04/09/2018
Commentaire des réformes : nous prendrait-on pour des truffes ?
Comme aurait dit Desproges à propos de Séguéla : de deux choses l'une, soit les commentateurs politiques nous prennent pour des cons, et ça m'étonnerait quand même un peu. Soit les commentateurs politiques ne nous prennent pas pour des cons, et ça m'étonnerait quand même beaucoup ? Le célèbre triple temps de la valse des gazetiers "on lèche, on lâche, on lynche" s'accélère follement depuis quelques décennies. Mitterrandôlatres jusqu'au bout (Jean d'Ormesson mis à part), désintéressés de Chirac, ils ne lâchèrent Sarkozy définitivement qu'à mi-mandat avec le discours de Grenoble de sinistre mémoire. Pour Hollande, les choses allèrent beaucoup plus (trop) vite, avec les efforts de l'intéressé qui ne comprit pas que répondre en direct à la télévision à une adolescente kossovare ne pouvait conforter son éthos présidentiel...
Pour Macron, les choses semblaient revenir à la normale. Franchement épris, à la limite de la fascination ou de la transe pendant la campagne, les commentateurs ont un peu prolongé la lune de miel. Soit. Après tout, que des médias à la ligne libérale soutiennent un candidat libéral, c'est dans l'ordre des choses. Ce qui l'est moins, c'est la violence du retournement de ces mêmes titres qui sont désormais à deux doigts de qualifier le président d'escroc, d'amateur, d'eau tiède ou de petit bras. Aberrant. Aberrant et franchement injuste, au fond.
Injuste car nombre de titres ont expliqué qu'il fallait des big bangs pour secouer les conservatismes comme mettre fin à l'ISF ou en finir avec des régimes spéciaux, des ordonnances sur le travail (moins 40% de litiges aux Prud'hommes depuis le vote de la loi, quand même) et bien sûr le scalp des cheminots à la SNCF. Macron y met fin, fit tout ce qu'il avait dit. En repensant au printemps dernier, imagine-t-on, comptabilise-t-on combien de dizaines de Une ont vanté, la bouche extatique, l'élan réformateur qui, enfin, touchait le pays ? Peut-on relire avec le recul de six mois et non soixante ans, l'urgence qu'il y avait à faire absolument cette réforme de la SNCF qui allait "tout" changer, car c'était "symboliquement énorme" cela prouverait que "la France pourrait bouger", que nous étions, enfin, entrés dans le concert de la modernité. Il y a à six mois à peine. Il y a six mois déjà.
Que nous disent les mêmes gazettiers aujourd'hui ? Roland Cayrol ou Bruno Jeudy par exemple, lâchent en choeur "les français réalisent que ça n'a aucune influence sur les transports, sur l'emploi, sur le pouvoir d'achat". A part de braves bardes comme Christophe Barbier pour dire que les retraités amputés du pouvoir d'achat pèsent peu car ils seront morts en 2022 ou Brice Couturier, peu de voix désormais pour chanter les louanges présidentielles.
Cette hargne qu'ils manifestent contre Macron mériterait un bien beau droit d'inventaire. Macron fait mot pour mot et au chiffre près ce qu'ils avaient jugé nécessaire pour relancer l'économie. La moindre des élégances serait de reconnaître que le président s'est trompé... mais eux avec. Il faut être deux pour danser le tango et quand on fait profession de tancer les responsables publiques aux manquements avec l'honnêteté intellectuelle, on doit s'appliquer la même sévérité.
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