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15/05/2020

Paris n'est pas une fête

Au lendemain des attentats du Bataclan, une pimpante septua ou octogénaire avait ému la France en disant qu'on allait fraterniser avec les musulmans du pays qui n'étaient pour rien dans le bain de sang de la veille et qu'on allait donner raison au "Paris est une fête" d'Hemingway. Prophétie ratée pour la lune de miel avec les musulmans, mais réussie pour le reste ; Paris était redevenue une fête. Contempteurs de la capitale, épargnez-nous les critiques, on les connaît : une fête sale, bruyante et chère. Mais si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres, merci.

Paris est surtout une fête, en réalité. Une succession de bars et de restos, aux terrasses trop étroites, trop bruyantes. Une nuit moins folle qu'aux décadentes années 70/80, mais l'animation y est toujours plus forte qu'à Vesoul. Des théâtres partout, des salles de concert, des bars jazz, les nyctalopes aiment Paris qui leur rend bien. C'est aussi une fête pour les amateurs de beautés stockées un peu partout dans un nombre de musées hallucinant. C'est une ville cyclothymique qui compense par un excès de vitalité tout ce qu'elle a de pénible, par ailleurs. Et si nous y restons, c'est que le marché nous convient, on prend tout. 

Lundi, pour le déconfinement, on a ôté les bandelettes du visage de la grande brûlée et on ne le reconnaît pas : Paris n'est plus une fête. Comme pour narguer la ville, un soleil radieux innondait les rues aujourd'hui. Impossible de se poser avec quelqu'un.e, boire un verre. Impossible de s'allonger dans l'herbe, les rideaux sont baissés et les grilles des parcs, relevées. Tout ce qui fait que cela vaut la peine de vivre dans cette ville a disparu. Au loin, on aperçoit les tours de la Défense qui, elles, n'ont jamais cessé de fonctionner, même au ralenti. The show must not go on, business does.

Il y a quelques années, j'avais dîné avec un allemand fort drôle, qui venait de Francfort. Je lui avais demandé de me qualifier sa ville et il m'avait dit "c'est comme la Défense, mais sans Paris à côté". J'en avais été saisi d'effroi pour lui et comprenais ô combien qu'il ait migré chez nous. Je sais bien que cela ne sera pas permanent, on ne peut pas dire que Paris soit morte. Mettons qu'elle est plongée dans le coma. Et c'est pas la fête...