Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/01/2021

Sans déconner

Dans une chronique savoureuse dont il a le secret, François Morel racontait qu'un jour en loges avec Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle, une télé allumée montrait Frédéric Mitterrand qui discourait.

Marielle : qu'est-ce qu'il fout là, celui-là ? 

Rochefort : bah, c'est notre ministre ! Le nouveau ministre de la culture.

Marielle : Sans déconner ! 

Et Morel de gloser sur les registres de "sans déconner", ni outrancier ni feint, simplement une forme de sidération redoutant d'être bientôt dépassée par une blague plus grosse encore. Et bien c'est exactement ce que j'ai ressenti, hier, en apprenant qu'Agnès Buzyn était nommée au cabinet du directeur de l'OMS. Agnès Buzyn, celle la même qui a quitté le ministère de la santé pour la mairie de Paris en février, pensant que la pandémie n'arriverait pas en France, promue au sein d'une instance mondiale. Agnès Buzyn n'est évidemment pas dépourvue de qualités professionnelles, mais pourquoi diantre ne redevient-elle pas médecin ? Pourquoi ne va-t-elle pas diriger une clinique privée, faire profil bas, retourner au contact de malades ? 

D'ici quelques mois, nous retrouverons bien Benjamin Griveaux dans ce genre de poste trop copieux eu égard à son bilan, j'en suis certain. On ne compte plus celles et ceux de nos responsables politiques qui, après des échecs incroyables (je ne parle pas de défaite électorale, mais de gestion désastreuse des affaires dont elles et ils avaient la charge), vont directement à la case planque dorée sans passer par le retour à la base : parfois à la Commission Européenne, ou d'autres postes bruxellois (comme Harlem Désir, représentant pour la liberté des médias à 10 000 euros par mois non imposables après 3 années ectoplasmiques aux affaires européennes) parfois au CESE, ou dans des comités Théodule, aux rémunérations et avantages souvent replets qui finissent toujours par faire l'objet d'un article dans le Canard Enchaîné.

Chacune de ces nominations, chacune de ces promotions matérielles (à défaut de symbolique) est un clou de plus sur le cercueil de la démocratie. Ces navrantes prébendes sont évidemment le meilleur carburant des autocrates et autres candidats "anti système", de Donald Trump à Boris Johnson en passant par Beppe Grillo, tous visaient la corruption "d'élites" auxquelles ils appartiennent bien sûr, mais peu importe, ça passe. Quand on est élu.e publique, quand on exerce une fonction publique, d'intérêt général, on ne peut plus se permettre ça, faute de quoi on déballe le tapis rouge à pire régime encore.  

Pourtant, le problème n'est pas lié au "politique", ce n'est pas un mal public, loin s'en faut. Ça, c'est ce que serine la fable libérale qui voudrait faire croire que "dans le privé, on prend des risques et quand on se plante, on se plante cash et on recommence en partant de la base, en vendant des hot dogs". Le regretté David Graeber dans "Bureaucratie" explosait cette bulle de mensonge pour montrer que c'est un problème d'endogamie des élites et que le privé recyclait tout autant celles et ceux qui ont échoué avec des émoluments hallucinants. 

On ne compte plus les PDG qui sont appelés à la rescousse pour prendre la tête de multinationales après en avoir planté d'autres, avoir licencié en masse, brisé des milliers de familles. Pour eux (rarement "d'elles" dans les patrons), aucune opprobre au motif, très raccourci, que ça n'est pas de l'argent public. Le vrai problème c'est l'incommensurable sévérité des élites privées comme publics pour l'échec des autres et l'incroyable douceur, voire légèreté, avec laquelle ils jugent leurs propres fautes. 

04/01/2021

Il n'y a pas de zone grise du consentement vaccinal

Trois ans de débats post #Metoo ont fini par faire tomber le mythe de la fameuse "zone grise du consentement" en matière sexuelle. Ce concept était toujours mis en avant par celui qui ne prenait pas "non" pour une réponse. Cela ne signifie pas que tout est toujours évident et sous-titré, que l'auto-censure n'existe pas, qu'il n'y a pas des stratégies intériorisées qui peuvent pousser certaines femmes à accepter des relations qu'elles ne souhaitaient pas au début. Bien sûr que si, ces cas existent, mais la "zone grise" au sens d'un incertain où tout est permis, est une fumisterie. En réalité, quand il y a échange, discussions (y compris non orale ; en matière de sexualité, les corps, les yeux, les gestes parlent d'eux mêmes) le consentement est aisé à recueillir, ou à en constater l'absence. 

