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10/03/2019

Si ça n'est pas de la corruption, ça y ressemble fortement

Suite aux déclarations de Marine le Pen selon lesquelles LREM était financé par Monsanto au Parlement européen, Le Monde est allé vérifier et la présidente du RN dit à peu près vrai. Le groupe au côté duquel siègera (ils n'y siègent pas encore, trop jeune, mais c'est la seule faute) LREM est bien financé par Bayer-Monsanto, et Disney, et Uber, et autres. Et ce, dans le plus strict respect de la légalité, mieux encore les partis y sont incités puisqu'ils doivent avoir une part conséquente de leurs budgets ne provenant pas uniquement de subventions et pour les partis dépourvus d'une généreuse (ou nombreuse) base militante, la manne des entreprises est inespérée.

Et là on se demande ce qui est passé par la tête des législateurs pour considérer que des dons d'entreprises constituaient un progrès pour l'intérêt général ? L'histoire politique est jalonnée par des scandales de corruption par l'argent privé caché, maquillé, de Loréal à la Lyonnaise des Eaux, de Véolia à Elf en passant par le Crédit Lyonnais, on ne compte plus les champions du dessous de table : en quoi le fait de montrer les financements rend-t-il cela vertueux ? 

Ce qui m'amuse, comme pour la vie politique française avec les dons en campagnes, c'est l'argument pour nier le caractère corruptif de ces dons. En bons experts du benchmark, les soutiens de LREM et autres tenants de ces financements évoquent le fait que "les sommes en jeu sont dérisoires et bien insuffisantes pour constituer de la corruption". En l'occurrence, au Parlement, les sommes sont plafonnées à 18 000 euros. Bien loin de Bygmalion, certes. Mais est-ce vertueux ou souhaitable pour autant ? A l'évidence, non. Que cache ses dons qui ne peuvent être désintéressés ? Pourquoi ne pas les donner aux salariés ? Ca ferait trop peu, d'accord. Aux Restos du Coeur, alors. Rien. Il n'y a rien qui justifie le fait que des dons d'entreprises soient vertueux. Aux Etats-Unis où les dons sont non plafonnés, on en voit les ravages toxiques : des grands groupes pratiquant l'optimisation fiscale financent ? Politiques fiscales avantageuses et à la baisse pour les grands groupes. Grandes banques financent ? Absence de régulation, assouplissement des prises de risques... Les pétroliers financent ? Les permis de forer, y compris en zone ultra protégées, pullulent. Uber finance ? On les protège contre les municipalités trop agressives. Etc....

La seule manière de maintenir l'intérêt général c'est de pouvoir tracer les fonds et d'être certains de leur neutralité. Ce qu'il y a derrière ces 18 000 euros, et potentiellement bien plus, voilà le problème. Car Uber a embauché Nelly Kroes, ex commissaire Européenne à la concurrence, Facebook a embauché Nick Clegg, ex 3ème homme du Royaume Uni, Goldman Sachs a embauché des bataillons d'ex ministres et on ne compte plus les anciens de cabinet ministériels dans ces grands groupes donateurs des partis libéraux européens. Si ça n'est de la corruption, ça y ressemble fortement et le climat politique actuel s'en passerait bien... 

05/03/2019

Macron et l'Europe : faites ce que je dis, pas ce que je fais

Plus c'est gros, plus ça passera ? En lisant la lettre de Macron, je songeais qu'il fallait impérieusement en informer l'auteur de la politique déployée en France car elle va dans une direction à 180° opposée à celle défendue là...

L'Europe des libertés ? En 2016, Macron fut le chef d'orchestre de la loi sur le secret des affaires qui a vu la France plonger au classement de la liberté de la presse établi par RSF, notamment à cause de la fragilisation des rédactions et le manque de protection des lanceurs d'alerte. 
Sur les libertés publiques, le dernier texte sur l'interdiction de manifester, après l'Etat d'urgence inséré dans la constitution a fait hurler tout ce que notre pays compte de défenseurs des libertés publiques. Mauvaise blague.

L'Europe de la démocratie contre l'invasion des puissances étrangères ? Ou est la banque de la démocratie promise par Macron qui permettrait à tous les partis d'emprunter à égalité... Le RN représente 25% des électeurs depuis 10 ans, on peut ne pas les aimer, mais il est fou et antidémocratique au possible qu'aucune banque française ne leur prête quand ils sont assurés d'être remboursés de leurs frais de campagne. On ne pouvait les envoyer plus directement vers les fonds russes... Et d'autres formations populaires comme LFI rencontrent les mêmes problèmes à rebours des principes les plus élémentaires de la démocratie. Mauvaise, mauvaise blague.

