Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/06/2019

Il est permis d'interdire

L'actualité nous apporte un éclairage dramatique du retournement de la pensée 68. Dans "Le Nouvel esprit du capitalisme" Luc Boltanski et Eve Chiapello montrent comment le capitalisme ingère et reprend pour lui les critiques qui lui sont faites : les deux maîtres mots de la contestation ouvrière et étudiante en 68 étaient "liberté" et "autonomie", lesquels deviendront les maîtres mots du programme du MEDEF, en 2000. On pourrait ajouter comme exemple que les murs jouxtant les barricades étaient ornés de tags "il est interdit d'interdire", désormais mantra des ultra libéraux du gouvernement.

Hier, à l'Assemblée, Delphine Batho et plusieurs députés de la France Insoumise ont fait une proposition de bon sens : interdire les vols partout où existe une alternative ferrée de moins de 5h. Exit les Paris/Lyon, Paris/Bordeaux ou Paris/Nantes qui, contre toute rationalité demeurent pour une clientèle business qui veut gagner quelques minutes, quand le lieu de rendez-vous est plus proche de l'aéroport que de la gare ou accumuler des miles pour un futur voyage aux Seychelles bradé... Nos voisins nous donnent l'exemple puisque les vols entre Bruxelles et Amsterdam ont été supprimé récemment, par exemple. Mais interrogés hier, François de Rugy et Elisabeth Borne se sont dits "sans réserve contre l'interdiction fera diminuer l'avion".

Une réflexion d'une stupidité sans nom. Anachronique. Bien sûr qu'il ne restent "que quelques vols", mais ils sont de trop. Et ils sont exclusivement le fait d'une clientèle business qui acceptent de payer 5 fois le prix du train par convenance... Mais comme le rappelle fort justement Hervé Kempf dans son livre enquête "comment les riches détruisent la planète", les 10% les plus riches du monde sont responsables de 46% des émissions de CO2 et parmi ceux-ci, les 1% sont plus coupables. Encore une illustration de défense de classe avant le climat. 

Et on peut étendre l'exemple alors que le CETA entre définitivement en vigueur : au nom du libre marché sans entrave, on fait entrer chez nous des denrées alimentaires avec des garanties sanitaires et écologiques bien moindre qu'en Europe... Dans le même temps, les paysans bretons déversent des tonnes de tomates que personne n'achètent car elles souffrent de la concurrence de cousines espagnoles ou marocaines, élevées sous serre et dont le goût à un vague cousinage avec la tomate... Rapport après rapport, tous les scientifiques rappellent que ces transformations agricoles causent des maladies graves, mais, pris d'une curieuse amnésie, les députés évitent de s'y opposer lorsqu'on leur pose la question.

Il n'y a pas de planète B et on ne négocie pas avec le réchauffement climatique, raisons pour lesquelles les politiques de demain devront remettre à l'ordre du jour ce mot aujourd'hui frappé d'infamie par les libéraux : interdiction. Dans une vaste enquête sur les jeunes (reprise par le magazine "Twenty") et la démocratie, le résultat donnait, plus qu'une envie de dictature, un "pragmatisme autoritaire". Les jeunes ne veulent pas perdre leurs libertés individuelles, ils ne veulent pas la fin du pluralisme politique, mais ils sentent bien qu'on ne progressera pas pour le climat avec des compromis type COP. Ce qu'ils disent, en somme, c'est : vous êtes informés, vous êtes renseignés, vous savez qu'il y a trop de terre rare dans les I Phone, de pesticides dans les tomates, de CO2 dans le transport aérien et de sable dans les jeans : votez les lois qu'il faut pour que ça soit interdit. Y a plus qu'a...