Voilà à quoi je pensais ce matin en entendant nombre de responsables, politiques comme médicaux, parler de l'accélération de la vaccination, omettant de faire davantage consentir la population. Le débat étant abrasif et clivé, chacun.e étant sommé.e de se positionner, je précise que je suis ultra pro vaccin, militant, sans débat, et que lorsque ça sera mon tour, j'irai me faire vacciner. J'irais pour une raison fondamentale : la vaccination est à la fois égoïste et altruiste. On se vaccine pour se protéger  de la maladie, mais surtout pour protéger les autres, les éventuel.les malades comme les soignant.es débordé.es. La non vaccination, en revanche, est uniquement égoïste : on compte sur les autres pour éradiquer la pandémie et vivre à nouveau comme avant. C'est une différence fondamentale. Et il faut le rappeler. Les anti vax sont des NIMBY, ni plus, ni moins. Pas forcément des adversaires, mais des personnes qui se trompent de colère. On ne peut pas les rallier par la force, mais uniquement par la pédagogie, recueillir le consentement en expliquant à quoi cela sert. 

Souvent, dans un débat sur les vaccins classiques, nombre de petit.es malin.es me disent "mes parents ne m'ont pas vacciné et je vais bien" et on leur répond invariablement "car tout le monde est vacciné, donc la maladie éradiquée. Tu n'as pas la rougeole, la polio, la variole, grâce aux autres". Fin du débat. Et on peut avancer. Il faut faire ce même effort de dialectique de façon approfondie tant la défiance vis à vis du vaccin Covid est bien plus forte.

Les résultats pour un vaccin n'ont jamais été si rapides ? Mais jamais ô grand jamais on a mis tant de moyens, financiers comme humains, pour chercher. Jamais non plus on avait sous la main autant de cobayes volontaires, tout était réuni pour trouver vite et les labos étaient évidemment motivés par le fait de sauver le monde et empocher le jackpot. Si les malades du paludisme étaient solvables comme les occidentaux, il y a longtemps que la science aurait trouvé davantage... Il faut le dire, l'expliquer, être clair et net. De même qu'il ne sert à rien de cacher les profits en milliards que vont engranger Pfizer et Astrazeneca, les marchandages entre États pour obtenir plus de doses ; les faire passer uniquement pour des alliés du bien commun, prendre les gens pour des cons, n'a jamais fait avancer le schmilblick...

La stratégie vaccinale des médecins prend en compte ce recueil du consentement, y compris en EHPAD et c'est tout à son honneur. On ne gagne jamais rien à passer en force. De même qu'on ne se remet pas d'un drame comme l'assassinat de Samuel Paty en forçant des gosses réfractaires à la laïcité à chanter la Marseillaise, on ne gagnera pas les anti-vax avec une rhétorique martiale. 

De tous les drames de 2020, le pire était sans doute la perte de capacité à se projeter. Nous étions tous englués dans un présent éternel, anxiogène, où il n'est pas possible de reconstruire ce que la pandémie casse. Le vaccin offre cette perspective de réouverture. Il faut être cohérent, si on veut tout réouvrir, si on veut pouvoir connaître à nouveau le goût de l'insouciance, il faut soit croire aux miracles, soit croire à la science. Moi j'ai choisi. 

02/01/2021

Élargir le champ de vision du COVID

Pour commenter le couvre-feu à 18h, ce matin, un spécialiste des maladies infectieuses du Grand Est dit ceci "pour nous c'est un minimum et un peu tard. Je regrette pas les décisions, mais leur date d'entrée en application et peut être faudrait-il faire plus". Près de dix mois après le premier confinement, près de 300 jours que nous sommes suspendus à un virus, les tensions sur un éventuel pire - des fermetures d'écoles ?- sont toujours là. C'est désespérant.

