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08/10/2018

PMA pour toutes : extension du domaine de la lutte contre les misogynes et les homophobes.

Comme l’écrit notre grand démographe, professeur au Collège de France, François Héran : « Au fond, l’ordre de grandeur est la chose la moins bien partagée des cultures politiques ». En effet, de même que certains responsables politiques veulent nous faire croire que l’arrivée de 58 réfugiés échoués sur un bateau menaceraient l’identité de la nation française, nombre de voix s’élèvent aujourd’hui pour nous dire que la conception même de la famille est mise en péril par un texte de loi qui permettrait aux couples de lesbiennes et aux femmes seules d’avoir accès à la PMA…

Et pour les semaines à venir, en marge des débats sur la loi bioéthique (le Conseil d’Etat nous a déjà gratifié il y a peu d’un avis jugeant qu’exclure les lesbiennes de la PMA n’est pas discriminatoire) on va se focaliser sur le péril qu’encoure la nation en accordant un « droit à l’enfant » en désaccord avec le droit naturel, lequel n’avait pas prévu que les femmes seules ou ensembles sans hommes puissent engendrer. On voudrait répondre que l’expérience de la Vierge Mari il y a plus de 2000 ans montre que le fantasme de GPA n’a rien de neuf. Mais l’affaire est trop grave.

 

La vérité c’est que, si la PMA n’est pas encore pour toutes, elle est déjà pour beaucoup de françaises et français. Dire avec l’INED que plus de 3% des enfants nés en France le sont par voie médicale ne dit rien de la réalité du pays. Il faut regarder la courbe. En France, cette technique n’existe que depuis les années 70 avec la congélation de sperme et seulement 1982 avec la naissance du premier enfant par FIV d’Amandine grâce aux travaux de René Frydman et Jacques Testart. Depuis, ces techniques connaissent un succès proprement ahurissant, et une croissance exponentielle impressionnante. C’est de cela qu’il faut parler. La PMA est surtout et avant tout une réponse de plus en plus utilisée pour tous les couples hétérosexuels qui ne parviennent pas à avoir d’enfants. Entre 10% et 15% des couples rencontrent des problèmes d’infertilité temporaire (résolu de façon naturelle au bout de quelques mois ou années) ou chronique, exigeant donc l’intervention de la médecine. 10 à 15%, c’est l’avenir de l’humanité qui se joue là !

Pour expliquer cette extraordinaire et sans précédent montée de l’infertilité, les réactionnaires religieux, notamment les catholiques, avancent l’argument suivant : on fait des enfants trop tard. Par « on », comprenez les femmes. La vogue des nouveaux pères quinquagénaires ne chagrine pas le clergé outre mesure. Non, le problème serait l’avancée en âge du premier enfant pour les femmes, qui intervient après 30 ans. Nos amis de l’église nous enjoignent à respecter la nature et à se marier plus tôt et à enfanter un peu plus tôt. Les femmes. Là, je déplore un manque de pragmatisme : tant qu’à faire, pourquoi ne pas inciter franchement les femmes à pondre obligatoirement à 18 ans. On règlerait ainsi un double problème national. D’une part les jeunes parturientes ne reprenant pas d’études supérieures, pas de problème de places dans l’enseignement supérieur et autres psychodrames de Parcoursup. D’autre part, les femmes élèvent leurs enfants ce qui règle le problème du chômage des hommes. Elle est pas belle la vie ?

 

L’argument d’une misogynie crasse masque mal la réalité des faits. Comme le rappelait le site d'Usbek&Rica dans une interview il y a un mois, la qualité et la concentration des spermatozoïdes a baissé de plus de moitié en quelques décennies à peine. La chute est telle que c’est désormais la survie de l’espèce humaine qui est en jeu. En cause ? Les ondes, les perturbateurs endocriniens, la sédentarité nouvelle et autres pathologies du « progrès ». Repensons aux propos de François Héran : quelle place pour le fait que les problèmes d’infertilité débouchant sur des demandes de PMA sont très majoritairement liés à des problèmes d’hommes hétérosexuels ? Marginale. En revanche, agiter le spectre de la décadence à cause des lesbiennes et des femmes seules (donc un peu suspectes, ne nous mentons pas…), ça marche toujours. Comme le montre magistralement Mona Chollet dans son essai sur les Sorcières, les imaginaires misogynes ont toujours redoublé d’efforts quand il s’agissait de sauver la mâle patrie. Le débat, très mal posé, sur l’élargissement de la PMA pour toutes en est une nouvelle illustration. Peu de place pour la sororité dans notre devise républicaine qui fait la part belle aux frères. Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt dit-on. Quand le sage montre les périls gigantesques de l’infertilité pour toutes et tous, l’imbécile regarde les lesbiennes et femmes seules.