Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/11/2014

A la recherche de temps perdu

89446135_thumb[40].jpgDe nombreux articles récents se pâment devant l'intelligence de Zuckerberg et Obama qui optimisent le choix de leurs décisions quotidiennes. Bigre ! Ont-ils trouvé une nouvelle méthode de management révolutionnaire, une mécanique de l'âme inédite ? Que nenni. Ils ne perdent pas de temps à choisir leurs fringues. Ha...

Félicitations aux scribouillards qui arrivent à convoquer 5 psychologues et trois experts en management pour commenter ce non choix vestimentaire comme l'épure absolue du leader moderne, la rationalité à l'état brut, le paradis de Bentham, père de l'utilitarisme. Sans déconner...

Ce ne serait pas Obama et Zuckerberg, tout le monde dirait "pauvres mecs". Après tout, le malheureux Thierry Ardisson fait ça depuis plus de 20 ans, l'homme en noir. Et Philippe Merieu, l'homme en blanc ? On se distingue comme on peut... Il y en eut des milliers d'autres dans le passé qui avait compris que l'éducation étant la répétition, l'éducation à l'oeil c'est la répétition d'un visuel. Nos politiques le font tous pour d'autres raisons que celles évoquées par Obama. Mélenchon incruste dans la rétine des téléspectateurs sa cravate rouge sur chemise blanche et veste noire. Sarkozy et Hollande ont les mêmes complets, les mêmes cravates, les mêmes manches trop longues pour l'un et boutons de manchettes trop gros pour l'autre (vraiment complexé, ce garçon). Ca peut s'entendre, après tout ; Superman, Zorro ou Blanche Neige sont avant tout reconnaissable à leurs costumes. Prenez Superman qui déciderait d'arborer un complet pied de poule avec slip sous et non sur le pantalon, on ne le reconnaitrait pas. Mais hormis cela, pas de quoi pavaner à l'idée de ne pas "perdre de temps" à s'habiller.

C'est cela qui est proprement navrant, le culte stupide de l'efficacité où s'habiller serait perdre du temps. Comme perdre du temps à table, lire des romans ou regarder la forme des nuages. Qui a déjà rencontré des inventeurs, des artistes, des défricheurs, des entrepreneurs, tous vous diront que l'étincelle survient toujours au moment où vous ne l'attendez pas. Perdre du temps à s'habiller est un plaisir gourmand. Il y a le délice du moment où l'on s'estime devant la glace en se demandant si c'est bien raisonnable (une veste trop brillante, des baskets trop saillantes, une chemise trop ouverte) et où l'on y va quand même. Ces moments volés à la pure rationalité constituent mes sucreries quotidiennes. Ceux qui ne savent pas perdre de temps ne savent pas vivre ; remercions les quand même de mener le monde en ligne droite et rejoignons les par les chemins de traverse. 

 

25/11/2014

J'ai pas fait sciences-po, mais je ne m'excuse pas...

florence-noiville-jai-fait-hec-men-excuse-L-1.jpegQu'on ne se méprenne pas, j'aime Sciences-Po (comme l'autre aime l'entreprise). Quitte à choisir une business school, autant en prendre une dotée d'une ambition d'enseignement des humanités avec de nombreux universitaires de haut vol et un respect pour les sciences humaines, une activité de recherche et des publications de qualité. Maintenant, ça reste une business school. Avec une pensée mainstream, une génuflexion permanente devant les dogmes de croissance, de LOLF et autres rationalisations des comptes publics. Bien sûr, sciences-po, c'est la crème de la gauche chic, du Monde, une croissance responsable et humaniste, vertueuse et heureuse et autres oripeaux du capitalisme en velours côtelé. 

C'est donc crucial pour la France d'avoir sciences-po, ça permet d'avoir des managers moins obtus que leurs collègues d'HEC. Et puis sciences-po à l'autre immense mérite d'avoir définitivement acté l'incapacité de l'Etat à reproduire des égaux et a donc mis le paquet sur les programmes de compensation sociale avec un taux de boursier plus de trois fois supérieur à celui de l'école de Jouy en Josas. Voilà, donc sciences-po, merci.