Le camp de celles et ceux qui approuvent les restrictions est toujours aussi fort : les confinements, couvre feu et autres fermetures ne sont pas si impopulaires. Au-delà des quelques millions de nouvelles personnes qui ont déjà basculé dans la pauvreté voire l'extrême pauvreté, celles et ceux qui effleurent la folie, la violence, le désespoir, nombre de braves personnes trouve que "c'est un peu exagéré, surtout que nous sommes raisonnables, mais tant que les jeunes feront les andouilles faudra bien fermer". C'est ignoble.

S'opposer à ces mesures de privations de libertés, ça n'est évidemment pas être contre la science (ce qu'on dégaine tout de suite) encore moins être "eugéniste" (ce qu'on m'a avancé récemment). La science observe comment se répand le virus, comment il contamine, survit, comment il attaque l'organisme, et comment le combattre. Voilà ce que fait la science. A l'aune de ces observations, elle donne des conseils. La preuve que nous ne suivons pas la science, c'est qu'elle dit bien que le masque en extérieur ne sert absolument à rien sauf rassemblement monstre et pourtant, il est obligatoire partout y compris dans des forêts désertes... La science nous incite à la prudence extrême à l'intérieur, avec des masques, voilà ce qu'elle dit. Quand on mange, boit, transpire en faisant du sport, on enlève son masque, donc les risques sont accrus : plus l'espace est restreint et non aéré, plus on prend des risques. Le fait divers tragique belge d'un homme venu en EHPAD déguisé en Père Noël sans se voir positif au Covid et ayant contaminé 85 personnes et tué 26 résidents rappelle l'extrême contagiosité du virus et sa létalité sur les plus fragiles. Personne n'a dit l'inverse.

Être contre la science, c'est refuser la chimiothérapie pour affronter un cancer et préférer la méditation, des pousses de bambou et un abonnement premium à une chaîne de gourou. C'est penser que la variole, la rougeole et autres ont disparu comme par enchantement. Ça n'est pas le cas de celles et ceux qui demandent à vivre, mais veulent juste qu'on regarde les dégâts du COVID en élargissant la focale.

300 jours que nous vivons sous l'emprise du COVID et nous regardons toujours les mêmes choses : nombre de personnes contaminées, admissions à l'hôpital, réanimations, décès. Que ça. C'est uniquement à l'aune de cette boussole qu'on ouvre, ferme, entrouvre, dans un ballet qui n'est pas sans rappeler les entrées et sorties d'un chat domestique... La seule chose qui semble pouvoir arrêter cela, c'est le vaccin. Macron lui même balaye cette question d'un revers de main, "encore jusqu'au printemps". 

En mars dernier, tout le monde était trop sidéré pour voir autre chose, on observait le compteur macabre s'affoler et nous étions tous des Roger Gicquel, la France avait peur. Depuis, nous sommes décillés et il est permis d'élargir la focale pour voir les drames causés par ce virus : 1 million de chômeurs en plus, 2 millions de nouveaux pauvres, 100 000 SDF en plus, le nombre de bénéficiaires des banques alimentaires a doublé, 8 à 10 000 morts du cancer supplémentaires chaque année pendant au moins cinq ans, faute de prévention...

On sait déjà tout cela, sans compter tout ce qu'on ne sait pas : 100% des psys publics (les articles sur des thérapeutes privés à 100 balles la consultation ne voyant pas d'afflux particulier est pour le moins croquignolet) parlent de "bombe inédite, de vague déferlante" et autres images laissant imaginer le désastre. Et l'économie ? Quand on retirera le respirateur artificiel des PGE et du chômage partiel, combien de faillites ? En 2020, on dénombre 25 à 30% de fermetures d'entreprises en moins à cause de cet artifice comptable. Ça laisse imaginer le désastre pour 2021... Quand chaque soir et chaque matin on entend "les indicateurs se dégradent" on ne parle que des courbes épidémiques qui, effectivement, ont tendance à s'aggraver en ce moment. Mais quid de toutes les autres que je mentionnais avant ? Car leur évolution est autrement exponentielle et bien plus dramatique pour l'avenir du pays. Refuser de voir cela, ça n'est plus de l'obstination, ça confine à la mauvaise foi caractérisée.