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27/10/2020

Nos enfants nous haïrons (et ils auront raison)  

Le blockbuster de l’automne sort, non pas en salles, mais partout dans le pays avec quelques semaines d’avance : 50 nuances de confinements. De l’enfermement total au régime de semi-liberté suivant un axe boulot-boulot-dodo pour éviter le métro, les pistes qui se dessinent ne sont guère riantes. Mais plus encore, ce qui me subjugue, c’est la rapidité avec laquelle l’inéluctabilité de ces fermetures s’est imposée à nous. La célérité avec laquelle le corps médical a imposé son emprise sur nous, empêchant toute forme de débat ou de controverse politique avec eux. Car je ne veux évidemment pas avoir de controverse médicale, je ne remets pas en cause leur autorité indéniable, je dis simplement qu’une composante de la nation ne peut pas imposer ses vues à toutes les autres, surtout avec des conséquences aussi lourdes, sans qu’on en parle.

 

Évidemment que d’un point de vue médical, reconfiner est, non pas la meilleure option, mais la plus sûre pour faire chuter le nombre de contaminations et donc espérer ainsi rouvrir les hôpitaux à d’autres prises en charge. En Ile-de-France, aujourd’hui, 80% des opérations prévues sont déprogrammées. Alors en fermant quelques semaines, on aura peut être de nouveau une fenêtre de tir de quelques semaines pour opérer des hernies, des changements de pacemaker, retirer des tumeurs et autres menues plaisanteries qui expliquent qu’avant mars 2020, les soignant.es n’occupaient pas des emplois fictifs…

 

Mais pour les autres ? J’entends beaucoup de bien portants, de bien vivants, de non menacés, expliquer doctement que « c’est pénible mais il n’y a pas d’issue ». Quid des 25% de celles et ceux qui se sont apauvri.es jusqu’à la banqueroute ? Quid de ceux qui ont fermé leur commerce, activité, et ne rouvriront pas ? Quid de ces presque 60% de chercheurs d’emplois qui ne touchent plus aucune indemnité (chiffre cité par Samuel Churin toujours inattaquable sur ses données), quid de celles et ceux qui ont été ou vont être expulsés ? Croyez-vous que la plus grande crainte des SDF, des chercheurs d’emplois en fin de droits, des patrons de PME à deux doigts de la liquidation judiciaire soit d’attraper le Covid ?

 

Pendant plus d’un an, les gilets jaunes exigeaient de la dignité des fruits de leur travail, le retour de service public de proximité envolé et l’ouverture de lieux de sociabilité encouragés fiscalement comme les métropoles avec leurs centres commerciaux. La colère ne gronde plus car elle est devenue hors la loi, mais les raisons se sont-elles évanouies ? Pas sérieux…

 

Les profs, dont on ne parle plus qu’à l’aune du drame de Conflans Saint Honorine, pour pouvoir débattre ou non des caricatures, faut-il déjà pouvoir débattre. Pouvoir enseigner en présentiel, repérer les manques, les carences, les décrochages, tout ce que le premier confinement a abîmé… Les évaluations de septembre étaient cataclysmiques… Mais là encore, si on regarde qui a accès au porte-voix médiatique, on nous serine avec tous ces parents qui se sont mués en profs de secours et puis les mômes ont regardé des classiques de ciné, parlé politique à table, appris à jardiner… Là encore, un portrait Potemkine de la jeunesse hexagonale qui ne trompe pas grand monde, mais par flemme ou inconsistance on continue à propager ce bobard pour dire que le confinement, ça ne sera pas si grave pour les mômes…

 

Je pourrais en rajouter sur la nécrose du milieu culturel, les troubles psychiques qui explosent tant en tant, la solitude exacerbée des anciens et la frustration folle des jeunes, mais vous l’aurez compris, mon point est juste de dire que les conséquences futures du confinement sont potentiellement dix fois pire que ce que nous préservons en baissant le rideau. Les malheurs liés à la crise Covid reprennent ce vieux dicton voulant que un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, plutôt préserver des morts sûres et visibles liées au Covid plutôt que d’empêcher une hécatombe sous-jacente, un délitement non apparent. Quand vous avez une fenêtre cassée dans votre appartement, le mal est certain et connu. Quand vos fondations sont grignotées, vous ne voyez rien et peu à peu, l’immeuble s’affaisse alors qu’il est trop tard pour bétonner et sauver le tout.

 

Alors évidemment, rhétoriquement, dans un monde habitué, voire obnubilé par le court terme, penser aux générations futures, c’est se tirer une balle dans le pied. Le gaz de schiste de maintenant vaut mieux que les terres ravagées de demain, les rentrées d’argent de la 5G de tout de suite valent mieux que les dépenses énergétiques inassumables de demain et la notion de « vies sauvées » hic et nunc est plus puissante que les « catastrophes évitées, demain ». Je sais bien que rhétoriquement, c’est injouable de dire que oui les hôpitaux vont être saturés, oui il y a aura des semaines sombres, oui on ne pourra pas intuber tout le monde et ainsi de suite ; Vous dites cela et le rubicond Godwin vous frappe en pleine nuque : vous êtes un nazi. Ce débat est confisqué, il est pourtant digne et mériterait d’avoir lieu. Regardant ma Petite Merveille de fille et songeant aux lambeaux d’écoles et d’hôpitaux que nous allons lui laisser, des ruines fumantes et hélas inconstructibles d’une culture pour beaucoup, j’implore son pardon. Mais je ne pourrais pas lui en vouloir si en grandissant, plutôt qu’un placide « OK boomer », elle crache à la gueule des anciens…