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22/08/2021

Le grand oncle Paul avait raison : ils peuvent revenir.

À quarante ans passés, je n'ai jamais connu de conflits. C'est rare dans l'histoire, et mes contemporains l'oublient trop souvent. Je suis le premier de ma famille à être vraiment étranger à cela. Mon père est né pendant la guerre et fut objecteur de conscience pour ne pas servir en Algérie, il préféra enseigner le français aux réfugiés. Ma mère est née à New York car sa propre mère avait eu les moyens de quitter la France, en 1940, quand il ne faisait plus bon s'appeler Glassberg. Elle même avait pu venir en France car ses parents avaient pu fuir les pogroms d'Europe de l'est, toujours pour des raisons de patronyme modérément apprécié. Pour des gens qui dominent le monde et forçons les gens à se faire vacciner, je trouve quand même qu'on doit beaucoup déménager...

Ces traumas répétés, ces exodes forcés, la terreur rétrospective de voir à quoi on a échappé à perduré longtemps dans ma famille. Mais moi non, je suis un imbécile heureux de vivre en paix. À la faveur d'une insomnie, j'ai lu de nombreux reportages sur l'horreur de l'Afghanistan et je me suis remémoré ce que mon grand oncle Paul me disait quand j'étais tout petit : "Vincent, les diamants dans la valise, la valise sous le lit, le lit près de la porte, la porte près de la gare : ils peuvent revenir, Vincent !". 

Heureusement pour moi, ils ne sont jamais revenus car il n'y a plus de diamants depuis longtemps. Dans les périodes de guerres, on a rarement 3 mois pour vendre son bien au prix du marché. On prend tout ce qu'on a de valeur et je n'ai ni bijoux ni montre... Quelques livres rares, mais là encore, c'est encombrant et peu liquide... Ils ne sont jamais revenus en France, mais ils sont là, en Afghanistan. C'est la même logique, la même folie et le même lâche soulagement autour. Voir les Chinois négocier tranquillement la future gestion des réserves de lithium, d'autres guignent l'opium. Comme dans "l'ordre du jour" d'Eric Vuillard, on voit que l'appât du gain fait fermer les yeux sur bien des horreurs. 

En France, on joue à se faire peur en parlant de "ceux qui veulent importer Kaboul en France". Quelle indécence... Le même film a eu lieu il y a quelques années, avec Daech. Certes, il y eut d'atroces attentats, en France, mais il y en eut bien plus en Syrie, en Irak, en Afrique aussi. Depuis 2009, Boko Haram ("les livres sont pêchés") ont fait 36 000 morts, en Afrique. C'est là bas qu'il faut agir urgemment et plus urgemment que jamais, en Afghanistan. C'est trop tard pour empêcher la prise de pouvoir, évidemment mais pas trop tard pour sauver des centaines de milliers de familles. Dans les semaines à venir, une pression diplomatique forte peut permettre à des centaines d'avions cargos d'atterrir et décoller encore une fois de Kaboul. Et après cela, une pression plus forte encore pourra peut être limiter la catastrophe. Ils ont déjà annoncé que les femmes arrêteront l'école à 12 ans et on peut redouter que les lapidations et autres mutilations et mariages forcés ne reprenne dès l'installation effective du régime.

Je ne parviens pas à me dire qu'un régime comparable à notre référence absolue du mal, la domination militaire en moins (ils ont gagné sans combat et pour surarmés qu'ils soient, les talibans n'ont pas l'armée du Reich) s'installe sans que cela ne mobilise toute la communauté internationale.