se contenteraient de glander et de toucher des allocs, on renforce les sanctions pour des victimes. 6 millions de personnes travaillent moins qu'elles le voudraient. 3 millions sans emploi, 3 millions travaillant à temps partiel subi. Et on voudrait nous dire qu'ils en sont responsables ? Insane.

Pour les migrants, victimes d'horreurs économiques, climatiques ou militaires dans leurs pays d'origine, renforcement des sanctions et expulsions. Réécoutez Collomb se féliciter il y a peu du +30% d'expulsions en 2017 et dire ainsi que jamais de laxisme il n'y aura.

Et les cheminots, donc, dernier en date. Un statut qui prévoit 3 jours de congés en plus et une prime de 100 euros non justifié. Rien qui ne plombe les comptes sachant que le "surcoût" de ce statut ne coûte pas la construction d'1km de ligne à grande vitesse. On s'en fout, il faut un symbole. A genoux, cheminots ! Déprimant...

On le sait, le mantra de Macron, c'est "en même temps" et à une violence infinie avec les plus faibles il mêle, une douceur infinie avec les plus forts.

3,2 milliards d'impôts ôtés pour rien. Contre partie à la mort de l'ISF ? Aucune. Toutes les études montrent que cela n'incite personne à revenir. Personne. Pas plus que cela ne poussera les riches à investir. Non non. 3,2 milliards de pur cadeau à ceux qui sont si riches qu'ils ignorent de combien ils disposent. Pire, les ultra riches ne se montrent "généreux" que si la fiscalité y consent et maintenant que l'ISF n'est plus là, les dons aux oeuvres d'intérêt général, chutent. Indécent...  

Extension du CICE à l'heure où le bilan du quinquennat passé montre l'effarante nullité. 1 million d'emplois disait le pin's de Gattaz qui savait bien que jamais les sociaux-libéraux au pouvoir n'oseraient exiger de contreparties. Les plus optimistes disent que le CICE aurait crée 50 000 emplois, pour un coût par emploi environ 100 fois supérieur à chaque contrat aidé, contrats si précieux dans les collectivité que Macron s'empressait d'en supprimer 200 000... Le CICE crée pour empêcher les destructions d'emplois et dont le premier bénéficiaire est Carrefour, Carrefour qui par la voix suave d'Alexandre Bompard nous annonce qu'il va supprimer quelques milliers d'emplois sans rendre le CICE. Le beurre, l'argent du beurre et le cul des caissières sur le trottoir. Inouï. 

Un dernier truc, la loi PACTE de Bruno Le Maire qui reprend les propositions du patron de Michelin, JD Sénard et de l'ex taulière de la CFDT, Nicole Notat. Bel os à ronger pour les journalistes, on envoi les cautions de "gauche" du pouvoir (JM Borello, Christope Itier) dire qu'il s'agit d'une "révolution" puisque, mazette, on va "changer le code civil". Pensez un peu, deux siècles d'immobilisme sur la question et là, soudain, on va graver dans le marbre que les entreprises ont, tenez vous bien, "une responsabilité écologique et sociale" et que "les actionnaires doivent en tenir compte". Pétard de sort ! Y-a-t'il une once de contraintes, d'encadrement nouveau, d'obligation pour les entreprises ? Devront-elles limiter les écarts de rémunération entre PDG et salariés ? Devront-elles ne licencier qu'en cas d'obligation économique ? Devront-elles s'astreindre à une fiscalité écologique, punitive pour le carbone et incitative pour le recours aux énergies propres ? Que nenni. Rien, que dalle, wallou, peau de balle. Rien.

La réalité d'une injustice folle de ce bilan est là, à portée de clics, publiée froidement. Espérons que les deux porte-voix, ce soir, se feront l'écho de cette infamie.