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28/09/2018

Le piège du "pro migrants"

Je ne suis pas "pro migrants". Je ne me suis jamais considéré ainsi et quand j'entends ce qualificatif, cela m'évoque une impasse mentale. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il y a derrière ce terme. Être pro migrants, si on va à la racine, cela serait aller en Libye, en Syrie, en Erythrée et autres terres de conflits, de misère, avec des pancartes "venez en France". Et je me demande qui, autour de moi, même parmi les plus zélés des militants associatifs venant en aide aux populations migrantes irait faire cela. Personne.  Hier, Marine le Pen était invitée chez Bourdin et a usé à l'envi du qualificatif donc j'ai mieux compris : les pro migrants sont les gens qui soutiennent des ONG comme SOS Méditerranée et l'Aquarius. Lesquels bateaux passent des deals avec les passeurs de Libye pour importer des migrants en face aux motivations suspectes. Ha...

Les "pro migrants" seraient aussi des gens qui ne veulent pas voir la réalité des chiffres, comme le fait que s'il "y a beaucoup moins de migrants arrivant par la mer, ils sont sept fois plus à arriver par la terre en à peine trois ans", disait hier la Présidente du Rassemblement National, incapable de donner les sources de ces chiffres terrifiants. L'émotion sans doute. Mais, c'est bien connu, "c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule" raison pour laquelle le Pen fut autorisée à continuer à pérorer sans arguments que nous étions "envahis" avec "la complicité des pro migrants". Jamais, Bourdin qui connaît les travaux de notre monstre sacré, François Héran, ne renverra Le Pen dans ses cordes sur le thème "vous ne pouvez pas dire cela, affirmer cela, sans source". Il dira juste "quelles sont vos sources ?" et une fois, à mi mot. Imagine-t-on des responsables répéter en boucle qu'il y a 60 élèves par classe, qu'il faut 2 semaines pour être admis aux urgences d'un hôpital, ou que la majorité des entreprises embauchent sous le SMIC. Toutes choses qui fractureraient notre pacte Républicain. On demanderait des comptes, des sources, des précisions. Là, non. Les migrants, on s'en cogne donc on peut bien dire qu'on est envahis. D'ailleurs, sur BFM, on montre des radeaux toute la journée alors on ne va pas s'époumoner pour dire qu'en réalité, les flux de réfugiés en Europe sont environ 10 fois moindres qu'en 2015 (ce qu'a encore confirmé Nathalie Loiseau, hier). Ne cassons pas le business en éclairant l'opinion, ça serait contre productif. 

Le durcissement de l'opinion vis à vis des réfugiés ne correspond à aucune réalité tangible. Ils ne sont pas plus nombreux qu'hier. Il n'y a pas moins de chômeurs qu'hier (lors de l'afflux de boat people, nous étions aussi à 10%). Nous avons au contraire une démographie beaucoup moins forte, nombre d'emplois difficile et en souffrance (sans compter notre obligatoire révolution agraire et parmi les migrants qui viennent en France, il y a certes des ingénieurs, mais aussi beaucoup de paysans, notamment dans l'immigration sub saharienne). Dire tout cela, ça n'est pas être "pro migrants" comme on voudrait nous réduire. C'est être, pour employer un terme galvaudé car usé et abusé par des figures comme Raffarin ou Estrosi, "humaniste". Dire qu'on doit donner un pavillon à l'Aquarius et permettre aux quelques centaines de malheureux, chahutés en mer, hagards et inquiets, d'accoster chez nous, ça n'est pas être "pro migrants", c'est se dire qu'il n'y a pas moins d'humanité chez eux que chez nous. Comment peut-on laisser pérorer ceux qui nous parlent de refus d'assimilation culturelle et d'insécurité, face à des enfants en bas âge ? Cette semaine, 74% des français ont salué le refus d'accueillir l'Aquarius (Odoxa, 24/09). 74%. Qu'on cesse de nous dire que la pensée unique et les bons sentiments sont d'être du côté de l'accueil. Que chacun des commentateurs, responsables publics comme intervieweurs ou journalistes se posent la question à l'épreuve des faits de sa responsabilité dans la fabrique d'une opinion haineuse. Les régularisations massives de l'époque Jospin Zapatero et autres est révolue. Le 11 septembre est passé par là. Depuis, l'immigration n'a pas changé en volumes, mais les plus gros vendeurs de livres, les invités stars des débats sur ces sujets s'appellent Caldwell, feu Oriana Fallaci, Thilo Sarrazin ou Zemmour. Tous sont cités et repris par des décideurs dans une nauséabonde alliance. Au lieu de les condamner fermement et de prendre le contre pied de leurs thèses, les gouvernants se sont mis dans leur sillage, à distance très respectable. La boucle s'est bouclée hier soir en France avec Edouard Philippe se disant humaniste quand il repousse l'Aquarius et a fait voter la loi asile immigration saluée par le RN, face à Wauquiez qui fait de la surenchère pour le plus grand plaisir de sa base. 

Le débat n'a pas à être posé en ces termes et c'est une gigantesque bataille culturelle qui nous attend pour que le camp des vrais humanistes soient reconnus comme tels après être sortis du piège pro migrants.