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03/10/2011

Malaparte, ce génie.

malaparte.jpgSouvent les grands auteurs sont desservis par la médiocrité de leurs biographes. Ainsi de Romain Gary qui a été souillé post mortem par deux groupies, Dominique Bona et Myriam Anissimov, Malraux qui aurait mérité mieux qu'Olivier Todd (le père d'Emmanuel qui, en bon homme de gauche, a fait don de toute son intelligence à son fils) et tant d'autres.

Là, Malaparte est verni, il est resuscité par Maurizo Serra dont la finesse de l'analyse la dispute à l'élégance du style. C'est important quand on démarre un voyage de 600 pages dans l'univers d'un des plus grands auteurs du XXème qui a la particularité d'avoir écrit une oeuvre immense et vécut une vie trépidante. Malaparte n'était pas un écrivain en charentaises et quand il s'engageait dans la diplomatie ce n'était pas pour obtenir une prébende comme Stendhal ou pour s'y cacher comme St John Perse. Non, Malaparte débordait d'énergie et voulait vivre d'expériences fortes. La diplomatie en fut une, le fascisme aussi, le communisme aussi, la guerre surtout.

Humainement, comme souvent avec de grands auteurs du XXème, Malaparte ne se distingue pas son altruisme. Ni sa bonté d'âme. Il était profondément misanthrope, préférait la compagnie des chiens et des chats à celle des humains. Les femmes, il les poursuivait en chasseur, mais une fois séduites et consommées d'un coït rudiementaire (qui se dit alla francese, DSK a une lourde hérédité, en somme) il refusait de passer la nuit à leurs côtés pour ne pas qu'elles ne le voient au matin se pomponner pendant deux heures. Politiquement, ce n'est guère mieux, il se brouilla avec les communistes pour des vétilles égotistes et flirta de façon très appuyée avec le fascisme. Même si cela lui valut emprisonnement lorsqu'il critiqua Mussolini, dans "indépendance fasciste" on ne peut retenir que l'indépendance. Ajoutez à cela une homophobie comparable à celle de Drieu qui laisse supposer que ce grand amateur de sauna et de hammam à dû connaitre quelques "fins joyeuses" à l'issue des massages. Pour corser l'addition sur l'homme, il fut parfois un peu trouble sur son rapport à l'argent comme lorsqu'il essaya de presser la veuve Agnelli, héritère Fiat, de l'épouser et qu'il fallut une intervention conjointe du grand-père et du Duce pour faire capoter une union aux visées vénales grossières.

Voilà, tout ceci mis bout à bout, difficile de prendre la défense de ce grand mythomane de Curzio. Mais un mythomane de génie dont le premier souvenir de prime enfance est d'avoir explosé en larmes et contraint toute sa famille à rechercher son "petit voilier", bateau qui n'avait jamais existé mais que toute la famille s'escrima à retrouver avec abnégation. Il avait le génie de la menterie comme Guitry plus que Malraux à qui on l'a trop souvent comparé. Malraux ment mal, la bouche déformée par des kilos d'opium, il n'y a que 3 blaireaux pour penser qu'il fut vraiment résistant et quiquonque s'est intéressé à la période sait que la France a déboursé une fortune pour faire libérer cet imbécile qui avait déjà produit ses grands livres en 1944 et ne produira rien de transcendant par la suite. Et puis, Malraux a souffert de de Gaulle plus qu'il n'en a profité. Trop écrasante figure qui lui a offert le ministère de la culture, mais l'a réduit au rang d'hagiographe. Malaparte, lui, a pu tuer Mussolini qui l'a embastillé à cause de "technique du coup d'Etat". 

Arrivé à presque 50 ans sans avoir rien écrit de transcendant et mort avant 60 en laissant à l'histoire deux des plus grands romans du siècle, Malaparte a été touché par grâce littéraire. Une grâce morbide, immonde et inquiétante qui hantent Kaputt et La Peau, ces deux chefs d'oeuvre absolus. Ces deux romans où l'antropophagie surgit au milieu de la puanteur, des viols et de la culture décapité dans un monde foutu, ravagé, dissloqué par six années de conflit. Après avoir écrit ces deux bijoux, Malaparte est dépouillé. Aigre, il vire plus homophobe que jamais. Politiquement, il bascule dans le grand n'importe quoi, écrivant dans les équivalents transalpins de Charlie Hebdo comme Vanity Fair. Au crépuscule de son existence, passée une longue hospitalisation dans la Chine maoiste, tout le monde se presse au chevet du génie pour en profaner la postérité. Mourant, il prend sa carte du parti Républicain et se convrtit au catholicisme, deux preuves que le cancer en phase terminale lui a ôté tout esprit. Peu importe, ses écrits restent.

Oublions tous les à côtés pour se recentrer sur les deux romans magistraux qu'il nous a laissé. Lire ces deux monuments m'avait mis une gifle énorme. Lire la biographie de Serra m'en a mis une autre et donné envie de les relire. Pour une biographie, le but est atteint.

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