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10/11/2009

Génération 5 M

Vendredi dernier, j'écrivais un petit post de rien du tout pour dire que j'aimais le papier, pas au point d'en manger, mais suffisamment pour lire.  Je citais un blogeur nommé Versac. Juste nommer. Sans lien hypertexte, sans publicité tapageuse, rien. Juste nommer. Deux heures après l'avoir publié, je recevais un long commentaire dudit Versac poings crispés sur son capital image, prenant un marteau-pilon pour écraser une mouche. Car enfin, soyons sérieux, je vous aime tous, vous qui venez quotidiennement sur ce blog, mais d'après les stats ça fait quoi ? 100 pékins par jour. Ceci incluant ceux qui cherchaient du porno zoophile et autres requêtes farfelues. Avec tout le respect que je me dois, mon blog n'a pas encore exactement l'influence du Monde.

Pourtant, malgré l'insignifiance de la remarque, le blogeur Versac a tenu a prendre le temps de répondre, de lire, de vitupérer. Qu'en penser? Soit des amis de ce Versac lisent ce blog et lui ont signalé dans la minute, mais le temps de réactivité comme on dit dans le 100m est trop impressionnant pour valider cette hypothèse. Je ne suis pas un geek, loin s'en faut, mais je vois quand même encore comment on peut mettre en place des alertes google sur son propre nom. Pour certains sujets, je suis moi même en veille avec des alertes google, quotidiennes, sur des thèmes qui m'intéressent (les tabourets chromés, une passion d'enfance...). Et donc ce Versac doit avoir des alertes sur son nom, mais surtout, il a dû demander une instantanéité pour pouvoir répondre instantanément aux philippiques sur son nom.

C'est ça, la génération 5 M: moi même maître de mon monde, pour reprendre la célèbre formule des Guignols à propos de Jean-Marie Messier. Je ne veux pas verser dans les thèses de Finkielkraut sur le tout à l'ego du oueb, ce serait un peu facile, mais tout de même, les bras m'en tombent. Que l'on sache à peu près ce qui sort sur vous quand on tape votre nom sur google, pourquoi pas ? Que le premier internaute qui ne s'est pas googelisé me jette la première bière. Mais être en vigilance permanente pour commenter des commentaires n'est-ce pas aberrant ? Où est le nivellement dans tout ça ?

D'ailleurs, faisons un peu de psycho à distance. Dans quelques minutes, je publierais ce post et donc, le fameux Versac recevra une alerte sur son Iphone, son Blackberry ou autre laisse électronique portable qu'il a forcément pour ne jamais se couper de ce qui se passe. Alors, il pourra être en train de manger un petit dèj, de profiter du ciel bleu ou de rencontrer des entrepreneurs numériques comme lui, il recevra une "alerte". Alors, que faire ? Répondre comme la première fois ? Bah oui, car il faut rappeler à tous les béotiens du oueb comme moi, qui ne comprennent pas les nouveaux enjeux stratégiques du monde, le capital image, l'immatériel numérique, la puissance de la renommée... Vous êtes un homme du passé, Castor ! Avec un argumentaire précis, il découpera au laser mes arguments pour rappeler qu'on ne badine pas avec l'ego, la réputation, son honneur monsieur.

Ou alors... Ou alors, il sait lire et dans ce cas, il voit bien qu'il ne faut pas répondre. Comme disait Montaigne, "il n'est réplique si piquante que le mépris silencieux ". Et toc. Ne pas répondre, prouver que cela n'a aucune importance. Ce que la presse devrait faire quand les hommes politiques balancent des conneries grosses comme eux pour faire évoluer l'agenda médiatique sur ce qui les arrange et s'éloigner des problèmes. En voilà un truc qui serait intelligent.

Seulement voilà, ledit Versac (encore une fois, j'ai rien contre lui en tant qu'individu, il ne m'intéresse qu'en temps que symptôme, lui comme les Loïc le Meur et autres incarnent une génération 5 M, qui croient sincèrement avoir pris le oueb comme on prend la Bastille et être par là, les derniers aventuriers du monde. C'est leur épilogue à la fin de l'histoire de Fukuyama, après la capitalisme, y a les entrepreneurs du web et après on peut vraiment fermer le ban) pensent sincèrement que contrôler ce qui se dit sur la toile, c'est le nec plus ultra de la communication politique (admettons) et même de la pensée politique. Et là, il y a des LOL qui se perdent comme on dit en ligne. Une différence, tout de même, entre les deux blogeurs cités, Versac est assez modeste dans son propos, il accorde juste une importance absolument inconsidérée à la petite musique du oueb, mais ce n'est pas celui des deux victime d'hubris...

