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13/05/2014

Compétition, piège à cons

dyn002_original_590_340_pjpeg_53827_bc103bc59291b144da1bfb5286176e2e.jpgDans son excellent livre, L'invention de la diversité, la politiste Réjane Sénac pointait avec justesse la dérive du discours lénifiant visant à réduire l'ensemble des questions relatives à la diversité sous l'angle de la compétition. En clair, l'émergence d'enjeux sociétaux sont vidés de leur essence -une aspiration égalitaire- pour se réduire au discours libérale de l'efficacité maximale. La ligne est étroite, tant il est certain que pour parler à des banquiers, il faut savoir manier les chiffres et il est plus simple de convaincre des financiers en leur proposant des arguments d'ordre économique. Pour autant, cela ne doit pas se faire au détriment de l'aspiration de départ : permettre à chacun de se réaliser avec une égalité de chances. On voit comment ce discours se fracasse sur la représentation politique : l'économique ne tenant plus, le politique se défausse en maximisant les attentes autour des représentants de la diversité qui doivent faire du "3 en 1" comme le montre Sénac. D'où l'émergence de nouvelles figures qui sont des femmes, jeunes et colorées (Dati, Yade, Pellerin...). On voit évidement les possibilités de s'enfermer dans une vision ultra réductrice dès lors qu'on ne sort pas de ce qu'Erhenberg appelle "le culte de la performance" qui a émergé dans les années 80 et dont nous ne sommes pas sortis, malheureusement. 

Les effets néfastes de ce discours sont connus : explosion des inégalités, relégation des plus déshérités mais aussi burn out de tous les aspirants dirigeants qui ne peuvent suivre le rythme fou du manège de l'emploi. Et cela, ça préoccupe autrement plus les financiers que le lumpenprolétariat qui, dans leurs bilans, se trouve dans la case "variable d'ajustement". Alors, il faut trouver des remèdes. La solution consiste à interroger le modèle de production, mais cela provoque un "syntax error" donc on trouve des cautères. Et depuis quelques années on assiste à un concours Lépine du "bien être compétitif". Faire rentrer de l'extra professionnel dans la sphère professionnelle pour épanouir les salariés. Philosophie, arts plastiques, pratiques du sport, manger équilibré, toutes choses louables par ailleurs sauf qu'elles se résument à maximiser le profit... Prenez n'importe quel consultant de Mc Kinsey, E&Y et autres décrypter ses splendides présentations et vous trouverez toujours cette logique binaire "cut the expenses, maximize the profit" et s'il faut passer par la philo pour ça, pourquoi pas. La philo en sort-elle grandit ? Qu'il nous soit permis d'avancer vers un doute socratique à cette question...

Le discours réduisant toute pensée économique à la seule compétition est à l'évidence d'une faiblesse chronique. Et voilà que le Monde titre une interview de Chade-Meng Tan, gourou de la minfullness, cette nouvelle vogue psy "La méditation, un avantage compétitif pour l'entreprise". Ce monsieur doit s'être fait des couilles en or et c'est tant mieux pour lui. Qu'il ait réussi à vendre à Google que prendre 5 minutes par jour pour méditer sur l'absurdité du monde me semble une excellente nouvelle pour lui. Pour ses propres finance et la compétitivité de sa PME. Mais la responsabilité des gogos du Monde qui reproduisent ses propos et des gogos de la com' interne de chez Google qui vont vendre à leur milliers de salariés que pour lutter contre leur mal être de trop de taff ils ont inventé la méditation mindfulness, est lourde. Il faudrait inventer un tribunal du bullshit sur le mode de celui des flagrants délires. Les condamnations à perpétuité seraient légions...

03/05/2014

Les prix à tout prix

Pouvoir-achat.jpgUn article du Financial Times repris par le Monde a vraiment de quoi nous faire réfléchir. On le retrouve ici il s'agit donc d'une évolution des prix depuis dix ans. Au fond, nous n'avons jamais été aussi proche de la maxime d'Oscar Wilde "on connaît le prix de tout et la valeur de rien".

Et là, à regarder les prix par familles de produits que l'on peut plus ou moins s'acheter dix ans après l'entrée dans la modernité du XXIème siècle, on peut dire sans trop se tromper qu'on marche complètement sur la tête...

Que voit-on ? Une montée en flèche des prix de l'immobilier, de l'énergie, de l'eau et de la protection sociale et une forte montée du coût de l'éducation et de l'alimentation. Peut-on faire plus clair ? Tout ce qui est absolument vital a augmenté. Par conséquent on peut nous raconter toutes les carabistouilles que l'on veut sur le pouvoir d'achat, celui qui sert le quotidien est en chute libre.

A contrario, le coût des télécommunications, des jeux vidéos des jouets, de la télévision et de l'informatique ont plongé. Je crois que cela se passe de commentaires...

