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30/04/2020

Mal à ma gauche

"Un seul mot d'ordre : le capitalisme inhumain. La santé ils s'en foutent, gouvernement de criminels. On reste chez nous le temps qu'il faut". Ce mot d'ordre d'une certaine gauche me fatigue au-delà de toute expression. Je le dis avec amitié, au sens où Desproges l'entendait quand il disait "la caractéristique principale d'un ami est sa capacité à vous décevoir". J'attends peu de la droite, elle ne me déçoit jamais, mais elle me navre. 

Ériger son anti-macronisme en dogme n'est pas une solution de sortie de crise sanitaire. Ça n'exclut pas la critique, au contraire, loué soit Mediapart et ses enquêtes irréfragables sur le scandale de la gestion des masques et celui des tests, deux exemples grandeur nature des pieds nickelés qui gèrent la crise. Certes, mais si vous avez une solution pour les remplacer demain, je vous écoute. En attendant, faut faire avec et ne pas oublier de mettre les choses dans l'ordre. Dans l'ordre ça veut dire que l'éradication de cette saloperie a une date inconnue. Seuls un vaccin ou un traitement hyper sûr pourront l'éradiquer, pas demain la veille. Et mettre la société sous bulle pendant deux ans n'est pas une option. Parce que "l'économie" c'est pas le MEDEF, l'économie, c'est le commun qui fournit les richesses qui paye les hôpitaux, celles et ceux qui soignent et qui cherchent. Arrêtez l'économie c'était inévitable il y a deux mois pour ériger à la hâte des barricades sanitaires, mais ça n'est plus tenable. 

D'où parlez-vous camarades tenant du statu quo ad vitam ? D'appartements dont vous ne serez pas expulsés. Soit que vous les possédez, soit que le versement à 100% de vos salaires vous permet de ne même pas prendre en compte la question, pourtant vitale, du loyer. Le chômage partiel pour 10 millions de personnes c'est 20 milliards, pas tenable longtemps... Et malgré cela, les boîtes vont licencier massivement pour cause de manque de tréso, de faillites. On peut gueuler sur le soutien de 7 milliards à Air France sans suffisamment de conditions, de fermeture de lignes nationales obsolètes écologiquement. Bien sûr. Pour autant, si l'État met pas un flèche, c'est 85 000 personnes sur le carreau et pas recasables demain. Pas sûr que ça soit plus vertueux... 

Regardez l'Italie, le Portugal, l'Espagne : les gens ont faim. Le peuple pour reprendre des mots tabous aujourd'hui, le peuple a faim. Malgré "l'État" qui envoie des bons alimentaires pour éviter les émeutes, malgré les associations et les banques alimentaires qui se mobilisent. En France, l'association Article 1 a fait une enquête auprès des jeunes étudiant.e.s issu.e.s de milieux modestes qu'ils accompagnent. Ils n'ont pas tous de wifi ou d'espace tranquilles, mais surtout ils et elles ont faim. Et chaque semaine fermée est une semaine de galère grandissante et à la sortie, faudra payer le loyer avant de remplir les placards, un toit sur la tête. Elles et eux ne peuvent pas tenir deux ans, pas un an, pas six mois. Vous y pensez ? Et les artisans, les commerçants, toutes celles et ceux qui n'ont pas le chômage partiel ? Les nouvelles et nouveaux précaires, travailleur.euse.s des plate-formes, livreur.euse.s, chauffeur.e.s, autoentrepreneur.e.s, travailleur.euse.s du clic et autres qui survivent plus qu'ils ne vivent, où sont-ils aujourd'hui dans les mots d'ordres ? Dans les appels de soutiens ? 

Amazon a été bloqué par les syndicats et encore heureux. Et les salarié.e.s sont payé.e.s. Rouvrir ne signifie pas le faire n'importe comment. Mais faut penser aux autres, à l'écrasante majorité des TPE qui ont besoin de rouvrir sous peine de mort économique. 

Alors vous me direz, faut tout changer, revenu universel inconditionnel demain pour toutes et tous, et pis même allez, avec ou sans papiers. Plus personne n'a faim, n'a peur d'être sans logements. Je suis pour, c'est peu ou prou pour ces programmes que je vote à chaque fois, faits de justice sociale et de partage radical. Moi aussi je veux changer le cadre, changer la donne, interdire les licenciements dans les boîtes qui reçoivent le CICE ou se versent des dividendes maousse. Bien sûr. Mais entre la volonté et aujourd'hui, il y a un détail qu'on appelle le principe de réalité et le rapport de forces. Le palais d'hiver sera pas pris le 11 mai. La gauche morale oublie trop souvent qu'aux fondements de la gauche, il y a à regarder celles et ceux qui ont vraiment besoin d'aide et en ce moment, l'aide c'est de permettre de sortir. Prudemment, mais de sortir quand même.