Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/12/2014

L'emprise du TINALP

socialtraitre.jpgJe vais expliciter l'acronyme en titre, volontairement en anglais puisqu'il s'agit d'une pensée global : there is no alternative left possible. Hier, en ouvrant mon journal de référence, j'ai été choqué par les mots choisis pour parler des excellents sondages accordés à Syriza ou Podemos. "Sueurs froides", "l'Europe a peur", "un cataclysme surviendrait" ; l'article est consultable  et on se pince franchement en le relisant... Le dogme de la pensée éclairée, le merveilleux champs des possibles raisonnables sait ce qui est possible et les solutions proposées par Syriza ou Podemos n'en font manifestement pas partie...

C'est tout de même hallucinant. Le champ lexical employé est encore plus violent que lorsque Viktor Orbàn menaçait d'arriver au pouvoir en Hongrie. Avec Orbàn, on parle tout de même d'un type qui a coupé tous les budgets à la culture, fermé les médias qui ne lui plaisaient pas, fait adopter des lois flirtant avec l'antisémitisme, tenus des propos à l'endroit des minorités sexuelles plus que border line et fait passer notre traitement des populations Roms pour un modèle d'humanité. Mais tout cela ne justifie pas les sueurs froides, parce qu'Orbàn, les 3%, l'austérité salariale et autres dogmes libéraux (en termes économiques), ça lui va fort bien. Il n'aime pas trop le pluralisme et la démocratie, il a d'ailleurs théorisé le concept de "d'Etat illibéral, avec comme modèle Singapour, la Turquie, la Chine. Non vraiment, un mec bien.

Podemos eux en revanche, ça tétanise Bruxelles. Il faut quand même rappeler que ce parti est l'émanation politique du mouvement des indignés qui occupait la plaza del Sol et qui, de façon éminement démocratique ont rédigé, patiemment, des cahiers de doléances. Ils ont en tiré des propositions et bâti un programme politique. Des chômeurs, des précaires, beaucoup d'étudiants à bout de nerfs, de stagiaires désabusés, d'entrepreneurs ne pouvant entreprendre et de profs. Pas vraiment des factions de haineux. Ils ne viennent pas sur une base identitaire, sur des marqueurs sociétaux et autres débats clivants dans l'ère du temps. Non, ils ont fondé leur programme, leurs idées, sur une autre vision de la société, du partage du travail et des richesses, de la valorisation et de la priorisation de certains secteurs (genre l'éducation, la santé, les énergies propres). Un truc un peu basique qui, ont a trop tendance à l'oublier, était censé être la base du politique.

Ce ne sont pas des gauchistes, des zadistes, ils ne sont pas violents, n'appellent à aucun meurtre et pour autant, ils sont traités dans les médias avec les mêmes égards que Godzilla. Que la droite pousse des cris d'orfraie en les voyant, c'est bien le moins, elle l'a toujours fait. Mais si les progressistes osent se pincer le nez à leur tour, là, quelque chose est cassé. Je veux bien que certains continuent à contester les thèses des "nouveaux chiens de garde" de Serge Hallimi, mais qu'ils ne prétendent pas s'opposer par souci du bien commun, juste des leurs (de biens). Forza Podemos et joyeux noël à tous...

16/12/2014

Chronique de la tension ordinaire

EaseTensionWordCirclewebpage.jpgCe matin, je suis parti animer un colloque sur l'insertion de personnes vulnérables. L'événement se passait à la Défense. C'était tôt, une promesse à des amis, donc inratable. Comme toujours, je ne pars pas en avance, trop tard pour prendre le métro, situé en zone 2, je saute dans le RER, qui sort au même endroit, mais en zone 3. C'est aberrant, Kafka adorerait, mais c'est comme ça. J'ai un Pass Navigo annuel 2 zones. L'an prochain, grâce au pass unique, tout sera terminé, mais pour l'heure, en sortant du RER je suis donc hors la loi, quand j'eus été dans les clous en métro. Bon. Passons. Sauf que je ne passe pas. Deux contrôleurs me barrent la route. Bonhomme, je sors mon pass. Ils froncent les sourcils.

"Vous êtes en infraction, 60 euros, êtes vous en mesure de payer cette somme tout de suite et si oui quel est votre mode de paiement ?". Ceci, prononcé si vite et sans sourire me laisse penser que la négociation sera complexe. Du coup, j'argue que j'étais pressé, bla bla, que j'ai un pass annuel et que je suis un bon citoyen, bla bla. Kafka métro/RER tout ça. L'un des deux lâche prise, mais l'autre s'énerve "z'êtes passé derrière quelqu'un, fraudeur, pas bien". De guerre lasse, je dis que je vais payer, le colloque arrive, il faut partir. L'autre contrôleur, bonne patte, note que j'ai un Pass annuel et donc me dis, 33 euros. Mais je ne décolère pas et nous nous quittons tous les 3 forts fâchés.

