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25/03/2020

Périmètre de responsabilité

Une fois n'est pas coutume, Léa Salamé a posé la question parfaite à Gérard Larcher, ce matin "avec le recul, n'avez-vous pas de regrets d'avoir insisté pour que les élections municipales aient quand même lieu ?". Ainsi, elle ne le cognait pas directement, ne l'accusait pas ex abrupto, elle lui demandait simplement de reconnaître une part de responsabilité, puisqu'au final, 3 personnes ont décidé d'en envoyer 47 millions aux urnes. Il a nié. Purement et simplement, il ne reconnaît aucune faute.

10 jours après la tenue de ce premier tour, les articles se multiplient sur les assesseur.e.s contaminé.e.s par centaines, à Clermont, dans l'Oise, à Versailles, partout en France. Quand on songe au nombre de personnes que ces assesseur.e.s ont côtoyé dans la journée, on frémit. Quand on pense à la moyenne d'âge de ces démocrates zélé.e.s, on pleure par avance pour les linceuls inutiles. Héros et héroïnes d'un simulacre démocratique, morts pour rien et sans personne pour reconnaître qu'on aurait pu éviter ces morts. 

Ni Larcher, ni Macron, ni Ferrand ne reconnaîtront jamais leur responsabilité, pourtant évidente, dans la tenue de cette élection alors que tout le monde savait, tout le monde disait de ne pas faire. Ils s'esquivent avec cette insupportable rhétorique du "faire", du "il faut être dans l'action". En somme, ça n'est pas le moment de poser des questions qui dérangent, pas l'heure de critiquer, la France manque de masques, de lits, de tests, comment osez-vous ? Navrante esquive...

L'heure impose à chacune et chacun de se poser la question de son périmètre de responsabilité. Pour celles et ceux qui ne vont pas travailler, la réponse est simple : moins d'un km, moins d'une heure par jour, à distance des inconnus, en se lavant les mains et une écharpe sur le nez. Pour l'écrasante majorité d'entre nous, nous y contraignons sans réfléchir. Les contrevenant.e.s sont punis, et de plus en plus forts. Pour le monde économique, la question est simple : peut-on mener notre activité sans risque ? Qui opte pour le télétravail, qui bouscule ces protocoles, qui ferment son activité. Je note la grande prudence, la prudence exemplaire de nombre de patron.e.s, de responsables syndicaux, qui préfèrent ne pas faire, perdre du chiffre d'affaires, que d'exposer la santé des salarié.e.s. Quitte à s'exposer au courroux du politique comme Pénicaud demandant aux chantiers de continuer "quoi qu'il en coûte". Elle non plus ne s'est pas excusée. Elle non plus ne reconnaît pas de faute.

Je ne retrouve pas la citation exacte, mais Ricoeur écrivait que "la fatalité ne s'incarne en personne, la responsabilité, au contraire, a besoin d'une incarnation personnelle". En l'espèce, la fatalité, c'est le COVID. C'est comme ça, nous devons faire avec, personne n'en voulait. Les annulations, les empêchements, les arrêts, nous les subissons fatalement. En revanche, maintenant que la catastrophe est là, il faut la gérer. Trump déclarant que le COVID n'empêchera pas l'économie américaine de fonctionner est un irresponsable criminel. Bolsonaro aussi. Personne ne le nie, nos gouvernants les premiers. Leurs fautes sont moins grandes, mais elles existent et sont connues. Ils ont à l'évidence violé leur périmètre de responsabilité. Dans un contexte où l'on a tous besoin de confiance et de cohésion, le minimum mémorandum que l'on peut exiger d'eux, c'est qu'ils admettent leurs fautes pour que l'on reconnaisse les nôtres.