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09/10/2020

De se battre, le pays s'est arrêté (malgré lui)

Ce 9 octobre 2020, il est toujours possible n'importe où en France d'être un millier dans un centre commercial, mais interdit d'être 11 à réclamer des conditions de travail dignes et justes. Le protocole sanitaire à ses raisons qui ignore la sociale.

Pas si loin de nous, approximativement il y a six mois, nous manifestions, en vain, pour le retrait d'un texte inique réformant le système de retraites. Travailleur indépendant, je m'étais agrégé au cortège d'enseignant.es exaspéré.es, indigné.es, où l'amoureuse défilait avec des collègues de l'Université qui jamais, ne manquèrent une marche, malgré la longue marche précédent et celle suivant le défilé, puisqu'il n'y avait plus de métro. Tous les simulateurs indiquaient des chutes de leurs retraites de plusieurs centaines d'euros avec le nouveau mode de calcul et les chimériques revalorisations salariales promises par Blanquer et Vidal ne comblaient qu'en petite partie le trou foré.

C'est toujours pareil, avec les libéraux. La destruction a lieu hic et nunc, les créations étant reportées à des lendemains incertains. Le CICE, c'est vingt milliards d'exemptions dans dans la seconde, les taxes sur les transactions, les activités polluantes, pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations d'embauche, "ne sauraient tarder". Les contrats aidés, supprimés d'un trait de plume à l'arrivée de Macron, 260 000 contrats supprimés du jour au lendemain, 260 000 vies sans plus de projets. Le grand plan d'inclusion porté aujourd'hui pour faire face au COVID n'aura même pas cette ambition, tâchant "pour 2022" d'atteindre 100 000 contrats d'insertion. L'ISF abandonné dans la seconde, adieu yacht, palace et SUV (4 milliards, quand même, une babiole), et les revalorisations pour les autres ? Bientôt, bientôt.

Dans la panique du COVID, l'État a ressorti le carnet de chèque pour le Ségur. 200 euros d'augmentation nets pour les soignant.es. C'est bien, mais 1/ C'est trop tard pour convaincre celles et ceux épuisé.es de rester 2/ C'est insuffisant quand la prime de 1500 euros promise n'a pas été versée de façon inconditionnelle, rabotée pour toutes celles et ceux qui sont à temps partiel 3/ Ça ne comblera pas les manques d'effectifs, les personnes chargés de s'affairer autour des fameux "lits" qui nous manque...

Idem pour Blanquer, lui qui lorgne désormais du côté des Régionales plutôt que de négocier, négocier, négocier. Il peinait (euphémisme) à convaincre le corps enseignant qu'il avait à gagner avec le texte sur les retraites. Même sans ce texte rétrograde, il peine à convaincre car les retards sur le métier de prof sont trop conséquents et trop exacerbés par le Covid : pas de revalorisation salariale depuis trop longtemps, pas d'amélioration des conditions de travail, pas d'avantage de capacité d'initiative pour toutes celles et tous ceux qui attendent toujours que le rectorat leur dise quoi faire et, cerise sur le strüdel, rab de taff puisqu'il faut tout préparer en présentiel et en distanciel, pour le même prix...

Vidal, elle, souffle. Sa LPPR est passée, saluée par les Professeurs du Collège de France qui n'ont pas d'étudiant.es, pas de tâches administratifs, pas à s'ennuyer avec des contingences matérielles, mais rejetée en bloc par toutes et tous les vrai.es profs... Pour elles et eux, c'est pire encore, c'est Ubu qui va demander de l'aide et ne trouve que Tartarin et Tartuffe... Avec cette rentrée, les amphis sont ouverts, mais fermées, il faut tout prévoir en double pour des salles qu'il faut savoir vider puis rouvrir. Avec les fusions accélérées des facs pour complaire au classement de Shanghaï, nombre d'établissements font cette rentrée avec des personnels vacants en masse. A l'Université de Paris (ex Paris 7 & Paris 5, mariés pour le pire et pour le pire) il manque 45 agents sur les 120 du service informatique. 45 sur 120. Plus d'un tiers. Dans un secteur où tout passe par des services en ligne, l'impéritie est généralisée. Les étudiant.es errent, hagard.es, dans des couloirs désertés. Plus personne pour leur dire où s'inscrire, où aller. Erreur 404 généralisée. Et les profs, qui restent là, qui portent les carences du système sur leur dos comme Atlas porte la terre, commencent à sentir le lumbago...

Une amie éthicienne, spécialisée dans les métiers du grand âge, m'avait expliqué ce qu'est la maltraitance institutionnelle : non pas une maltraitance voulue, cynique, avec des personnes toxiques qui vous incitent à mal faire votre travail. Non, ce sont des manques de personnels, des conditions de travail déplorables, dégradées, qui, mécaniquement et obligatoirement vous contraignent à mal vous comporter. Je ne donne pas six mois à toutes et tous pour lâcher le globe, victimes d'hernie discale. Macron peut bien se penser Jupiter, tout le monde n'a pas l'hubris d'être un Dieu et les profs le savent bien, Atlas est un personnage mythique.

Il y a tant de raisons de se battre, de défiler, de hurler, mais ça n'est pas permis. Ami.es maltraité.es par vos directions, entravé.es dans votre travail, défilez pour vos droits aux Galeries Lafayette, là vous avez le droit...