Dans une vie antérieure (il y a un ou deux ans, mais en temps internet, c'est l'ère glaciaire si on les écoute, poussez vous poussez vous, l'histoire accélère) Versac animait un excellent blog où il parlait de fond. Aujourd'hui il le touche, et j'espère il en touche (des fonds) : dans le fameux débat chez Taddei où il s'opposait à Tapiro, il a vraiment affirmé que Jean Sarkozy avait reculé car le oueb avait rigolé. Que des milliers d'internautes s'étaient mis à rigoler ensemble et que donc son capital image était trop écorné que ce n'était plus stratégique d'insister. Bon. C'est ça, la génération 5M, je parle, je meuble et j'avance ainsi mes pions dans mon univers et peu importe que mes postulats de base soient faux, l'important c'est de raisonner et avancer.

C'est ça qui explique qu'aujourd'hui un Luc Chatel, excellent vendeur de shampoing, pense sincèrement qu'il est capable d'être ministre de l'éducation car il parle d'éducation. C'est la même logique qui autorise Manuel Valls à se présenter à la primaire. Or, politiquement, qu'est-ce que Manuel Valls ? Rien. Absolument rien. Toutes ces idées neuves ne sont pas justes et toutes ses idées justes ne sont pas neuves. Mais les médias le suivent, donc il existe, donc il monte, un jour même, il ira chez Drucker et là, on convoquera trois sondeurs, deux experts en image et deux éditorialistes qui expliqueront qu'il a "la stature d'un présidentiable".

Ce qui est un peu (pas de catastrophisme tout de même) désolant dans ce courant du 5M, c'est que lorsque l'on est soi même maître de son monde, que l'on contrôle et verrouille son petit pré carré, son réseau et ses sphères d'influences, aussi larges soient-elles, on est tout de même ontologiquement INCAPABLE de se mettre dans une idée de service public, au sens littéral. Au service de son public, de son audience oui, mais du public, non. Et c'est bien navrant. Le fait que tous les politiques se mettent à facebook et Twitter (avec ou sans fautes d'orthographes à la Estrosi mais là n'est pas le débat) participe exactement de la même logique.

Comme dirait un ami très cher, ces éminences numériques comme ces politiques qui les imitent ne sont pas forcément stupides (encore que, Valls et Estrosi...) mais ils mettent véritablement leur intelligence au service de la médiocrité...

Demain, nous profiterons d'un jour férié pour ne pas avoir de plan établi.

Commentaires

Wooooooof... Je me disais bien aussi que j'étais sur un blog qui décoiffe !

On ne se méfie jamais assez de ceux qui font d'amuseur profession.

Merci pour ce texte.

Écrit par : 2Casa | 10/11/2009

Nettement plus ample et plus claire dans son développement que le post d'hier.

Sujet symptomatique s'il en est. Il serait peut-être temps d'abonder dans le sens de Finkielkraut alors, puisque tu en fournis un merveilleux exemple. Mais ta sensibilité s'y refuse plus que ta raison.

Il reste une hypothèse à ce dégueuli improvisé matiné de contrôle et de contre-contrôle et de contre-contre-contrôle (pour moi l'une des plus probables et bien peu reluisante) : la publicité. Car oui, l'injure marche et fonctionne pour la publicité. Injure dans tous les sens de la formulation. De la plus trash et sodomite à la plus fine et politique.

Extension de l'idée à l'égotisation de toutes les sphères de pensée. Est-ce vraiment une nouvelle ?

En fait, vincent, mon idée est la suivante. L'atrophie intellectuelle de nos soi-disants gouvernants s'explique par autre chose que leur nullité et leur cachoterie (cachoteries où ils se révèlent par ailleurs excellents).

C'est notre éveil intellectuel et notre compréhension du monde en tant qu'individu pensant qui change, pas la médiocrité du jugement de ceux qui ont droit à leur cinq minutes de gloire (x100).

Peut-on croire sérieusement que Mitterand à ses 25 ans étaient autre chose qu'un Manuel Valls. Un Mendès-France autre chose qu'un Benoît Hamon en son temps. Changement d'époque, mais les imbecillités survivent. J'y ajoute une crise de jalousie du sujet observateur, que je ne cache pas, en l'occurence moi-même.

Écrit par : pseudonymes1 | 10/11/2009

@2casa: Thanks ! Desproges le disait, elle est déjà énorme, la prétention de faire rire...

@goug: hmmm, t'es fan de Finkie ? Oui, la pub, celle la même qui était dans ma boîte aux lettres ce matin, avec Google qui me promettait une vie meilleure et 75euros de pub gratuite. Puis, aux galeries farfouillette, alors que je faisais des emplettes on me demanda "quel code postal?" c'est pour les statistiques... C'est vrai que tout cela est bien triste, je te l'accorde volontiers !

Écrit par : castor Junior | 10/11/2009

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