Dans un immense ouvrage (Festivus, Festivus), Philippe Murray moquait avec une outrance voulue par ne pas prêter au désespoir (que l'on se dise, "ho il exagère" et se rassure ainsi à peu de frais) que le politique en panne de projets proposait aux citoyens de l'événementiel et du festif. Une sorte de généralisation du programme romain "du pain et des jeux". Preuve que l'histoire de l'humanité n'est pas une course permanente vers le progrès, nous n'avons pas réussi à dépasser ce stade...

Dans ses éditos au vitriol contre les "assistés" le Figaro Magazine aime à tancer ses pauvres qui s'achètent des tablettes et des écrans plats pensant ainsi montrer que les minimums sociaux permettent de vivre grassement... En réalité, ils se procurent cela pour rien, car ça ne vaut rien, à crédit, arnaques des taux compris, ils s'en sortent pour 20 euros par mois pendant quelques temps... En revanche, ils ne peuvent se loger dans des logements décents,  vivant dans des passoires énergétiques, ils ne peuvent se chauffer car cela coûterai 10 fois le prix de la télé. Quand on ouvre leurs frigos, les aliments sains et de qualité sont absent, des trucs bourratifs, saturés de sucre et de sel abondent. Mais le Figaro Magazine n'en parlent pas, ça ne susciterait pas l'indignation voulue... Quand une société perd le sens des priorités à ce point, ça ne peut que mal finir...

01/05/2014

De battre le pavé mon pied gauche s'est arrêté...

my_left_foot1.jpgQuand à moins de 35 ans on peut se targuer de compter quasiment 30 défilés du 1er mai, à l'évidence la politique n'est pas une mince affaire. Plus qu'une marche au nom de l'histoire, c'est pour la tradition familiale solidement enracinée que j'aime à rejoindre les cortèges. Je dois mes t-shirts les plus ridicules à ces jours ci ("L'ordre mon cul, la liberté m'habite", "Strike, just do it" et autres...), de beaux souvenirs, de belles photos.

En 2012, nous battions le pavé en espérant qu'enfin, Sarkozy fasse ses valises et aille encourager la carrière musicale de sa femme. En 2013, le désenchantement grandissait mais l'idée d'une alternative existait. Cette année, c'est la casse. Dans tous les sens du terme. Entre mes proches qui somatisent et dont les douleurs lombaires signifient à l'évidence qu'ils en ont plein le dos de ne pas voir d'éclaircie, ceux qui ne fêtent pas le travail, ceux qui n'ont pas envie et ceux qui se sont barrés en week-end. Je me suis retrouvé seul. Pour une fête du collectif, c'est ballot. Le ciel s'en est mêlé. J'en ai vu d'autres.

J'ai défilé sous la pluie en 2003, pour gueuler contre une inepte réforme de la sécu de Raffarin, les blancs se faisaient bien rares dans les rangs... Le soleil n'a pas si souvent que cela été au rendez vous. Peu m'importe. Parfois nous étions à deux chiffres, parfois je ne marchais qu'avec un ou deux camarades de virée. Il y avait toujours des rencontres opportunes, des slogans fédérateurs et une bière rassérénante à l'arrivée. Cette année, si je veux mon houblon il me suffira d'ouvrir le frigo. Je ne bouge pas et je crois que nous serons des dizaines de milliers à ne pas nous être déplacés cette année. Lassés et épuisés qu'alors qu'il n'a jamais été aussi simple d'être de gauche, l'alternative s'étiole. Le capitalisme a montré ses limites de façon criante. 2008, c'est la crise du libéralisme, depuis les inégalités galopent encore plus et même le FMI et l'OCDE, peut susceptibles de gauchisme rampant, s'en affolent... Et Hollande choisit Valls. 41 députés socialistes ont fait la moitié du chemin en s'abstenant mais ils auraient du voter contre... Du coup, le Torquemada de sous préfecture fronce les sourcils, mais ne plie pas. Il va continuer à mener sa politique dont Philippe Ashkenazy, économiste conseiller d'Hollande (!!) dit qu'elle est clairement de droite et que la question pertinente est de savoir si elle l'est assez... Et face à cela, alors que le FN est annoncé à 24% pour les européennes, je vois que les défilés seront morcelés. Disloqués, éparpillés façon puzzle. Aucun des dirigeants politiques et surtout syndicaux n'a été foutu de mettre son orgueil, son détestable orgueil de côté pour unifier, enfin. Alors je me suis dit merde, vive la sieste et la lecture, le sybaritisme à l'état pur pour célébrer le travail. 

Dans son premier rôle à Oscar, my left foot, Daniel day Lewis incarnait un peintre handicapé qui ne pouvait mouvoir uniquement son pied gauche. Et avec cet improbable membre pour tenir un pinceau, il réalisa de charmantes toiles. C'est dire la force qu'il y a dans le pied gauche quand le cerveau le soutien. Ce matin, la liaison entre mon cortex et mon sinistre panard a été rompu. Quand cela met fin à une tradition tri décennale, il y a de quoi pousser un très, très long soupir.