Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/08/2018

Hulot de consolation

Soyons soulagés. Grâce à la démission d'Hulot lors de la matinale d'Inter, hier, des millions de "progressistes" vont enfin être forcés d'admettre que de même qu'une hirondelle seule ne fera pas le printemps, une personnalité écologique seule ne peut rien contre un collectif écosceptique. Après ça, tous les convertis au progressisme, tous ceux qui jonglent avec des concepts oxymoresques comme "croissance verte" et autres théories empreintes de wishfull thinking, comme on dit en bon français, feront profil bas. Impossible de claironner après un tel camouflet. 

Le très mauvais coup porté au gouvernement actuel me ferait volontiers sourire si c'était sur un sujet moins dramatique. Ce qui me navre, c'est que le grand vainqueur de cette démission est Nicolas Hulot. Il passe pour un martyr des lobbys qui a tout tenté, pendant juste assez longtemps pour dire qu'il a vraiment essayé et pas assez pour qu'on le taxe d'opportunisme type rejoindre la résistance en octobre 44. Très poli, à la limite de l'obséquiosité avec le binôme exécutif Président / Premier Ministre, il n'aura évidemment pas de campagne de dénigrement par la suite. Il pourra retourner dans sa maison de Saint Lunaire. Ou de Corse. Ou sa troisième villa. Au volant d'une de ses six voitures comme le dit sa propre déclaration de patrimoine. Bref...

Ce qui me chagrine, donc, c'est qu'il s'en ressort drapé de vertu et que tous les proches d'Hulot reprennent en coeur le couplet "les lobbys ont empêché la révolution verte". Comme s'il y avait eu des choses cachées dans le programme Macron 2017. Voilà comment ils s'arrangent avec leurs consciences. Ils maintiennent placer l'écologie au dessus de tout, mais bon, quand même la croissance, les week-end à l'étranger et changer de fringues chaque saison, c'est sympa. Il y avait deux candidats portant des programmes véritablement écologistes l'an passé. Deux. Hamon, Mélenchon. Point barre. Deux dont les équipes avaient fait un travail de dissection, d'analyse profonde des maux actuels de notre système de production et d'échanges. Je ne vais pas refaire pour la millième fois la querelle entre eux deux, mais si on croit que l'écologie est vraiment une priorité supérieure, il fallait voter pour l'un des deux. Tous ceux qui ont fait un autre choix ont sans doute leurs raisons, mais par pitié qu'ils ne brandissent pas l'écologie ! Soit ils sont crétins, soit ils sont cyniques.

Nous crevons de cette pensée magique qui dit qu'on peut concilier augmentation des échanges, de la production, des mouvements, dans un monde aux ressources finies. Point barre. La croissance verte et le capitalisme financier et en même temps responsable, à d'autres. Tout le monde le savait, l'an passé. Avant l'élection présidentielle, des collectifs d'ONG avaient évalué les programmes des candidats sur le critère écologique. Macron était dernier. Der-nier. A cause du CETA, des autres traités de libre-échange, des propositions de fiscalité énergétique, agricole... Macron ne veut aucune contrainte. Il est normal qu'il soit le plus écosceptique au moment de passer au tableau. Ceux qui ont prétendu le contraire en disant qu'il saurait agir avec pragmatisme sont complices de ce mensonge grossier qui a, hélas, abusé des millions d'électeurs. 

Il faut être deux pour danser le tango et la culpabilité des médias dominants dans le manque de conscience globale écologique est patent. Je ne fais pas d'acharnement personnel sur le cas de Léa Salamé, mais c'est elle qui lui posait des questions, hier. Elle lui a textuellement demandé "l'écologie c'est important, mais l'économie aussi. Il faut créer des emplois, lutter contre le chômage, non ?". Mesure t'on la gravité de ce genre de problématiques, répétées au quotidien ? Dans tous les médias dominants, on place l'écologie comme une "variable", une "composante", une teinte de la toile en somme, une rubrique loin de la Une. La question de Salamé est accablante de bêtise à double titre. Qu'Elkabbach et ses 80 printemps n'ait pas suivi l'évolution (Edgar Morin et Susan George sont octogénaires et activistes verts, hein, je ne fais pas de gérontophobie, je dis juste que le thème était moins présent il y a 40 ans...) passe encore, mais Salamé, dans quel monde vit-elle bordel ? 

D'abord, quand le dérèglement climatique aura rendu les terres infertiles ou perdues sous les eaux, des questions comme la dette ou le taux de chômage paraîtront dérisoires. Ensuite, pourquoi opposer les deux quand l'écologie nous oblige nécessairement, radicalement, à une autre économie ? Peut être moins forte pour le PIB, mais bien plus emballante sur le projet de société : qui donne des occupations à des millions de gens dans l'agriculture et les nouvelles énergies. Nouveau monde, nouveaux échanges financiers : on verra comment repenser le partage, mais l'écologie n'est pas opposée à l'économie, elle doit la commander. Une planification verte, en somme. 

Dans "la stratégie du choc", Naomi Klein écrivait "ni Mark, ni Oprah ne nous sauveront" en disant que le futur de la politique ne passait pas des icônes milliardaires, mais bien par des millions de personnes cohérentes dans leurs actes et leurs votes. Nous ne pouvons pas changer la fiscalité sur le bio, arrêter la production de pétrole ou la construction de voitures. Mais nous pouvons nous déplacer différemment, mettre des pulls en hiver et ne pas déclencher la clim à 25°. Nous pouvons manger ou nous habiller de façon plus vertueuse. En étant des millions à le faire, nous infléchirons les dirigeants nationaux et réussirons là où Hulot a échoué. Les lobbys sont cyniques, mais ils savent compter. Ils ne savent faire que cela. Si la bouffe emballée, glyphosatée, ne se vend plus, ils pousseront pour qu'on change de modèle. Bonnes vacances à monsieur Hulot, à nous de nous mettre au travail.