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08/03/2021

Camisole, camisole

Désoeuvré et même démobilisé à cause du soleil qui me narguait, je fis une longue promenade dans Montmartre redevenu respirable depuis que les touristes sont repartis. En hommage à Pierre Nora, je saluais le Sacré-Coeur, cet édifice construit sur le sang des Communards. Les escaliers étaient noir de monde et pas de frétillants télétravailleur.euses laptop sur les genoux. Non, ils étaient plein de sybarites, d'artistes à l'arrêt, de professionnel.les du tourisme entravé.es, de lassé.es, d'exaspéré.es, de désoeuvré.es et démobilisé.es comme moi. Mais contrairement à moi qui arpentait les rues un double expresso à la main, ielles arboraient fièrement des pintes de bière. Paris avait drôlement soif, pour un petit 15h... 

Entre le chômage forcé et le couvre feu à 18h, les occasions de boire plus tôt qu'à l'accoutumé sont légion. On peut le lire de deux manières : soit nous sommes devenus anglais.es, soit nous sommes déprimés. J'opterais pour la première option... Des bières à la va-vite, des psychotropes à foison, de l'herbe en gâteau, en cône, en bang, on s'évade comme on peut. L'article du Monde d'aujourd'hui montre que les vendeurs de drogue se sont adaptés, se sont numérisés en mode start up Nation ; vive Dealiveroo (elle est pas de moi, mais c'est de la bonne), par temps de Covid ils sont clairement un commerce essentiel. Alcool, shit ou médocs, chacun choisit la camisole qui lui va, mais on sent bien au bout d'un an de privation qu'il nous faut un mur pour rendre la réalité acceptable. Un peu comme Pink Floyd qui mettait The Wall entre le mur et eux en 1970 et deux ans plus tard tournait Live At Pompei en se faisant un concert sans public dans un décor antique et somptueux. Une folie acceptable. Aujourd'hui, nous sommes tous comme Pink Floyd, les revenus en moins (c'est ballot). Les applaudissements enregistrés dans les stades de foot pour ne pas trop perturber les joueurs (les joueuses sont punies, elles jouent beaucoup moins...), les musicen.nes qui parlent à un écran à la fin de leurs concerts live streamés, les visites de musées par Google, on ne compte plus les expériences déshumanisées, déréalisées, qui sont notre lot quotidien depuis un an.  

Le grand succès littéraire de la rentrée de septembre dernier, c'était "Yoga" dans lequel Carrère narrait sa dépression, le succès inattendu de "à la folie" de Joy Sorman en janvier souligne notre envie d'aller voir chez celles et ceux qui sont reconnus comme folles et fous sans parler, bien sûr, du gigantesque succès d'audience rencontré par "En thérapie" qui s'explique sans doute en partie par le besoin qu'on a de se dire que vider son sac est plus que jamais légitime en ce moment... Comme il paraît qu'il faut toujours trouver des lueurs d'espérance dans les crises, je me dis qu'on savait déjà que nous sommes tous le con.ne de quelqu'un, nous sommes désormais toutes et tous les folles et fous de tout le monde. Quel progrès. 

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