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11/10/2020

Langue tuée

Les assassins des langues mortes sont rarement pris en flagrant délit. Et pour cause. Ça résiste plus qu'un virus une langue. Ça traverse les saisons, les années et même, et surtout les générations. Ça se transmet, même quand des dirigeants vous intiment de ne pas la parler. Les bretons et les corses peuvent en témoigner, les aborigènes ou les indiens du Canada et des États-Unis aussi. Et tant d'autres. Dans une époque qui encense tartuffement la diversité, la diversité linguistique est si mal tolérée. Parlez globish et tout ira bien, misère. 

En cette fin de semaine, sans une ligne nulle part hors presse spécialisée, un arrêté ministériel nous confirme que l'épreuve d'ancien français disparaît du CAPES de lettres. Exit tout ce qui existe avant le 16ème siècle. Montaigne et Rabelais ont encore un sursis, mais Chrétien de Troyes, François Villon et Christine de Pizan ne seront plus enseignés en version originale, autant dire qu'on peut les oublier. Seul.es les agrégé.es de lettres auront encore la possibilité de se plonger dans ces textes et de les faire partager avec ferveur avec des collégiens et des lycéens qui vibrent souvent pour Tolkien, pour Games Of Thone, pour Kaamelot et peuvent aisément être amené à la littérature médiévale avec ces chevaliers, ces troubadours et troubairites, princes et princesses, donjons et dragons. Maintenant que l'épreuve est éliminée du CAPES, la disparition de l'agrég est une question de temps, mais on programme sa mort...

On parle d'un arrêté ministériel. On parle de Blanquer. Blanquer assassine sciemment la langue, l'estropie et personne n'y trouve rien à redire. Ça c'est du privilège blanc et réac. On imagine mal un élitiste pareil, ex directeur de l'ESSEC, abaisser le niveau sur le français et pourtant il le fait. Ça passe crème. Je n'ose imaginer ce qui serait advenu si Najat Vallaud-Belkacem avait osé faire passer cette mesure. Laurent Wauquiez et consorts auraient hurlé que c'était l'échec de l'intégration et que les arabes désagrégeaient notre trésor de langue...

Rien ne peut justifier une décision aussi stupide que dangereuse. Les thuriféraires autoproclamés de la langue française l'affaiblissent, affaiblissent ceux qui l'enseignent et donc diminuent l'ouvroir de vocabulaire et d'imaginaires potentiels des collégien.nes et lycéen.nes de demain. Tout ça pour quoi ? Pour rien. C'est un assassinat en flagrant délit, sans mobile, pour lequel il n'y aura pas de procès. Dégoût...