Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/04/2010

La moins bonne part de Tristan Garcia

MPDH.jpgDeux actualités pour notre surdoué des lettres, Tristan Garcia: la meilleure part des hommes est disponible en Folio, ce qui lui permettra de conquérir de nouveaux lecteurs et aujourd'hui même sort mémoires de la jungle en grand format dans la blanche de Gallimard aussi.

Garcia est né en 1981, il a publié son premier roman en septembre 2008 et une grosse année après, tout en enseignant la philosophie, revient avec un livre de près de 400 pages sur un thème radicalement différent demandant quelques recherches éthologiques. J'espère sincèrement qu'il l'a écrit avant et que c'est son éditeur, attiré par l'odeur des royalties qui lui a demandé s'il n'avait pas écrit quelque chose avant et qui a sorti l'opus. Le procédé a marché récemment avec Jonhatan Littel dont a publié des écrits adolescents après le succès des Bienveillantes, dans une logique purement commerciale.

Si j'espère qu'il l'a écrit avant c'est que cela apaiserait ma déception... Son nouveau livre est d'un ennui, mais d'un ennui... On retrouve tous les défauts des forts en thèmes (il est normalien) : un projet ambitieux avec cadre géographique et temporel imaginaire; narrateur original -un singe- et foison de personnages. Des contraintes, des contraintes pour montrer qu'on peut écrire "Grand". Le style, mon général, le style est là -déjà ou encore ?- mais le style ne peut pas tout quand on s'ennuie à ce point. Passé la surprise agréable des 40 premières pages à voir ce singe expliquer qu'il voudrait être homme, voudrait parler... on commence à bailler. Ensuite, réflexion sur la question de nature, du singe apprivoisé qui se retrouve à nouveau à l'Etat sauvage et doit réapprendre à se déshumaniser. Intéressant, non ? Bah non. Mémoires de la jungle, c'est "Gorilles dans la Brume" vue par Donkey Kong avec un soupçon de "Planète des Singes" et de Flipper le Dauphin pour l'empathie animalière... Bref, une déception sans nom...

Heureusement, reparaît donc, et pour une somme modique en plus la meilleure part des hommes. J'ai beaucoup offert ce livre et vais continuer. Le style là encore est incisif, dépouillé de cette manie horripilante des jeunes auteurs pour "la phrase qui tue": un paragraphe dont on se demande ce qu'il fout là, et hop, planté tel un haïku tranchant comme un katana, la phrase calibré pour evene.fr. Un processus dont abuse Zeller, Foenkinos, Nicolas Rey et autres...

Garcia, lui, s'en moque, il ourle avec virtuosité trois styles pareillement convaincants pour faire parler les trois voix de son jeune écrivain/activiste, son philosophe rance en quête de spotlights et sa journaliste tendrement désabusée. Ce style est là au service d'une trame enivrante, on ne lâche pas, peste contre les pages qui filent trop vite. On se prend, aussi, souvent, à se dire "mais oui" "c'est ça" "bien vu l'artiste", bref, sans vouloir rien dire des années SIDA, des années fric, des années Mitterrand aussi, il dit beaucoup plus. Sans verser dans le moralisme, on fait un constat beaucoup plus tranchant de ces années-là, Garcia signait alors un opus magna qui vaut bien qu'on oublie le second en attendant très très impatiemment qu'il retrouve le chemin de ces débuts.

Demain, la bourse sera fermée, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir foutre ?

Les commentaires sont fermés.