Mais le problème est l'image qu'on de sciences-po un grand nombre de recruteurs français. Ils sont victimes d'une intoxication culturelle ; il en va de celle-ci comme de l'intoxication alimentaire, c'est jamais vraiment totalement ta faute, mais tu aurais pu faire un gaffe... A 8 jours d'intervalles, j'ai vu passer des annonces pour des postes demandant quoi ? De l'organisation, de la synthèse et une capacité à écrire. Chaque fois, les recruteurs précisaient bien "profil type sciences-po". Mais comment peut-on encore associer une qualité aussi universelle que le fait de bien écrire à un diplôme ? On aime que les médecins et les avocats aient un diplôme, les boulangers et les plombiers aussi, mais on les juge sur pièce (je confie mon évier à un type qu'on m'a recommandé, je ne m'allonge pas sur un billard quand je suis pas sûr des parchemins de celui ou celle qui tient le bistouri). Ecrire ? Modiano, Le Clézio, Céline Minard, Marie n'Diaye n'ont pas fait sciences-po. Eric Zemmour, si... Voilà voilà.

On vante beaucoup les mérites d'ouverture intellectuelle des jeunes sciences-pistes. A tort. Comme des bons étudiants de business schools, ils débitent des slides et lisent un livre par mois les bons mois. Ce sont des as de la synthèse convenue, des phrases toutes faites. Bien sûr, chaque année, sciences-po produit une fournée de bonnes plumes, de têtes pensantes, parmi les effectifs pléthoriques de l'institution, il y a ce qui faut, mais de manière globale, quand je me suis retrouvé devant un amphi de sciences-pistes, leur curiosité m'a moins frappé qu'à Paris 8...

Il faut dépolluer nos imaginaires segmentants : à quoi bon se plaindre qu'on cherche à nous faire rentrer dans des cases si c'est pour perpétuer la mauvaise tradition en associant le beau style à une seule école ? Nous sommes en train de dépasser la Chine en matière de mandarinat, pas de quoi pavoiser...

 

24/11/2014

Un Arif inaudible

120613_GeorgeMarks_young-woman-cupping-hand-to-ear.large.jpgLe télescopage des deux informations a de quoi interpeller. Au Portugal, l'ex premier ministre socialiste José Socrates a été arrêté pour corruption. L'opinion publique réclame du sang. Le pays entier réclame justice. Chez nous le secrétaire d'Etat Kader Arif a démissionné suite à un soupçon de délit de favoritisme. Bon, je sais que votre première réaction sera l'étonnement : Kader Arif était secrétaire d'Etat ? Ouais, aux anciens combattants. Inutile de préciser que passé le 11 novembre du centenaire, son importance protocolaire devenait aussi indispensable que des bretelles à un lapin. Il n'empêche, un membre du gouvernement a dû démissionner pour des question d'éthique et tout le monde s'en fout.

Reprenons : un membre d'importance modeste dans le dispositif démissionne de lui même pour un soupçon de délit de favoritisme avec une boîte gérée par son frère, à qui il aurait donné sans appel d'offres un contrat de 50 000 euros. Véniel, comparé à ce que nous avons vécu avec Cahuzac et Thévenoud. Une broutille, une anecdote. Mieux, il a démissionné de lui même sans être poussé vers la sortie, c'est donc que c'est le métier qui rentre. Aussi, on pourrait peut être féliciter les socialistes pour leur bonne gestion de l'éviction ?

C'est dans doute ce qu'ont décidé de faire éditorialistes et commentateurs qui n'ont pas eu un mot dans leurs émissions du week-end sur ce sujet. Hier, comme souvent, je me suis cogné toutes les émissions avec interviews politiques du week-end. La dette, les sifflets reçus par Alain Juppé, la suppression de la pub à la Grenoble, mais pas un mot sur Kader Arif. Ce matin dans la revue de presse du week-end de France Inter, pas un mot itou. Ca s'appelle mettre la poussière sous le tapis, au nom sans doute de ce qu'évoquer des affaires de favoritisme ou de corruption "fait le jeu du Front National" selon l'expression consacrée. Ceci sans voir que le FN est bien plus pourri que les autres avec près de 15% de ses élus condamnés par la justice, contre 2% pour le PS ou 3% pour l'UMP (étude européenne dont il faudrait que je retrouve le lien). Des précautions hygiénistes superfétatoires dans la mesure où cela ne restaure pas ce qui nous manque. La commission Sauvé mise en place par Martin Hirsch proposait de résoudre cette question des conflits d'intérêts. Mais elle reste lettre morte et surtout pas poursuivie. Je sais bien qu'il est délicat de scier la branche sur laquelle nous sommes assis, toutefois on pourrait espérer qu'un sursaut Républicain pousse Hollande a dire "la fin de mon mandat sera marquée par une refonte des institutions et des lois sur la transparence de la vie politique". Ca ne coûterait pas grand chose, en plus. Ca nous éviterait d'avoir à expliquer comment Dassault a pu donner 50 millions en petites coupures sur 25 ans... Il serait en taule, point barre et exclu de toute vie publique. Mais nous préférons une taiseuse réaction. Rarement l'expression "silence assourdissant" a aussi bien porté son nom...