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02/02/2011

Le livre des livres, de cette rentrée de janvier

9782953353822.jpgOn pourrait, bien sûr, passer du temps à dézinguer des livres. Pour des questions de relations de travail avec des éditeurs, je me fais offrir les valeurs sûres de grandes maisons parisiennes. Je pourrais ainsi vous faire gagner du temps en vous disant que si "testament à l'anglaise" et "bienvenue au club" étaient des grands livres, "la vie très secrète de Monsieur Sim", le dernier Johnatan Coe, est une belle bouse. Idem pour Alexandre Jardin, si l'on pouvait sauver le précédent pour les trouvailles flamboyantes le dernier qui marque sa conversion philosémite débile et sa détestation jusqu'à l'imaginaire de son grand père, passez votre chemin...

Pourquoi je vous dis ça ? Parce que la rentrée littéraire, comme souvent va se focaliser sur dix livres (dont le Mathieu Lindon que j'ai pas encore lu) alors qu'à l'évidence, en janvier il n'y en a qu'un à lire: B.A. BA de Bertrand Guillot, aux éditions rue Fromentin, si votre libraire est mal achalandé, ne le blâmez pas et exigez qu'il le commande... S'il ne voit pas vous dites, "le coup de coeur d'Audrey Pulvar".

Pour faire allégeance auprès de Monsieur Sauvé, je le précise d'emblée: je connais Bertrand Guillot. Je pourrais continuer à trahir le secret militaire en disant qu'il est mon ami, mais je ne voudrais pas qu'il m'attaque pour diffamation, les relations d'amitié devant être partagées, on ne sait jamais. Je me détacherai donc de ma relation à l'auteur, éviterai les superlatifs et tenterai de vous dire simplement en quoi c'est un livre important.

Qu'est-ce qu'un livre important ? Je dirai que c'est un livre qui vous marque par son message. Pas forcément un grand livre, de ceux qui change votre conception de l'univers et sur lesquels les lettrés s'écharpent pour savoir si c'est "grand" "immense" ou au contraire "snob" "du toc"... Rangez là, la recherche, en dessous du volcan, Ulysse, l'homme sans qualité, Madame Bovary, Lucien Leuwen et consorts. Ceux là sont hors jeu pour reprendre le titre du premier roman de Guillot.

Ensuite, vous avez tous les très bons livres. Là, entre un Foer, un Rolin, un Duroy ou un Milovanof, pour d'autres un Murakami et des dizaines, ceux-là sont à la limite du hors-jeu... Et c'est là que surgit Guillot, coiffant au poteau, le Modiano en petite forme, le Xème Rouaud qu'on achète parce que c'est Rouaud ou un Fargues... Je le dis sans ambages, mais avec grand pont (hello Maylis) : B A BA est au dessus de tout ceux là et marque le but de cette rentrée de janvier 2011... Les autres, comme disaient Chateaubriand "il faut dépenser son mépris avec parcimonie, il y a trop de nécessiteux", donc inutile de s'attarder sur la nullité crasse du dernier Rouart, du dernier Begaudeau ou du dernier Foenkinos (tien, que des mecs...).

Je vois que je me prends moi même à mon propre piège en en parlant que de roman. B A BA est aux confins. Pendant 200 pages, Guillot fait du mentir-vrai pour dire comme Jouvet; en l'occurence du "romanréel". Il aurait voulu romancer, mais il n'a pas pu. Pourquoi inventer des destins à toutes ces personnes qu'il a rencontré? Ho, il aurait pu échafauder une expulsion, un polygame, une burka et un patron social qui les emploi, pour faire de gauche, mais il ne l'a pas fait. Il n'a pas travesti sa pratique et se contente de raconter son ordinaire de mec bien. Peut être est-ce pour ça qu'il est de gauche, d'ailleurs (je trahis un second secret militaire).

Le sujet du livre, donc, puisque j'y viens et parce que c'est qui est important, plus que la rentrée littéraire ou que Bertrand Guillot, c'est l'analphabétisme. Un peu comme l'illettrisme mais pour ceux qu'on occulte. Faites l'expérience autour de vous et allez lire le livre, vous me comprendrez.

C'est une bataille de chapelle idiote puisqu'il n'y a qu'un combat: faire décrypter le monde à ceux qui sont devant des codes hermétiques. Si vous ne voyez pas ce que je veux dire, allez au kiosque et achetez les journaux égyptiens pour me faire un résumé de ce qui se passe au Caire en ce moment. Vous serez bien emmerdé. Imaginer ensuite que tout votre environnement, des journaux à votre clavier et écran d'ordi, vos manuels, vos impôts et feuille de sécu, tout apparaît dans ce code qui vous agresse. Là, vous trouvez un type bizarre, qui ne sait pas trop ce qu'il fout là sauf qu'il connaît le code. Il vous apprend, ça prend des mois, mais au final, quand vous décodez, la joie immense est partagée. Sans déconner, à t'on imaginer quelque chose de plus important à enseigner ? Car sans la lecture et les subtilités du langage, comment comprendre que "le PSG, solide dauphin de Lille" ne signifie pas que Martine Aubry a fait n'importe quoi dans la gestion de son zoo aquatique ? Et bien B A BA raconte ce miracle comme personne... 

Valéry disait qu'un écrivain "c'est quelqu'un qui cherche ses mots et quand il les a trouvé, en cherche de meilleur". Guillot est donc un écrivain. Sauf que ses mots, lui, il les offre à ceux qui n'en ont pas. 

Demain, nous irons vérifier que les libraires s'approvisionnent bien...

Commentaires

Je ne dirais qu'un mot : MERCI ! (nous aussi on aime beaucoup ce livre, mais on va nous accuser de parti pris).

Écrit par : ruefromentin | 03/02/2011

C'est une très belle chronique. Si ce type est vraiment votre ami (ce dont je ne doute pas), il doit être ému.

Écrit par : passant massé | 03/02/2011

Les commentaires sont fermés.