Enfin, face au "invasions numériques" qui a confié le compte Pôle Emploi à l'intelligence artificielle d'IBM ? Qui a convié Google et Facebook à Versailles en leur promettant monts et merveilles plutôt que d'essayer de construire des géants européens ? Mauvaise, mauvaise, mauvaise blague...

La seule planche de salut de Macron c'est de montrer Orban et Salvini en disant qu'il est moins pire qu'eux. Sans doute. Mais s'il est un tenant de l'Europe qui protège, alors la ligue du LOL sont les héritiers du MLF...

01/03/2019

Plus que l'oeuf ou le boeuf, qui vole ? Et surtout, qui vole qui ?

Ce soir, pour la 100ème fois, Carlos Ghosn dormira en prison. "Encore heureux" pensera celui regardera les faits reprochés : 74 millions d'euros d'impôts non payés. "Atteinte aux droits de l'homme" dira celui qui s'émouvra des conditions de détention ("cellule exigüe", nous dit on, mais individuelle tout de même) et du fait que le prévenu "nie les faits qui lui contestés". Cette ligne de défense ahurissante était proférée ce matin par un éditorialiste des Échos, qui disait que dans une démocratie on pouvait à minima s'interroger sur la légitimité de prolonger la détention...

74 millions. Une vie de travail au SMIC rapporte environ 740 000 euros (bruts...). Carlos Ghosn a détourné, volé, 100 vies de labeur d'ouvriers... 4 000 années de leur travail. Reprendre les ordres de grandeur donne le tournis. Et cet argent n'a pas été volé à des actionnaires, à des milliardaires, ni même aux salariés de Renault, mais à l'Etat français. Combien de travaux dans les facs, de chauffage dans les écoles, d'augmentation des infirmières, d'embauches de soignant(e)s avec une somme pareille ? Si l'on mettait en face de la somme de 74 millions tout ce que l'Etat aurait pu faire, nul doute que la réclusion à perpétuité obtiendrait une majorité de suffrages.

De l'autre côté du spectre, des voleurs de pomme dorment en prison sans que ça n'émeuve personne. Je mets volontairement les violences physiques ou les dégradations de côté pour ne pas ouvrir un débat "violence sociale vs violence physique". Je reste sur les voleurs. De fringues, de clopes, de billets. Encore une fois, je ne parle pas des cambrioleurs qui agressent des parfois malheureux et les détroussent sans savoir si une assurance réparera au moins le matériel. Mais pour les autres, les chapardeurs de grande surface qui finissent en prison ? Quand on pense à ce qu'ils ont ôté à la collectivité, on pleure.   

Reprendre les ordres de grandeur sur les sommes et l'identité des voleurs changerait tellement nos perceptions. Non pas qu'on euphémise, atténue ou absout une forme de vol, mais le relativisme en la matière n'est plus permis. D'un côté, des pauvres hères qui survivent de rapines et risquent la spirale d'un enfermement dans des conditions telles qu'il débouchera sur une surenchère de violence. Dans le lot, bien sûr, quelques brigands, mais de façon infinitésimale. 95% des personnes arrêtées pour trafic de stupéfiant gagnent bien moins que le SMIC avec leur commerce illégale. Les gros bonnets du trafic sont une tête d'épingle et je ne connais pas grand monde pour éprouver une quelconque clémence vis à vis de bandits gagnant des centaines de milliers voire des millions d'euros avec la drogue. D'ailleurs, ces escrocs ont les mêmes avocats et les mêmes fiscalistes que les PDG du CAC 40. La série The Wire avait magistralement montré cette collusion de l'argent sale, la réalité s'est alignée : après la crise de 2008, on a appris que Bank Of America avait été sauvé par l'argent du narcotrafic. 

 

L'affaire Cahuzac avait mis à jour la peur panique de l'ex ministre à l'idée de dormir en prison. L'affaire Ghosn rappelle l'effroi généralisée d'une caste à l'idée de dormir à l'ombre. On sait de façon assez documenté que la responsabilité pénale a fait chuter de façon drastique les accidents en usine et les mauvaises pratiques. La même chose devrait plus que jamais être crée pour les délits financiers.

L'adage qui vole un oeuf vole un boeuf ne vaut pas pour deux raisons. D'abord, l'explosion des inégalités fait que lorsque les premiers volent toujours un oeuf, les autres volent des milliers de boeufs. Ensuite, les premiers le font pour leurs poches, quand les seconds vident celle de la communauté. Dans les deux cas, la prison n'est pas forcément indiquée et des peines compensatoires, des travaux d'intérêt général seraient sans doute mille fois plus avisés, mais en tous cas, la peur du gendarme, la fin de l'impunité se fait chaque jour plus pressante. Pour qu'enfin apprenant l'arrestation de Carlos Ghosn, tout le monde puisse se dire "enfin", et surtout exiger que les 74 millions soient rendus à l'Etat.