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09/04/2020

Quel inutile voudrons nous ?

Le célèbre (et ultra surévalué, tout le monde retient le côté sympathiquement anticapitaliste, mais c'est pontifiant sans les moyens de l'être et politiquement guimauve, à la limite du développement personnel) pamphlet de Nuccio Ordine, l'utilité de l'inutile va connaître une seconde jeunesse, maintenant que la moitié de l'humanité vit confiné, et que seuls peuvent sortir travailler ceux qui sont jugés "utiles à la nation".

Le nombre de parasites présents sur cette planète a de quoi donner le tournis. Il reste deux à trois milliards de paysans, mais la disparition massive de ces derniers, "fait majeur du XXème siècle" pour Michel Serres n'a pas donné naissance à l'éclosion de professionnels aussi essentiels. 

Difficile de faire plus utile que produire à bouffer, l'acheminer, le vendre (ou le donner...). Comme le faisait remarquer avec force justesse une amie, le coronavirus est bien la première guerre où les populations risquent plus l'obésité que la faim. Ce qui est ballot car l'obésité est un facteur aggravant et rendant bien plus vulnérable au corona. Ce disant, on parle des confinés volontaires et qui vont bien. En Inde, où les parachutes sociaux n'existent pour ainsi dire pas et où 90% de l'économie est informelle, la faim va beaucoup plus tuer que le virus. Oxfam estime que 500 millions de personnes pourraient basculer dans la crise, si des mesures de péréquation entre Occident et Afrique ne sont pas prises.  

Chez nous aussi, tout le monde ne bouffe pas à sa faim, de moins en moins, d'ailleurs. En 1985, Coluche crée les Restos du Coeur parce qu'un pays riche ne peut avoir des gens qui crèvent la dalle. 5 000 bénévoles, 8,5 millions de repas distribués cette année là. Depuis, la France est 3 fois plus riche, mais la création de richesses bien plus mal faites, l'esquive de l'impôt atteint des niveaux fous et le chômage réel n'a jamais été aussi fort. 5 à 6 millions de personnes ne bossent pas autant qu'elles voudraient (hors confinement, évidemment). Les Restos du Coeur, dans la France de 2018 infiniment plus riche ont 70 000 bénévoles qui distribuent 136 millions de repas. 15 fois plus qu'il y a 30 ans sur l'essentiel de l'essentiel, l'utile parmi les utilités. Tu parles d'un système efficace...

La première des priorités, demain, sera de remettre dans l'utile. Qu'avec moins de richesses collectives, on priorise beaucoup mieux l'allocation de celles qui seront recrées. Plus d'argent pour la santé et l'éducation, évidemment, et mieux partager l'emploi pour éviter qu'on se retrouve avec une explosion de la faim, des loyers impayés, des factures énergétiques impayées. 

Passés ces besoins ultra essentiels auxquels on pourrait ajouter la mobilité et le fait qu'il faudra peut être généraliser la gratuité des transports en commun pour alléger la facture des plus fragiles comme pour diminuer le CO2, viendra le moment de trancher dans les services et loisirs. Et en parlant de "relance", on parle peu de ça. Mais on voit bien que tout calfeutrés, nous manquons avant tout d'inutiles rencontres. De rencontres artistiques, sportives, de l'otium si utile. Le lien social du match de foot entre potes nous manque plus que l'Euro 2020, et la pièce de théâtre pour laquelle nous avons nos places nous fait plus de l'oeil que la nouvelle saison de la casa de papel. Ça, ça va manquer comme manqueront (pour l'heure le compte n'y est pas) les moyens permettant à la vitalité de reprendre. Sans parler du vraiment inutile, les apéros en vrais, absolument pas compensés par leurs ersatz sur Zoom où on ne s'engueule même pas... Alors, évidemment, dire qu'il faut un plan Marshall pour l'apéro, ça ne fait pas très sérieux, mais la 5G est tout issu inutile, beaucoup plus onéreuse et surtout beaucoup plus néfaste pour l'environnement. C'est pourtant sans doute vers cet inutile là que les fonds afflueront. Et c'est bien con. 

Perso, j'ai la flemme, mais si quelqu'un cherche un sujet d'écriture pour son confinement, je suis sûr que "l'urgence de l'inutile" trouverait un lectorat. 

Commentaires

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"si quelqu'un cherche un sujet d'écriture pour son confinement, je suis sûr que "l'urgence de l'inutile" trouverait un lectorat. "

Il va y avoir inflation de littérature à la sortie du confinement ; quantité assurée mais qualité sans doute pas au rendez-vous : du " vécu" à la louche , du compassionnel au quintal , de l'utopie à la tonne ...Comme au lendemain des guerres...

Écrit par : Gaudimard | 10/04/2020

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Quantité et qualité en littérature : l'expression , déjà médiocre , aura beaucoup souffert de l'abus du tweet
( style télégraphique ) et du face b ( délayage ) .

Partout l'ego s'étalera sans pudeur , chacun s'étant "découvert" , aimé , admiré et compris la valeur irremplaçable de sa banale vie ...

Écrit par : Cluny | 10/04/2020

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" ayant " manque devant " compris "

Je crains moi aussi le pire , surtout si notre fin lettré de Cluny se met à baisser la garde ...

Écrit par : Pépé Castor | 10/04/2020

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