Au-delà de l'anecdotique amende (mes finances s'en remettront) ce que je retiens de cet épisode, c'est la chronique d'une tension ordinaire, de celle qui fracture la société française. Car le plus patibulaire des deux a pensé qu'en plus des fraudeurs récidivistes qui tentent de s'esquiver, gueulent, voir les injurient, un nanti en manteau soyeux et beau costume fraude sous son nez et n'est même pas capable de faire profils bas. Pire, le jeune gommeux a osé lui dire qu'il était en retard alors que lui vient tous les matins de Picardie, là où l'immobilier était abordable. Que lui fait-il la leçon ?

Pour la Picardie, il me l'a dit. Pour le reste je l'ai deviné. Quand à moi, bien sûr que je suis fâché, mon pass annuel prouve bien que je ne me défile pas, ne resquille pas. Et on vient me chercher des poux pour ça quand des Thévenoud, des Cahuzac et tant d'autres avancent joyeusement dans des fraudes 1000 fois supérieures avec un sentiment d'impunité. Perso, ma mauvaise conscience d'héritier de gauche m'empêchera de pester plus loin que cette note de blog. Mais je comprends l'exaspération de ceux qui ont l'impression d'être d'une honnêteté parfaite et qu'on vient faire chier pour d'insondables règlementations tatillonnes...

15/12/2014

Impasse d'un monde ancien

2014-12-14 12.47.39.jpgAprès une très grosse période de turbin, où j'avais notamment délaissé honteusement ce blog, j'ai eu la chance de m'offrir une escapade en Toscane. Pour y rejoindre des amis cherchant un lieu hors des écrans radars. Nous voilà donc à une heure de Florence, dans un village aux deux restaurants, Radiconoli. Et encore, notre maison est à l'écart, vraiment perdue. Hier matin, nous empruntons un chemin à peine dégagé qui part de chez nous, direction l'autre village voisin, Belforte. Wikipedia nous apprend qu'il s'agit d'un fief médiéval, érigé au XIIIème siècle et connu pour la beauté de ses rues.

Effectivement, c'est beau. Beau comme un village encaissé, avec une multiplicité de belvédères. Beau aussi, comme des rues fièrement pavées et tout cet alignement de maisons anciennes en briques rouges, aux fenêtres et toits homogènes, à peine entachées par la modernité d'un emblème postal ou d'un sigle de tabac. Au sommet du village, un café restaurant du temps perdu au néon crépitant. On s'approche, deux septua ou octogénaires tiennent le comptoir de guerre lasse. On imagine que les enfants n'ont pas voulu reprendre l'affaire. La faim est un peu présente mais l'immense réfectoire complètement vide incite à prendre un café. Un mot laissé sur la porte indique que le café n'ouvre ses portes que le samedi et le dimanche pour les six mois d'hiver. L'été, les touristes viennent gonfler la voilure comme par enchantement. Dix fois plus d'habitants. Mais nous sommes l'hiver et le restaurant sonne creux.

Nous nous engouffrons dans l'artère principale, déserte. Même l'église est fermée, un dimanche matin. On se croirait dans Daisy Town, à peine croise-t-on deux enfants qui sortent, sans doute attirés par le bruit des pas. En levant la tête, on aperçoit un panneau "vendesi", de la photo ci-dessus. Puis deux, trois, et une infinité d'annonces similaires transformant la rue en une impossible braderie. Au bout de l'allée, de belles berlines sont garées devant de luxueuses maisons. Ceux-là ne partiront pas. Pour les autres, c'est l'exode qu'ils désirent. Triste chronique d'une ruralité trop enclavée pour un monde ultra urbain et désertification ordinaire. Sans doute cette fois-là cela m'a t'il plus serré le coeur que d'habitude. Non que je manque de chauvinisme, mais je ne trouvais pas de charme particulier à ces bourgades françaises à l'abandon. Là, nous parlons bien de bicoques érigées et préservées alors que Dante écrivait sa Divine Comédie. Le village se vide, personne ne se presse pour le remplir (renseignements pris, les maisons sont à vendre une bouchée de pain). J'ai aperçu quelques bambins, leurs vélos et la motocross d'un ado et je me suis demandé ce que c'était de grandir dans un lieu à la disparition annoncée. Sans doute tous ont ils l'envie de tourner le dos à ce trou perdu, comme les enfants des patrons du café restaurant qui n'ont pas repris l'affaire. Des saisonniers s'organiseront peut être pour faire tourner le village l'été. Avec une ou deux bonnes applications internet, on doit pouvoir surveiller tout cela l'hiver, toiletter l'ensemble du village en une semaine à l'orée de l'été, aérer les maisons, faire les poussières, changer les draps et relancer la cuisine. Ainsi pourra-t-on donner tout de même vie à ce village musée qui dominait le monde il y a sept cent ans.